Le nouveau président doit s’attaquer aux violations des droits humains commises de longue date
Le nouveau président de Madagascar, Andry Rajoelina, doit s’attaquer aux violations des droits humains bien ancrées, notamment au recours excessif à la détention provisoire et aux détentions arbitraires de défenseurs des droits humains, a déclaré Amnistie internationale à la veille de son investiture le 19 janvier 2019.
Depuis quelques années, les violations des droits humains sont en nette recrudescence sur l’île. Des milliers de personnes sont placées en détention provisoire sans justification et pour une période prolongée, tandis que des défenseurs de l’environnement sont pris pour cibles parce qu’ils s’efforcent de protéger les ressources naturelles du pays, comme le bois de rose.
Andry Rajoelina a été élu président de Madagascar à l’issue du second tour de l’élection présidentielle le 19 décembre 2018.
« La situation des droits humains à Madagascar s'est détériorée ces dernières années. Des militants écologistes sont incarcérés et harcelés pour avoir dénoncé le trafic illicite présumé de bois de rose et la dégradation de l’environnement imputable à des multinationales, a déclaré Deprose Muchena, directeur du bureau régional pour l'Afrique australe d'Amnistie internationale.
« Les suspects de divers délits, notamment d’infractions mineures comme le vol d’un poulet, croupissent en prison sans avoir été déclarés coupables d’aucun crime, du fait du recours excessif à la détention provisoire par le gouvernement. »
Recours excessif à la détention provisoire
Dans son rapport de 2018, Amnistie internationale a dénoncé le fait que la détention provisoire est utilisée de manière excessive et abusive, y compris pour des infractions mineures qui ne justifient en rien une privation de liberté.
Les prisons sont gravement surpeuplées et les détenus, qu’ils soient en détention provisoire ou qu’ils aient été déclarés coupables et condamnés, sont enfermés ensemble dans des conditions inhumaines, sans accès suffisant à de la nourriture, de l’eau potable, des installations d’hygiène ou des soins médicaux.
Le rapport a révélé que, en 2017 seulement, 52 des 129 détenus morts dans les prisons malgaches se trouvaient en détention provisoire. Le système judiciaire pénal demeure extrêmement faible et sous-financé.
Défenseurs des droits humains et militants sont pris pour cibles
Les défenseurs des droits humains, en particulier les militants écologistes qui dénoncent le trafic ou l’exploitation illicite de ressources naturelles, continuent d’être victimes de harcèlement, de manœuvres d’intimidation et de détention arbitraire uniquement en raison de leur travail en faveur des droits humains.
Clovis Razafimalala a passé près d’un an en prison entre 2016 et 2017 pour des motifs sous-tendus par des considérations politiques, en raison de ses activités de défense de l’environnement. Il dénonce le trafic illicite de bois de rose et d’autres essences de bois dans le cadre de son rôle de coordinateur de la coalition Maroantsetra Lampogno, un groupe luttant contre le trafic illicite de ressources naturelles.
Un autre militant écologiste, Christopher Manenjika, s’est vu condamner à une amende absurde de huit dollars des États-Unis en juin pour avoir collecté des informations sur des affaires de corruption, de trafic illicite de bois de rose et d’exploitation minière ; il s’agit d’accusations forgées de toutes pièces.
Pénalisation de l’avortement
Aux termes du droit malgache, l’avortement demeure une infraction en toutes circonstances en vertu de l’article 317 du Code pénal hérité de la période coloniale française, ce qui met la vie de milliers de femmes et de jeunes filles en danger. Pourtant, le gouvernement s’est engagé en 2017 à en faire une infraction mineure qui ne serait plus passible d’une peine d’emprisonnement.
« Le nouveau président Andry Rajoelina a une occasion idéale de construire un pays respectueux des droits humains, a déclaré Deprose Muchena.
« Son gouvernement doit assurer la protection des droits des défenseurs, notamment leur droit à la liberté d’expression et leur droit de manifester pacifiquement. Les personnes placées en détention provisoire de manière injustifiée doivent être remises en liberté, tout comme les personnes condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement pour des infractions mineures et n’impliquant aucune violence. »