Il faut enquêter sur l'homicide de deux manifestants
Les autorités malgaches doivent veiller à ce qu’une enquête exhaustive et indépendante soit diligentée dans les meilleurs délais sur l’homicide de deux manifestants à Antananarivo, et que les responsables soient traduits en justice, a déclaré Amnistie internationale le 23 avril 2018. Les conclusions de cette enquête doivent être rendues publiques. Les membres des forces de sécurité présents sur les lieux et soupçonnés d'être responsables de ces actes doivent être suspendus de leurs fonctions dans l'attente des résultats de l'enquête et, si des éléments de preuve recevables sont recueillis, ils doivent être traduits en justice dans le respect des normes internationales d'équité. Les victimes et leurs proches doivent pouvoir accéder à des voies de recours utiles et à des réparations adéquates, notamment à des indemnisations.
Le 21 avril, les forces de sécurité malgaches ont ouvert le feu sur les manifestants, causant la mort de deux personnes. Les manifestants protestaient contre les nouvelles lois électorales votées début avril en amont des élections prévues pour la fin de l'année. D’après eux, ces lois favorisent le parti en place, et pourraient empêcher leurs candidats de se présenter aux prochaines élections présidentielles.
Amnistie internationale estime que l'usage de la force excessive contre des manifestants qui expriment leurs préoccupations illustre le mépris dont font preuve les autorités envers les droits à la vie et à la liberté de réunion pacifique, d'association et d'expression.
Selon certaines informations, la manifestation n'était pas autorisée et certains participants auraient recouru à la violence, par exemple en jetant des pierres sur les policiers. Cependant, la police aurait dû réagir de manière proportionnée, en n'utilisant que la force minimum nécessaire pour gérer la situation et rétablir l'ordre public.
Madagascar est tenue au titre du droit international relatif aux droits humains de respecter, de protéger, de promouvoir et de réaliser le droit à la vie de chaque citoyen. Par ailleurs, les Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois disposent que les responsables de l'application des lois « auront recours autant que possible à des moyens non violents avant de faire usage de la force ou d'armes à feu ».
Les armes à feu ne doivent être utilisées que pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave ou pour prévenir une infraction grave mettant en danger la vie humaine, et seulement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes pour atteindre ces objectifs. Faire usage de la force meurtrière pour empêcher des manifestants de se rassembler ne saurait constituer une réponse appropriée.
Aussi, les forces de sécurité malgaches doivent-elles faire preuve de la plus grande retenue à l'avenir, dans le cadre de ce genre de manifestations.
Complément d’information
Samedi 21 avril, les forces de police ont ouvert le feu sur les manifestants dans la capitale Antananarivo, causant la mort de deux manifestants, et faisant 15 blessés.
Les tensions entre le gouvernement et les forces de l'opposition se sont cristallisées depuis le 3 avril, lorsque le Parlement a adopté de nouvelles lois électorales. Les dirigeants de l'opposition dénoncent le fait que les trois nouveaux textes de loi vont bloquer leurs candidats à l'élection présidentielle prévue en fin d'année. Ils accusent également le gouvernement d'avoir versé des pots-de-vin aux députés dans le but d'influencer leurs votes.
Samedi 21 avril, des centaines de manifestants se sont rassemblés dans le centre de la capitale, sur la place symbolique du 13 mai, pour protester contre ces lois. Les députés de l'opposition prévoyaient de rendre compte oralement aux manifestants des débats qui avaient eu lieu au Parlement. Les autorités avaient déclaré ce rassemblement illégal quelques jours auparavant, mais les opposants avaient décidé de le maintenir. Des affrontements ont éclaté lorsque les policiers ont utilisé du gaz lacrymogène et tiré des balles en caoutchouc pour disperser la foule.