Les autorités doivent assurer le maintien du concert de Mashrou' Leila
Les autorités libanaises, et en particulier le ministère de l’Intérieur, doivent protéger le groupe mondialement connu Mashrou’ Leila d’une campagne haineuse de plus en plus intense et veiller à ce que ces musiciens, réputés pour leurs chansons abordant des questions sociales sensibles dans les pays arabes telles que l’homophobie, le patriarcat et la corruption, puissent donner leurs concerts en toute sécurité, a déclaré Amnistie internationale mardi 23 juillet.
Le 22 juillet, des dignitaires de l’éparchie de Byblos de l’Église catholique maronite ont publié une déclaration critiquant le groupe, en affirmant que ses chansons « insult[aient] les valeurs religieuses et humanitaires et les croyances chrétiennes », et ont appelé les organisateurs du Festival international de Byblos, où Mashrou’ Leila doit jouer le 9 août, à annuler son concert. S’en est suivie une tempête sur les réseaux sociaux, avec des messages hostiles à l’égard du groupe, dont des appels à faire annuler le concert y compris « par la force ».
« Les autorités, surtout le ministère de l’Intérieur, ont le devoir de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que le groupe soit protégé de cette campagne malveillante et de s’assurer que le concert ne soit pas annulé pour des raisons de sécurité, a déclaré Lynn Maalouf, directrice des recherches pour le Moyen-Orient à Amnistie internationale.
« Il est inadmissible que de tels appels continuent d’émaner d’institutions censées servir de modèles pour leur public, qui peuvent et doivent défendre le droit à la liberté d’expression et la protection des catégories de population vulnérables, au lieu de permettre les propos haineux, notamment homophobes. »
Amnistie internationale appelle les autorités, en particulier le ministère de l’Intérieur, à protéger Mashrou’ Leila et ses fans des tentatives d’intimidation, manœuvres de harcèlement et menaces, à mener des enquêtes approfondies et efficaces sur les allégations d’attaques à leur encontre, et à amener les personnes ayant incité à la haine et à la violence contre le groupe à rendre des comptes.
Le 22 juillet 2019, un avocat a déposé une plainte auprès du parquet du Mont-Liban en lui demandant de poursuivre le groupe pour avoir insulté une religion, incité au sectarisme et « diffusé et prôné l’homosexualité », ce qui est illégal aux termes du Code pénal.
Formé en 2008, Mashrou’ Leila est connu pour ses critiques concernant diverses questions sociales, religieuses et politiques au Liban, ainsi que pour sa défense du droit à la liberté d’expression et des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI).
« Les autorités libanaises doivent soutenir le groupe, montrer leur engagement pour le droit à la liberté d’expression et empêcher l’incitation à la haine et la discrimination. Elles doivent respecter, protéger, promouvoir et garantir les droits humains de toutes les personnes, notamment leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique ainsi qu’à la sécurité et à la protection contre la violence », a déclaré Lynn Maalouf.
Complément d’information
En mai 2018, les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont interdit plusieurs activités organisées à l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie et détenu l’un des organisateurs pendant une nuit. Elles ont invoqué des risques pour la sécurité à la suite de menaces émanant d’un groupe islamique radical.
En octobre 2018, la Direction générale de la sécurité générale a tenté d’annuler une conférence à laquelle participaient des militants du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord travaillant sur des problématiques liées au genre et à la sexualité, organisée par la Fondation arabe pour les libertés et l’égalité (AFE). Elle n’a pas expliqué ses motivations, mais son action a également fait suite à des menaces d’un groupe islamiste.
Bien qu’il soit signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), le Liban ne respecte pas ses obligations découlant de ce traité quant au respect, à la protection, à la promotion et à la réalisation du droit à la liberté d’expression de toutes les personnes dans le pays. Des failles législatives, notamment, comme l’article 13 de la Constitution libanaise, qui garantit le droit à la liberté d’expression « dans les limites prévues par la loi », ou les articles 317, 474 et 475 du Code pénal, qui rendent passibles de poursuites l’insulte à la religion et l’incitation au sectarisme, favorisent les violations du droit des personnes d’exercer leur liberté d’expression.