Le premier décès recensé d’un enfant migrant en détention depuis l’arrivée du président actuel établit un sinistre parallèle avec la politique américaine
Le premier décès recensé d’un enfant détenu par les services mexicains de l’immigration sous le gouvernement du président actuel est une tragédie infâme qui exige des réponses de la part d’un gouvernement qui a promis de se montrer plus humain envers les migrants et les réfugiés, a déclaré Amnistie internationale le 17 mai 2019.
« Tandis que des enfants meurent entre les mains des services américains de l’immigration de l’autre côté de la frontière, le gouvernement du président López Obrador supervise une répression visant les migrants et les réfugiés qui se traduit par un manque de respect envers la vie humaine. Il est tentant d’établir un sinistre parallèle avec l’approche mise en œuvre par le gouvernement du président Donald Trump », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnistie internationale.
Le 16 mai, l’Institut national des migrations du Mexique (INM) a annoncé qu’une fillette de 10 ans du Guatemala est morte à l’hôpital, où elle a été transférée après être arrivée deux jours auparavant au centre de détention pour migrants de la ville de Mexico, en compagnie de sa mère ; elle se plaignait d’un mal de gorge. L’INM l’avait ramenée à bord d’un bus depuis l’État frontalier de Chihuahua, au nord du pays, un voyage d’environ 20 heures.
Amnistie internationale a recueilli de nombreuses informations sur les graves risques auxquels sont déjà confrontés les migrants et les demandeurs d’asile le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique en raison de la politique menée par les États-Unis, avec l’aval du Mexique. De son côté, le 29 janvier, le gouvernement américain a lancé sa politique Rester au Mexique, aussi connue sous le nom de Protocoles de protection des migrants, au titre de laquelle il renvoie de force des milliers de demandeurs d’asile au Mexique alors qu’ils attendent la décision finale quant à leur demande déposée aux États-Unis. Cette politique bafoue le droit international relatif aux réfugiés et le gouvernement mexicain n’a pas refusé d’y apporter sa coopération.
Des centaines de personnes qui attendent au Mexique que leurs auditions concernant leurs demandes d’asile aient lieu aux États-Unis sont piégées dans un vide juridique – et dans des situations potentiellement dangereuses. Le Chihuahua est l’un des États où des centaines de demandeurs d’asile sont contraints d’attendre au titre de cette politique. En parallèle du plan Rester au Mexique, les autorités américaines et mexicaines obligent des demandeurs d’asile à patienter des semaines ou des mois sur une liste d’attente illégale avant de leur permettre de solliciter une protection. Certains ont affirmé que cette situation les avait mis en danger.
En avril 2019, Amnistie internationale a rencontré des représentants des services mexicains municipaux, étatiques et fédéraux à Tijuana et Ciudad Juárez, qui ont confirmé que le gouvernement mexicain n’avait pas fourni de financements importants ni coordonné des opérations d’aide pour les milliers de demandeurs d’asiles renvoyés au Mexique. Les zones frontalières de l’État de Chihuahua, comme Ciudad Juárez, font face à l’arrivée de très nombreux migrants et demandeurs d’asile, sans bénéficier de ressources supplémentaires suffisantes de la part des autorités mexicaines pour les loger et les prendre en charge décemment.
L’INM se doit de faire preuve de transparence et de dire si cette fillette de 10 ans a été appréhendée par des agents mexicains de l’immigration dans cette zone frontalière, et de livrer tout autre élément entourant sa détention qui a finalement conduit à sa mort.
D’après les données du gouvernement mexicain, 31 675 étrangers ont été placés dans des centres de détention pour migrants entre janvier et mars 2019, dont 8 569 mineurs âgés de moins de 18 ans. Durant cette même période, les autorités mexicaines ont expulsé 22 614 personnes vers leur pays d’origine, dont 5 997 âgées de moins de 18 ans.
Les lois mexicaines relatives aux droits des enfants interdisent expressément le placement en détention de mineurs dans les centres pour migrants. Pourtant, l’INM détient des milliers de mineurs chaque année. La majorité viennent de pays d’Amérique centrale, comme le Honduras, le Salvador et le Guatemala, qui connaissent depuis quelques années des niveaux de violence élevés, contraignant de nombreux habitants à partir en quête de protection.
D’après les informations dont dispose Amnistie internationale depuis cinq à 10 ans, les décès de mineurs dans les centres de détention pour migrants au Mexique sont extrêmement rares