Le rejet du recours en appel des journalistes de Reuters constitue un terrible déni de justice
Réagissant à la décision de la Cour suprême du Myanmar confirmant la déclaration de culpabilité et la condamnation à sept ans d’emprisonnement des journalistes de l’agence Reuters Wa Lone et Kyaw Soe Oo, Nicholas Bequelin, directeur régional pour l’Asie de l’Est et du Sud-Est à Amnistie internationale, a déclaré :
« Le rejet, par la Cour suprême, du recours en appel formé par Wa Lone et Kyaw Soe Oo aggrave une terrible injustice et marque un jour sombre pour la liberté de la presse au Myanmar. Cette affaire montre que les autorités sont déterminées à empêcher que des intervenants indépendants rendent compte des atrocités commises par l’armée dans l’État d'Arakan, même si cela doit passer par un avilissement du système judiciaire du pays.
« Le cas de Wa Lone et Kyaw Soe Oo n’est pas un cas isolé. Ces dernières semaines, on a enregistré une multiplication inquiétante des arrestations opérées pour des motifs politiques, les autorités reprochant dans la plupart des cas aux personnes visées d’avoir critiqué l’armée.
« Alors qu’approchent les élections générales de 2020, la communauté internationale doit intensifier les pressions exercées sur le gouvernement pour qu’il remette en liberté immédiatement et sans condition tous les prisonniers d'opinion, et pour qu’il modifie ou abroge les lois répressives qui sont utilisées pour entraver la liberté d'expression. »
Complément d’information
Les journalistes de l’agence Reuters Wa Lone et Kyaw Soe Oo ont été arrêtés à Yangon le 12 décembre 2017. Ils enquêtaient alors sur le massacre de 10 hommes et garçons rohingyas commis par des membres des forces de sécurité du Myanmar dans le nord de l’État d'Arakan, massacre pour lequel sept soldats ont ultérieurement été emprisonnés par un tribunal militaire.
Inculpés d'avoir enfreint la Loi relative aux secrets d'État, les deux journalistes ont été condamnés à sept ans d’emprisonnement le 3 septembre 2018. L’appel interjeté devant la Haute Cour de Yangon a été rejeté en janvier 2019. Le 16 avril 2019, Wa Lone, Kyaw Soe Oo et leurs confrères ont été récompensés par le prix Pulitzer 2019 dans la catégorie reportage international.
Ces dernières semaines, le nombre d’arrestations et de placements en détention opérés pour des raisons politiques a augmenté de façon inquiétante. Citons notamment les cas suivants :
le 12 avril, le cinéaste et fondateur du festival du film international pour la dignité humaine et les droits humains Min Htin Ko Ko Gyi a été arrêté en raison de billets publiés sur Facebook critiquant l’armée et la Constitution de 2008 ;
le 19 avril, les autorités ont annoncé qu’elles engageaient des poursuites pour « diffamation en ligne » contre Ye Ni, rédacteur en chef de la section en birman de The Irrawaddy, en raison d’un article considéré par l’armée comme « partial » ;
Le 22 avril, cinq personnes ont été placées en détention et inculpées de diffamation et d’avoir fait des « déclarations aboutissant à des dégradations publiques » parce qu’elles ont retransmis en direct sur Internet une représentation de thangyat tournant en dérision l’armée myanmar pendant le festival du Nouvel An.
Ces arrestations sont facilitées par un ensemble de lois répressives qui sont utilisées depuis des années pour réduire au silence les voix dissidentes. Jusqu’à présent, le gouvernement dirigé par le NLD s’est largement abstenu, tout comme le Parlement, de prendre des mesures pour abroger ou modifier ces lois qui ne sont pas conformes au droit international relatif aux droits humains et aux normes connexes. Le gouvernement et l’armée ont en fait activement tiré profit de ces lois pour étouffer les droits à la liberté d'expression, d’association et de réunion pacifique.