Behrouz Boochani reçu en Nouvelle-Zélande par Amnistie internationale et WORD Christchurch
Un journaliste primé longtemps retenu sur l’île de Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, a atterri à l’aéroport d’Auckland après avoir obtenu un visa visiteur pour la Nouvelle-Zélande afin de participer à un événement organisé en son honneur par WORD Christchurch le 29 novembre.
Behrouz Boochani, journaliste kurde iranien, est connu dans le monde entier pour avoir fait connaître les violations des droits humains depuis l’intérieur des centres de détention pour réfugiés du gouvernement australien.
Amnistie internationale dénonce depuis longtemps les violations des droits humains commises dans le cadre de la politique illégale de traitement extraterritorial des demandes d’asile appliquée par l’Australie. C’est une crise humanitaire où des milliers de personnes sont abandonnées indéfiniment dans des centres de détention, dans des conditions s’apparentant à de la torture. Lors des auditions devant le Sénat en octobre, le gouvernement australien a confirmé que 562 réfugiés et demandeurs d’asile sont encore retenus en Papouasie-Nouvelle-Guinée et à Nauru en vertu de cette politique cruelle.
La directrice d’Amnistie internationale Nouvelle-Zélande, Meg de Ronde, souligne que l’organisation se réjouit d’avoir contribué à soutenir l’événement de WORD Christchurch en parrainant Behrouz Boochani pour son visa.
« Nous défendons les droits des personnes réfugiées partout dans le monde. Behrouz n’est pas seulement un réfugié, mais aussi un défenseur des droits humains dont le travail de journalisme accompli avec dévouement depuis l’intérieur d’un centre de détention a été récompensé et salué à plusieurs reprises. Il est une voix pour la vérité et nous sommes impatients de l’accueillir ici. Le voir arriver sera certainement très émouvant. »
Meg de Ronde estime que ce visa est une lueur d’espoir.
« Le fait que Behrouz soit en mesure de participer à l’événement WORD Christchurch témoigne de la volonté humaine de survivre. Comme des milliers d’autres personnes prises au piège de la cruauté de la détention extraterritoriale, il veut simplement être en liberté dans un lieu sûr. C’est une lueur d’espoir pour cet homme qui a fui la violence et les persécutions, d’abord en Iran puis de la part des autorités australiennes. »
Elle ajoute que le visa octroyé contraste vivement avec l’attitude du gouvernement australien à l’égard de cette situation.
« Le gouvernement néo-zélandais a pris les devants et montré la voie à suivre en autorisant ce journaliste et écrivain reconnu à venir pour cet événement. Les réfugiés sont des personnes qui méritent de trouver un endroit sûr où vivre en liberté et dans la dignité. C’est une grande joie de voir les talents de Behrouz reconnus et récompensés ainsi. »
Meg de Ronde précise toutefois que les violations des droits humains et les souffrances psychologiques sont une réalité quotidienne pour les personnes qui restent coincées en Papouasie-Nouvelle-Guinée et sur l’île de Manus.
« Environ 500 réfugiés et demandeurs d’asile demeurent en Papouasie-Nouvelle-Guinée et à Nauru, pays qui ne peuvent pas protéger leur liberté et leur sécurité. Ces personnes ont été contraintes de fuir des persécutions – et après presque sept années, des centaines d’entre elles attendent toujours leur libération. Leur courage de continuer de se battre pour leur liberté est édifiant. Face au mépris choquant pour leurs droits et leur humanité, elles continuent de faire preuve d’une volonté et d’un espoir tenaces que peu de gens possèdent.
« Il existe des solutions : Behrouz en est le dernier exemple en date. Le gouvernement australien doit cesser de faire obstacle et laisser ces personnes être libres. »
Complément d'information
Behrouz Boochani a dû fuir l’Iran à cause des persécutions oppressives du peuple kurde par les autorités. Durant son périple, il a dû tenir accroché à un morceau de bois dans une mer agitée lorsque le bateau sur lequel il tentait de rejoindre l’Australie a chaviré et coulé au fond de l’océan Indien. Les autorités australiennes l’ont envoyé au centre de détention de l’île de Manus, où il est parvenu à poursuivre son travail de journaliste en communiquant régulièrement des informations sur la situation pour les médias internationaux, ce qui lui a valu de recevoir le prix d’Amnistie internationale Australie pour les médias en 2017.
À l’aide d’un simple téléphone portable, Behrouz Boochani a rédigé un livre, intitulé No Friend But The Mountains, dans lequel il relate son voyage éprouvant pour trouver la liberté et un lieu sûr où reconstruire sa vie, qui s’est terminé par un exil imposé dans une île perdue au milieu du Pacifique aux côtés de centaines d’autres hommes. Son livre a été traduit en 15 langues, récompensé par le prix de littérature de l’État du Victoria, le prix du livre documentaire du Premier ministre du Victoria, le prix littéraire du Premier ministre de Nouvelle-Galles du Sud, le prix de l’industrie du livre australienne, le prix national de biographie d’Australie, et il a été invité au WORD Christchurch Festival.
Behrouz Boochani a en outre écrit une série de poèmes publiés par la maison d’édition Macmillan en 2018 et réalisé un long métrage documentaire tourné entièrement sur son téléphone portable de contrebande, Chauka, Please Tell Us The Time, qui montre la vie insoutenable en détention illimitée. Le film a été projeté lors du festival de cinéma DocEdge en Nouvelle-Zélande l’an dernier.
Ce documentaire est une plongée exceptionnelle dans le centre de détention australien tristement célèbre de Lombrum, où les journalistes étaient interdits de visite et où les prestataires étrangers étaient tenus au silence sur ce qu’ils y voyaient – sous peine de poursuites passibles de deux ans d’emprisonnement. Pendant des mois, Behrouz Boochani a laborieusement téléchargé de courtes séquences vidéo envoyées au réalisateur danois d’origine iranienne Arash Kamali Sarvestani, qui les a montées pour en faire un long métrage documentaire offrant au public un aperçu inédit de ce qui se passe derrière le mur de secret de l’Australie.
Alors que l’Australie décrit les centres de « transit » de Manus et de Nauru comme confortables et sûrs, la réalité est toute autre. Amnistie internationale a conclu que le fait de détenir des personnes indéfiniment sur place constituait une forme de torture. Les personnes retenues dans ces lieux sont totalement privées de leur liberté. Les centres sur l’île de Manus avaient beau être « ouverts », les hommes qui y séjournaient étaient empêchés de quitter l’île, donc le pays.