• 10 avr 2019
  • Afrique
  • Communiqué de presse

L’Afrique subsaharienne poursuit sa progression vers l’abolition de la peine de mort, malgré des mesures régressives prises par une minorité de pays

D’après un récent rapport d’Amnistie internationale, le recours à la peine de mort diminue en Afrique subsaharienne. Cette bonne nouvelle confirme que la région continue de se détourner de ce châtiment, le plus cruel qui soit.

Sur les 29 pays d’Afrique subsaharienne qui maintiennent ce châtiment dans leur législation, seuls quatre, le Botswana, la Somalie, le Soudan et le Soudan du Sud, ont procédé à des exécutions en 2018. Alors que le Botswana et le Soudan, qui n’avaient exécuté aucun condamné en 2017, ont repris les exécutions l’an dernier, le nombre total d’exécutions recensées dans la région est passé de 28 en 2017 à 24 en 2018. Cette baisse s’explique surtout par la situation en Somalie, habituellement au premier rang des pays procédant à des exécutions en Afrique subsaharienne, où l’on a constaté une diminution en 2018 par rapport à 2017.

La présence de ces quatre États sur la liste des pays de la région ayant procédé à des exécutions n’est guère surprenante, car ils sont connus pour leur attachement à la peine de mort et ont appliqué régulièrement des sentences capitales au cours de la dernière décennie. En revanche, la forte hausse des exécutions au Soudan du Sud est très inquiétante : l’an dernier, le pays a exécuté sept personnes, le chiffre le plus élevé depuis qu’il a accédé à l’indépendance en 2011, et il a déjà dépassé ce triste record en exécutant huit condamnés au cours du premier trimestre 2019.

Bien que 17 pays en Afrique subsaharienne aient prononcé des peines de mort en 2018, huit d’entre eux sont abolitionnistes en pratique, car ils n'ont procédé à aucune exécution au cours des 10 dernières années et semblent avoir pour politique ou pour pratique établie de s'abstenir de toute exécution.

Fin 2018, au moins 4 241 personnes se trouvaient sous le coup d’une condamnation à mort en Afrique subsaharienne. Chacune avec sa propre histoire, rappelant que des milliers de personnes risquent de manière imminente de se voir ôter la vie par l’État. C’est notamment le cas de Magai Matiop Ngong, âgé de 17 ans ; en 2017, il a été condamné pour meurtre au Soudan du Sud, à l’issue d’un procès au cours duquel il n’a pas bénéficié des services d’un avocat et alors qu’il affirme qu’il s’agissait d’un accident. Durant ce procès, Magai a déclaré au juge qu’il n’avait que 15 ans, mais son âge n’a pas été pris en compte. Lors même qu’il est strictement interdit d’appliquer la peine capitale à des mineurs au titre du droit sud-soudanais et de la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant, Magai a été condamné à mort.

Enfermé à la prison centrale de Djouba en attendant le résultat de sa procédure d’appel, Magai a déclaré : « Je ne me sens pas bien du tout car personne ne veut mourir. Savoir que je vais mourir, ça me rend malheureux. J’espère que je pourrai sortir et continuer l’école. »

Si l’usage croissant de la peine de mort au Soudan du Sud fait planer le risque d’une exécution sur des dizaines de personnes comme Magai, d’autres pays tels que le Burkina Faso et la Gambie choisissent d’emprunter un autre chemin.

Au Burkina Faso, la peine de mort a été supprimée du nouveau Code pénal, entré en vigueur au mois de juin. Ce châtiment est maintenu pour les crimes exceptionnels qui relèvent de la législation militaire, mais il est désormais aboli pour les crimes de droit commun. En outre, une disposition interdisant expressément la peine capitale a été intégrée aux propositions de révision de la Constitution qui pourraient être adoptées cette année.

En Gambie, le président Adama Barrow continue de traduire en actes son engagement à débarrasser son pays de la peine de mort. En février 2018, il a annoncé la mise en place d’un moratoire officiel sur les exécutions. En septembre, le pays a ratifié le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), visant à abolir la peine de mort, devenant ainsi le 86e État partie à ce traité international, qui engage la Gambie à ne pas procéder à des exécutions et à prendre les mesures nécessaires en vue d’abolir la peine capitale.

Il y a 40 ans, aucun pays en Afrique subsaharienne n’avait aboli ce châtiment cruel pour tous les crimes. Aujourd’hui, ils sont 20 dans la région à l’avoir fait. Il est permis d’espérer qu’avant longtemps, le Burkina Faso et la Gambie les rejoindront et que d’autres suivront. Bien qu’une minorité d’États freine la région, l’Afrique subsaharienne est en chemin vers l’abolition totale de la peine de mort ; si la trajectoire est lente, elle a le mérite d’être constante.