La crise des droits humains en Chine doit être l’une des priorités du sommet UE-Chine
La question des militant·e·s emprisonné·e·s au Xinjiang doit absolument
être publiquement abordée
Les dirigeants de l’Union européenne (UE) doivent engager leurs homologues chinois à régler le problème de la détérioration de la situation des droits humains en Chine, lors du sommet UE-Chine qui se tiendra à Bruxelles le 9 avril 2019, ont déclaré le 4 avril cinq organisations de défense des droits humains. Ils doivent insister sur les motifs de préoccupation exprimés lors du dialogue UE-Chine des 1er de 2 avril, et appeler les autorités chinoises à fermer les camps d’« éducation politique » du Xinjiang et à libérer les dissidents emprisonnés.
Au cours des semaines précédant le sommet, l’UE et les dirigeants des États membres ont eu de nombreuses occasions de soulever la question des préoccupations liées aux droits humains, lors des réunions avec leurs homologues chinois. Pourtant, la Haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, et ensuite le président français Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel, et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, se sont tous abstenus de les évoquer publiquement ou d’appeler publiquement à ce que cessent les violations croissantes des droits humains en Chine.
« L’UE et ses États membres se sont publiquement engagés à soutenir pleinement les défenseur·e·s des droits humains, et cet engagement est actuellement mis à l’épreuve dans un contexte de répression impitoyable et de rapide dégradation de la situation de ces droits en Chine, a déclaré Lotte Leicht, directrice du travail de plaidoyer pour l’UE à Human Rights Watch. Le sommet UE-Chine représente pour l’UE une importante occasion d’adresser publiquement des messages forts au sujet de ces droits aux dirigeants chinois. »
Dans une lettre en date du 13 mars adressée aux dirigeants de l’UE et aux ministres des Affaires étrangères des États membres, ces organisations ont exposé de façon détaillée les graves atteintes aux droits humains perpétrées en Chine, y compris les arrestations arbitraires massives et la surveillance dont font l’objet les musulmans turcophones, l’intensification de l’« éducation politique » au Tibet, ainsi que la persécution, les disparitions forcées et l’incarcération de militant·e·s pacifiques, de défenseur·e·s des droits humains et d’avocat·e·s.
Les organisations ont aussi évoqué la menace que la Chine représente de plus en plus pour les droits humains dans le monde entier en raison de ses initiatives visant à saper le droit international relatif aux droits humains et à affaiblir des institutions telles que le Conseil des droits de l'homme des Nations unies. La rapide progression de l’initiative appelée « nouvelles routes de la soie » (Belt and Road Initiative) lancée par la Chine sans que les garanties nécessaires soient mises en place en matière de droits humains, et les fortes pressions exercées par la Chine sur les gouvernements étrangers pour qu’ils renvoient en Chine contre leur gré les personnes en quête d’asile et d’autres personnes qui se retrouveraient alors en danger dans le pays, ont également un effet néfaste sur la situation des droits humains à l’échelle mondiale.
Les 1er et 2 avril, l’UE a accueilli la 37e édition du dialogue entre cette dernière et la Chine en matière de droits humains. Malgré les initiatives de principe du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), ce dialogue demeure un instrument diplomatique faible. Les autorités chinoises s’abstiennent systématiquement de faire preuve d’avancées concrètes sur les questions relatives aux droits humains soulevées par l’UE. Pour la deuxième année consécutive, les responsables chinois ont annulé la session de réunion avec des organisations indépendantes de la société civile, parmi lesquelles figuraient plusieurs des organisations ayant signé cette lettre.
Depuis plus de 10 ans, les représentants de l’UE soulignent que ce dialogue sur les droits humains représente la seule occasion certaine de débattre de la question des droits humains avec les responsables chinois, et que ce dialogue est « mieux que rien ». Or, ce dialogue est devenu une décharge pour les préoccupations et les critiques en matière de droits humains, dans la mesure où il permet aux dirigeants chinois et européens de se tirer d’affaire en n’ayant pas à traiter directement de ces questions lors des rencontres de haut niveau.
Le communiqué de presse de l’UE diffusé à la suite du dialogue sur les droits humains du 1er avril souligne les efforts importants déployés par le SEAE pour discuter de cas individuels, et note que la Chine n’a pas participé à toutes les activités programmées, car elle n’a pas voulu participer à ce que l’UE décrit comme « un échange de vues utile » avec la société civile.
Lors de précédents sommets UE-Chine, les hauts dirigeants chinois n’ont fait guère plus que prononcer de beaux discours face aux préoccupations exprimées au sujet de questions urgentes liées aux droits humains. Les organisations de la société civile ont demandé aux présidents du Conseil de l'Union européenne et de la Commission européenne de respecter enfin les engagements pris par l’UE et de tirer parti du sommet du 9 avril pour insister publiquement sur les préoccupations en matière de droits humains soulevées pendant le dialogue, et réclamer des mesures concrètes, notamment la libération des militants et des avocats.
Les organisations de défense des droits ont demandé aux dirigeants de l’UE d’engager la Chine à permettre qu’une mission d'enquête internationale et indépendante soit menée au Xinjiang, à libérer les personnes emprisonnées pour délit d’opinion, et à ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elles ont aussi déclaré que les plus hauts représentants de l’UE et de ses États membres devaient marquer le 30e anniversaire de la répression qu’ont subie place Tiananmen les protestataires réclamant la démocratie en Chine.
« Les dirigeants de l’UE doivent s’inspirer de l’exemple de courageux militants tels que Huang Qi, Wang Quanzhang, Tashi Wangchuk et Ilham Tohti, et demander leur libération lors des réunions avec les dirigeants chinois, a déclaré Phil Lynch, directeur du Service international pour les droits de l'homme. S’ils s’abstiennent de lancer cet appel, cela représentera une trahison pour ces courageux défenseurs des droits humains qui ont été jetés en prison. »
Cette lettre a été signée par Amnistie internationale, Human Rights Watch, la Campagne internationale pour le Tibet, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, et le Service international pour les droits de l'homme.
« Les dirigeants de l’UE doivent reconnaître que leur diplomatie discrète n’a guère permis d’arrêter la spirale infernale des atteintes aux droits humains en Chine, a déclaré Roseann Rife, responsable de la recherche sur l’Asie de l'Est à Amnistie internationale. Ils doivent clairement exprimer l’urgente nécessité d’une amélioration de la situation de ces droits, ainsi que leurs préoccupations à ce sujet. »