L’incendie volontaire du domicile d’un défenseur de l’environnement doit faire l’objet d’une enquête approfondie
Les autorités doivent enquêter sur l’incendie volontaire du domicile de Murdani, directeur du Forum indonésien pour l’environnement (Walhi) pour le Nusa Tenggara occidental, identifier les responsables et déterminer le lien éventuel avec son travail en tant que défenseur des droits humains, a déclaré Amnistie internationale Indonésie le 4 mars 2019. Cet appel fait suite aux investigations menées par Amnesty au lendemain de l’incendie, qui ont fait ressortir des éléments indiquant une attaque élaborée pouvant s’apparenter à une tentative d’assassinat.
« Ce terrible incendie a eu lieu il y a des semaines et les autorités ne semblent pas traiter cette affaire avec le sérieux ni l’urgence nécessaires. Malgré les nombreuses menaces qu’a reçues Murdani en raison de son travail au fil des ans, et jusque quelques jours avant l’incendie, la police a publiquement évoqué des théories jetant le discrédit sur ce militant écologiste respecté », a déclaré Usman Hamid, directeur d’Amnistie internationale Indonésie.
Le 28 janvier à l’aube, les flammes ont rapidement envahi sa maison dans le village de Menemeng sur l’île de Lombok, dans la province de Nusa Tenggara Barat (Petites Îles de la Sonde occidentales), tandis que Murdani, son épouse, leur fillette de quatre ans et leur fils de 17 ans dormaient.
Le 30 janvier, Amnistie internationale s’est rendue sur place et s’est entretenue avec Murdani et ses proches, des témoins et des policiers locaux afin de recueillir des éléments de preuve.
« Plusieurs feux ont été allumés devant la maison, bloquant délibérément toute possibilité de fuite, a déclaré Usman Hamid. La seule source d’eau du site avait également été bloquée. »
Des voisins qui sont intervenus pour éteindre l’incendie ont en effet découvert que le fossé d’évacuation des eaux situé à l’arrière de la maison était asséché. Ils ont déclaré à Amnistie internationale que cela était très inhabituel, car l’eau s’écoule tous les jours dans la tranchée ; ils ont constaté qu’un barrage avait été installé à environ 400 mètres en amont de la maison de Murdani.
« Nous demandons à la police de mener une enquête minutieuse sur cette affaire et de traduire les auteurs présumés en justice. Il est impératif que la police assure la protection de Murdani et de ses proches après cette attaque », a déclaré Usman Hamid.
Un incendie volontaire minutieusement préparé
Les investigations menées par Amnistie internationale ont révélé que des feux avaient été démarrés en quatre endroits différents sur le site. Le plus important a éclaté dans le minivan de Murdani, garé juste à côté de la maison. Les assaillants ont mis le feu sous le véhicule en brûlant un oreiller et un T-shirt avec de l’essence. Ce départ de feu, le plus élaboré des quatre, a brûlé la moitié de la maison.
Tandis que les flammes dévastaient l’habitation, Murdani a pris sa fille dans ses bras et a sauté du premier étage pour fuir, l’escalier étant en feu. Son épouse et son fils hurlaient depuis la fenêtre du deuxième étage, appelant leurs voisins à l’aide.
Murdani a tenté de sortir par la porte du salon, mais les assaillants y avaient également mis le feu. Ne renonçant pas, il a voulu fuir par la cuisine et s’est retrouvé devant la porte engloutie par les flammes. Il a réussi à sortir par la porte principale, qui est en fer et débouche sur la rue principale.
Une attaque visant un défenseur des droits humains
Murdani dénonce haut et fort divers problèmes environnementaux et humanitaires dans cette province touristique et riche en ressources naturelles, notamment la gestion des déchets, l’exploitation forestière illégale et l’extraction illégale de sable, ainsi que les secours en cas de catastrophe naturelle.
Au cours des dernières années, il s’est exprimé ouvertement pour aider les paysans à échapper aux manœuvres d’hommes d’affaires locaux désireux d’acheter 200 hectares de terres pour extraire du sable.
En 2016, il a reçu par SMS une menace de mort d’un expéditeur inconnu, lui disant qu’il était un « gêneur » parce qu’il remettait en cause l’extraction illégale de sable.
Voici le texte de ce message : « Si tu veux rester en vie, arrête de t’immiscer dans le business de l’extraction de sable. »
Murdani avait signalé à la police cette menace de mort reçue en 2016, mais rien n’a été fait. Depuis, son domicile avait été la cible de jets de pierres par des personnes non identifiées, jusque quelques jours avant qu’il ne soit incendié.
La réponse de la police et son incapacité à identifier les responsables
Murdani a déclaré à Amnistie internationale que son épouse et son fils de 17 ans étaient traumatisés depuis l’incendie.
« Si la police ne trouve pas les responsables, les villageois et toutes les personnes qui ont fait campagne contre l’extraction de sable se sentiront menacés. Il pourrait leur arriver la même chose qu’à moi. C’est pourquoi la police doit trouver les incendiaires et les déférer à la justice », a déclaré Murdani.
Le 30 janvier, le chef de la police judiciaire du Lombok central a déclaré au Lombok Post que l’enquête cherchait à déterminer si Murdani avait lui-même mis le feu à son domicile. Dans un entretien accordé à Amnistie internationale, le chef de la police a par la suite réfuté toutes les déclarations publiées par le journal.
« L’enquête devra dûment examiner si cet incendie était lié à son travail en tant que défenseur des droits humains », a déclaré Usman Hamid.
Le 13 février, la police du Lombok central a organisé une rencontre avec Murdani et son équipe d’avocats. Elle a affirmé avoir interrogé une trentaine de témoins dans le cadre de cette affaire et cité trois mobiles possibles pour cette attaque : la campagne de Murdani contre l’extraction de sable, des dettes présumées et sa rivalité avec d’autres candidats durant les précédentes élections de chef de village.
Les auteurs d’attaques contre des défenseurs des droits humains sont rarement traduits en justice. Parmi les affaires non résolues, citons l’attaque à l’acide contre Novel Baswedan, enquêteur de la Commission pour l’éradication de la corruption (KPK) en avril 2017, les incendies volontaires des domiciles du président et du vice-président de la KPK, Agus Rahardjo et Laode Muhammad Syarif, en janvier 2018, ainsi que l’agression du militant Tama Satya Langkun de l’organisation Indonesia Corruption Watch (ICW) en 2010.
« Les défenseurs des droits humains qui œuvrent à protéger l’environnement et luttent contre la corruption sont trop souvent la cible d’attaques en Indonésie. Il est du devoir des autorités de leur assurer un environnement sûr et porteur pour qu’ils puissent faire leur travail : cela suppose de traduire en justice les responsables présumés de ces agissements », a déclaré Usman Hamid.