Coupe du Monde. Respecter les règles, sur le terrain comme en dehors
Alors que la Coupe du Monde vient de débuter à Moscou, Stefan Simanowitz se penche sur les points communs entre ce sport et le droit international relatif aux droits humains.
« Ce que je sais sur la morale et les obligations des hommes, c’est au football que je le dois », aurait dit le célèbre écrivain Albert Camus. Alors que la Coupe du Monde vient de débuter en Russie, il ne fait aucun doute qu’il y a des leçons à tirer de ce beau sport. De la fluidité sublime de l’action collective qui a mené au but du Brésil face à l'Italie en 1970 à la tricherie grotesque de la « main de Dieu » de Maradona en 1986, des larmes émouvantes de Gascoigne en Italie en 1990 à la violence irréfléchie du « coup de boule » de Zidane en 2006, l'humanité pourrait avec profit, à partir du football, réfléchir à nos responsabilités individuelles et collectives les uns envers les autres.
Le football nous apprend le travail d'équipe et la camaraderie, le courage et le respect des règles, mais surtout, il nous apprend que certaines choses sont plus importantes que la victoire. En effet, les leçons à tirer du football vont au-delà de notre comportement individuel et collectif. Aussi, au risque de pousser la comparaison un peu loin, je vous invite à voir le monde comme un terrain de football.
Tout comme la FIFA établit les règles du jeu sur le terrain, les pays, au travers d’organisations telles que les Nations unies, ont défini les règles du jeu sur la scène mondiale. Au travers de textes tels que la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont on fêtera cette année le 70e anniversaire, nous avons créé un cadre de droit international pour promouvoir et protéger nos droits.
Les droits humains ont trait au respect, à l'équité, à la justice et à l'égalité. De même que les joueurs doivent avoir la liberté de s'exprimer sur un terrain de football, tout un chacun doit avoir le droit d'exprimer son opinion et de pratiquer sa religion. De même que les footballeurs doivent avoir la possibilité de se déplacer librement sur le terrain, pour autant qu'ils ne soient pas hors-jeu, les gens doivent pouvoir exercer leur liberté de réunion. De même qu’aucun footballeur ne doit se voir décerner un carton rouge sans raison valable, personne ne doit subir de façon arbitraire une arrestation ou une atteinte à ses droits, ni une incarcération sans procès équitable.
Comme les règles du football, les droits humains sont bien établis et internationalement acceptés. De même que les équipes de football sont tenues de respecter les règles du jeu, les nations sont censées respecter les règles du droit international relatif aux droits humains. De même que les arbitres sont là pour siffler les fautes, des organisations comme Amnistie internationale sont là pour donner l’alerte quand les pays ne respectent pas les droits humains. En cas de violation de ces droits, des organes tels que le Conseil de sécurité de l'ONU et la Cour pénale internationale sont là pour empêcher l’impunité.
De même que la technologie vidéo est désormais utilisée pour aider les arbitres de football, des outils numériques sophistiqués aident les organisations de défense des droits humains à détecter les violations de ces droits et à mettre fin à l'impunité. L'omniprésence des téléphones mobiles et l'accès accru à Internet permettent le partage de vidéos ou d'images qui peuvent servir de preuves quand des crimes de guerre, des violations des droits humains et des atteintes à ces droits sont commis. De plus, l’imagerie par satellite permet de mettre au jour des crimes, commis dans des lieux isolés, qui auraient pu rester cachés par le passé.
Alors que le flot d’horreurs qui alimente l’actualité semble ne jamais devoir s’arrêter, on peut légitimement se demander pourquoi tant de pays refusent de se plier aux règles du jeu. Imaginez un peu le chaos que ce serait, en Russie, si une équipe ne respectait pas les règles et n’était pas sanctionnée. Cela encouragerait d’autres équipes à en faire autant. Des joueurs toucheraient le ballon de la main et se feraient des coups bas sur tout le terrain, sans tenir compte des coups de sifflet de l'arbitre ni de l’indignation du public.
Certains chefs de gouvernement tentent de justifier les violations des droits humains en invoquant la sécurité nationale et la nécessité de protéger les citoyens. Or, en réalité, il ne saurait y avoir de vraie sécurité sans droits humains.
D'autres dirigeants, comme les présidents Trump, al Sissi, Duterte, Maduro, Poutine et Xi, n'essaient même pas de justifier les violations des droits de leurs citoyens. Nous ne pouvons pas laisser durer cette situation.
Le temps est venu d'agir collectivement. Il faudra de l'engagement, de la réflexion et de la coopération, mais il est important de savoir que nous ne sommes pas impuissants. Une équipe de football qui, pendant la Coupe du monde, enfreindrait les règles de la FIFA de manière flagrante et répétée serait sanctionnée par des amendes, des retraits de points, voire une suspension.
Le temps est venu, partout dans le monde, de s’unir et de décerner, de la même manière, un carton rouge aux États qui bafouent les droits humains.
Cet article a été publié en anglais par Euronews à cette adresse : http://www.euronews.com/2018/06/14/playing-fair-on-and-off-the-pitch-view