Le gouvernement poursuit sa stratégie de répression et criminalise le droit de manifester
Des dizaines de personnes ont été arrêtées de manière arbitraire à Managua dimanche 14 octobre alors qu'elles s'apprêtaient à manifester sous le slogan « Unis pour la liberté ». C’est une parfaite illustration de la mise en pratique des menaces du président Daniel Ortega, qui avait averti qu’il poursuivrait en justice toute personne osant s’opposer à son gouvernement en exerçant légitimement son droit à la liberté de se réunir et de manifester pacifiquement, a déclaré Amnistie internationale.
Dans un communiqué de presse publié le 14 octobre, la police nationale a confirmé l’interpellation de 38 personnes – dont huit ont par la suite été relâchées – pour avoir participé à des « actes d'incitation et de provocation », au motif qu'elles n'avaient pas reçu l'autorisation d'organiser une manifestation menaçant de troubler « la paix et la coexistence normale ».
« Il est scandaleux que le gouvernement du président Daniel Ortega se serve de la justice pénale dans le but de réduire au silence ceux qui contestent sa politique et réclament justice et l'exercice de leurs droits fondamentaux. Détenir des citoyens uniquement parce qu'ils sont descendus dans la rue pour protester témoigne d'un mépris flagrant pour la loi et les droits humains », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice des Amériques à Amnistie internationale.
Le gouvernement du président Daniel Ortega avait délivré un avertissement, par l'intermédiaire de récentes déclarations officielles de la police nationale : les rassemblements publics contestant sa politique sont déclarés illégaux et toute personne tentant d'organiser ou d'appeler à ce type de manifestation sera arrêtée et tenue pour responsable des infractions ou des troubles à l'ordre public susceptibles de se produire. Il s'agit d'une violation flagrante des obligations nationales et internationales du Nicaragua en termes de droits humains.
Par ailleurs, la défenseure des droits humains Haydeé Castillo a été arrêtée arbitrairement à l'aéroport de Managua juste avant d'embarquer pour se rendre à l'étranger et assister à une rencontre sur les défenseurs des droits humains. Le 8 septembre, la Commission interaméricaine des droits de l'homme lui avait accordé des mesures de protection au motif que ses droits à la vie et à l'intégrité physique étaient gravement menacés et qu'elle avait besoin d'une protection urgente.
Amnistie internationale a recensé des détentions arbitraires de citoyens uniquement pour avoir participé à des manifestations ou critiqué ouvertement le gouvernement. Beaucoup sont des leaders de mouvements sociaux ou étudiants et des représentants de tous les secteurs de la société au sein du dialogue national que le gouvernement a suspendu. D'après le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, au 18 août 2018, au moins 300 personnes étaient poursuivies en justice pour avoir pris part aux manifestations.
Au moins 30 personnes arrêtées le 14 octobre se trouvent toujours au centre de détention d'El Chipote. Amnistie internationale a confirmé qu’elles ne commettaient aucune infraction dûment reconnue par la loi et qu'aucun mandat d'arrêt n'avait été décerné à leur encontre au moment de leur interpellation.
« Ces détentions arbitraires témoignent de l'intolérance et de l'absence de volonté du président Daniel Ortega de résoudre la grave crise des droits humains que traverse le pays et montrent jusqu'où il est prêt à aller pour faire taire les voix qui réclament l'obligation de rendre des comptes et la justice. Le gouvernement du Nicaragua se trompe s'il pense que les opinions critiques, les revendications en faveur du respect des droits et l'indignation peuvent être emprisonnées », a déclaré Erika Guevara-Rosas.
Aux termes du droit international relatif aux droits humains, le fait d'organiser une manifestation pacifique sans notification préalable et sans autorisation ne justifie pas de la déclarer illégale ou d'arrêter les participants. Toutes les personnes incarcérées uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique doivent être libérées immédiatement et sans condition.