Les autorités doivent enquêter sur la mort dans un centre de détention de la police de trois membres du MIN, et fournir rapidement des soins médicaux aux autres détenus
• Au moins trois détenus blessés sont morts dans un centre de détention de la police
• 15 manifestants blessés, dont des mineurs, sont maintenus en détention au secret depuis plusieurs semaines
• La police a effectué une descente dans un hôpital public et arrêté des protestataires blessés
Les autorités nigérianes doivent immédiatement ouvrir une enquête sur la mort, dans un centre de détention de la police, d’au moins trois membres du Mouvement islamique du Nigeria (MIN) blessés par balle, et fournir d’urgence des soins médicaux adéquats aux 15 personnes qui ont besoin de soins en raison de blessures par balle qui mettent leur vie en danger, a déclaré Amnistie internationale Nigeria le 5 août 2019.
Ces 15 personnes, parmi lesquelles se trouvent deux mineurs, sont maintenues en détention au secret à la Brigade spéciale de répression des vols (SARS) depuis le 22 juillet. Elles ont été arrêtées lors d’une opération de répression menée par les autorités contre des sympathisants du MIN qui protestaient contre la détention du dirigeant de ce mouvement. D’après les informations disponibles, les trois personnes qui ont perdu la vie après avoir été privées de soins alors qu’elles étaient blessées, sont mortes entre le moment de leur placement en détention et le 24 juillet.
« Nous avons reçu des informations confirmant que trois protestataires, qui ont été privés de soins médicaux, sont morts des suites de blessures par balle dans un centre de détention à Abuja. Leur mort dans un centre de détention de la police adresse un message inquiétant quant à l’utilisation par les autorités de la force meurtrière pour réprimer la dissidence et quant au non-respect du droit de recevoir des soins médicaux, a déclaré Osai Ojigho, directeur d’Amnistie internationale Nigeria.
« Les protestataires maintenus en détention dans le lieu de détention de la SARS sont dans un état critique et ont besoin de recevoir immédiatement des soins médicaux. Le fait de les priver de ces soins constitue une violation de leurs droits fondamentaux. Les autorités nigérianes doivent réagir avant que d’autres personnes ne meurent dans un centre de détention de la police. »
Des témoins ont indiqué à Amnistie internationale que des policiers armés circulant à bord de deux pick-ups Hilux sont arrivés à l’hôpital universitaire d’Abuja, situé à Gwagwalada, vers 17 h 30 le 22 juillet, et qu’ils ont rassemblé 11 patients blessés par balle, dont la plupart étaient des membres du MIN qui avaient été amenés à l’hôpital ce jour-là.
Une source digne de foi a indiqué à Amnistie internationale avoir vu placés en détention au moins 15 protestataires présentant diverses blessures par balle aux jambes, à l’estomac et aux hanches, mettant leur vie en danger, et que certains d’entre eux ne pouvaient pas marcher. Parmi les détenus blessés figurent deux mineurs et deux femmes placés dans la même cellule.
La semaine dernière, une vidéo a été diffusée montrant Ummul Kulsum, un étudiant de 17 ans de l’université Ahmadu Bello (ABU), située à Zaria, et Fatima Ibrahim Dasuki à terre devant un bâtiment public et en sang à cause de blessures par balle subies durant la manifestation du 22 juillet.
« Rien ne peut justifier le fait de tirer à balles réelles sur des manifestants pacifiques, et de les incarcérer alors qu’ils n’ont fait qu’exercer leurs droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique, a déclaré Osai Ojigho.
« La police nigériane doit libérer immédiatement et sans condition tous les membres du MIN qui n’ont pas été inculpés d’une infraction dûment reconnue par la loi et présentés devant une autorité judiciaire civile compétente. Le gouvernement nigérian doit mener dans les meilleurs délais une enquête indépendante et impartiale sur la mort des trois personnes qui étaient détenues par la police, et déférer à la justice les responsables présumés d’infractions. »
Amnistie internationale demande également qu’une enquête indépendante et impartiale soit ouverte sur la manifestation du 22 juillet, en particulier sur la mort de 11 protestataires, du directeur adjoint de la police Usman Umar, et du journaliste de Channels TV Precious Owolabi. Seule une enquête indépendante permettra de savoir qui sont les responsables des violences et des morts inutiles qui sont à déplorer, et d’engager des poursuites contre les responsables de ces agissements, dans le cadre d’un procès équitable et sans recours à la peine de mort.
Amnistie internationale a demandé à pouvoir rendre visite aux détenus pour vérifier leurs conditions de détention actuelles, mais la police n’a toujours pas répondu favorablement à cette demande.
Complément d’information
Le Mouvement islamique du Nigeria (MIN) est une organisation religieuse et politique. Son dirigeant, Ibrahim El Zakzaky, et l’épouse de ce dernier, Zeenah Ibrahim, sont maintenus en détention depuis 2015 alors qu’une haute cour fédérale a ordonné en décembre 2016 leur libération sans condition.
Les 25 et 26 avril 2019, le gouvernement nigérian a autorisé une équipe médicale externe à examiner Ibrahim El Zakzaky et son épouse à la Direction de la sûreté de l’État et au Centre national d’ophtalmologie, à Kaduna. Les médecins ont recommandé que ces deux personnes reçoivent d’urgence des soins médicaux en raison de leur mauvais état de santé. Selon des articles parus dans la presse le 5 août 2019, la haute cour de l’État de Kaduna a autorisé Ibrahim El Zakzaky et son épouse à aller se faire soigner en Inde.
Depuis janvier 2019, des membres du MIN manifestent chaque jour à Abuja : ils réclament la libération du dirigeant de ce mouvement et demandent au gouvernement de lui permettre de recevoir des soins médicaux de qualité.
Le 9 juillet 2019, la manifestation organisée par le MIN ayant pour point d’arrivée l’Assemblée nationale nigériane a dégénéré, avec des violences ; la police a affirmé que des protestataires du MIN ont tiré et blessé par balle deux policiers, et des agents des forces de sécurité ont tué deux membres du MIN qui n’étaient pas armés.