L'arrestation d’un chef de l’opposition, d’un militant et de deux journalistes inquiète à l'approche des élections
Les autorités mauritaniennes doivent immédiatement mettre un terme à la vague d’arrestations de journalistes, de figures de l’opposition et de militants anti-esclavage, qui relève semble-t-il d’une campagne de répression de la dissidence en amont des élections, a déclaré Amnistie internationale mercredi 15 août.
Biram Dah Abeid, président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) et ancien candidat à l’élection présidentielle, a été arrêté à son domicile le 7 août, tandis qu’Abdellahi el Housein Mesoud, un membre de l’IRA, a été appréhendé deux jours plus tard. Babacar Ndiaye et Mahmoudi Ould Saibout, deux journalistes officiant sur Internet, ont quant à eux été arrêtés le 8 août après avoir publié un article critiquant un avocat basé en France et proche du gouvernement mauritanien, initialement paru sur une autre plateforme.
« Ces arrestations et incarcérations signalent une tendance inquiétante prenant la forme de manœuvres d’intimidation, de harcèlement et de répression contre les voix dissidentes de la part des autorités mauritaniennes, à l’approche des élections législatives, régionales et locales de septembre », a déclaré François Patuel, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest à Amnistie internationale.
Biram Dah Abeid et Abdellahi el Housein Mesoud ont été appréhendés après qu’un journaliste a accusé Biram Dah Abeid de l’avoir menacé. Cette arrestation a eu lieu le jour où ont été soumises les nominations pour les législatives à venir dans le pays, élections auxquelles Biram Dah Abeid est candidat. Aucun mandat n’a été présenté au moment de son arrestation et on lui a déclaré qu’il s’agissait d’« un ordre venant d’en haut » ;
« Le moment choisi pour l’arrestation de Biram Dah Abeid, à quelques jours des élections législatives auxquelles il est candidat, est très suspect, et compte tenu du harcèlement judiciaire dont lui-même et les membres de l’IRA-Mauritanie font régulièrement l’objet, il ne serait pas surprenant que ces accusations soient motivées par des considérations politiques », a déclaré François Patuel.
Les avocats de Biram Dah Abeid et Abdellahi el Housein Mesoud ont été empêchés à plusieurs reprises de s’entretenir avec leurs clients en détention. Le 13 août, Biram Dah Abeid a été inculpé d’« atteinte à l'intégrité d'autrui », d’« incitation à la violence » et de « menace d'usage de la violence ». Abdellahi el Housein Mesoud a été accusé de « complicité ». Leurs avocats n’ont pas été autorisés à consulter le rapport de police, ni les éléments à charge produits par l’accusation.
Les procédures engagées contre Biram Dah Abeid et Abdellahi el Housein Mesoud sont déjà entachées d’irrégularités, notamment parce qu’ils ont été maintenus en détention sans inculpation pendant plus de 48 heures et n’ont pas pu s’entretenir avec leurs avocats. Ces derniers n’ont par ailleurs pas pu obtenir certaines pièces du dossier utilisées par l’accusation pour maintenir les deux hommes en détention.
Babacar Ndiaye, webmestre du portail d’information Cridem, et Mahmoudi Ould Saibout, journaliste à Taqadoum, ont été arrêtés après qu’une plainte a été déposée par un avocat mauritanien exerçant en France, à propos d’un article qu’ils avaient publié. Pour l’heure, ils n’ont pas été inculpés.
« Les autorités doivent relâcher Babacar Ndiaye et Mahmoudi Ould Saibout immédiatement et sans condition. Les journalistes doivent pouvoir exprimer librement leurs opinions sans craintes de représailles, notamment dans le contexte des élections », a déclaré François Patuel.
Complément d’information
Les tentatives des militants et organisations non gouvernementales agissant contre l’esclavage en Mauritanie de s’exprimer et de travailler librement font l’objet de restrictions de longue date. Mohamed Ould Ghadda, sénateur de l’opposition, se trouve en détention sur la base de charges en relation avec des faits de corruption, et son procès continue à être retardé. Des hommes en civil affirmant appartenir à la police l’ont arrêté à son domicile le 10 août 2017 sans présenter de mandat. Mohamed Ould Ghadda a fait état de son souhait de se présenter aux élections de septembre, mais n’a pas été en mesure de faire valider sa candidature car l’affaire est en instance de jugement. En juillet 2018, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a dénoncé le caractère arbitraire de la détention de Mohamed Ould Ghadda et a demandé sa libération immédiate.