Des arrêts historiques révèlent la complicité de la Roumanie et de la Lituanie dans le programme de détention secrète dirigé par la CIA
Par Esther Major
La semaine dernière, le peuple irlandais s’est prononcé lors d’un vote historique sur l’abrogation du 8e amendement de la Constitution du pays, qui interdit l’avortement dans presque toutes les circonstances.
Le résultat a été une victoire écrasante pour les partisans du « oui », la quasi-totalité des circonscriptions d’Irlande ayant voté majoritairement en faveur de cette abrogation, et il a désavoué l’idée selon laquelle l’avortement est une question qui divise l’opinion. Cependant, la réalité reste que les réformes concernant l’avortement sont obtenues de haute lutte.
L’avortement est un service médical courant et banal ; une grossesse sur quatre dans le monde s’achève ainsi. Pourtant, dans les conversations publiques, un immense silence entoure l’avortement et les histoires de femmes et de jeunes filles qui en ont subi un.
Les débats nationaux à l’origine du changement reposent souvent sur le courage d’une femme ou d’une famille qui rompt ce silence, en révélant, à partir de sa déchirante expérience personnelle, les terribles conséquences de la restriction de l’accès à ce service médical vital.
Prenons le cas de Savita Halappanavar, qui s’est rendue en urgence à l’hôpital universitaire de Galway lors de sa première grossesse en 2012. On lui a dit qu’elle était sur le point de faire une fausse-couche et risquait une infection. Néanmoins, les médecins ont informé Savita et ses proches qu’en raison de la législation, ils ne pouvaient pas intervenir tant que sa vie n’était pas en danger, et ils ont refusé sa demande d’interruption de grossesse. Malheureusement, Savita est décédée à la suite du refus de ces soins urgents.
« C’était la fin du monde, a déclaré Praveen, le mari de Savita, après sa mort. Elle voulait vivre, avoir des enfants... Je n’arrive toujours pas à croire qu’elle n’est plus parmi nous. Nous ne pouvons tout simplement pas croire qu’une telle chose puisse arriver au XXIe siècle. »
L’enquête sur sa mort a établi que l’une des causes de celle-ci était la position restrictive de la Constitution irlandaise sur l’avortement. Le président indépendant de la commission d’enquête, Sabaratnam Arulkumaran, a confirmé à une commission parlementaire irlandaise en octobre 2017 que, sans les dispositions législatives alors en vigueur, elle aurait obtenu une interruption de grossesse. Il a ajouté : « Nous n’aurions jamais entendu parler d’elle et elle serait vivante aujourd’hui. »
Naturellement, les gens ont été révoltés par le caractère entièrement évitable de la mort tragique et prématurée de Savita. Son histoire est rapidement entrée dans le cœur des Irlandais quand sa famille l’a courageusement partagée, contribuant à ouvrir la voie au vote historique de l’Irlande. Il y a eu des manifestations devant le Parlement, des torrents de messages indignés sur les réseaux sociaux et, surtout, une considération attendue de longue date dans les médias irlandais, où d’autres femmes sont venues partager leur expérience de ce système cruel et archaïque.
Tara Flynn, actrice, humoriste et auteure irlandaise, a été l’une des premières à rompre le silence et à évoquer publiquement son avortement. Elle a courageusement raconté son histoire lors d’un événement organisé en 2015 dans le cadre de la campagne mondiale Mon corps, mes droits d’Amnistie internationale, consacrée aux droits sexuels et reproductifs.
Ces conversations ont eu un impact indéniable sur le résultat du scrutin. Les sondages effectués à la sortie des urnes le soir du référendum ont montré que les histoires de femmes publiées dans les médias et les expériences de personnes de leur entourage avaient été les principaux facteurs ayant influencé le vote des électeurs.
Il ne fait aucun doute que l’histoire de Savita et celles d’autres femmes comme elle étaient dans l’esprit des gens quand ils se sont rendus aux bureaux de vote. De telles situations sont extrêmes, mais elles créent un espace pour un débat public plus compatissant. Ces conversations sont primordiales pour les femmes confrontées aux questions urgentes entourant l’avortement chaque jour.
Ces cas attirent l’attention sur les femmes subissant les risques et les problèmes intenables associés à une législation restrictive et à la stigmatisation pesant sur l’avortement, qui les obligent à se rendre à l’étranger pour recevoir des soins vitaux, à se procurer illégalement des médicaments abortifs sur Internet puis à les utiliser sans la surveillance médicale nécessaire, ou à recourir à d’autres formes d’avortements pratiqués dans des conditions dangereuses.
La tendance générale dans le monde est que les pays réforment leur législation et suppriment les obstacles administratifs et pratiques pour faciliter l’accès à des services d’interruption de grossesse sécurisés. Toutefois, il reste des États qui conservent des lois discriminatoires et dangereuses et où, à nouveau, il a fallu le courage et le désespoir de femmes isolées pour susciter un débat public sur l’avortement.
Au Salvador, les cas de Maria Teresa Rivera et Teodora del Carmen Vásquez ont placé le pays sous le feu des projecteurs. Ces deux femmes ont été injustement emprisonnées après des complications liées à leur grossesse. Le Salvador fait partie d’une poignée de pays qui maintiennent une interdiction totale de l’avortement, et la stigmatisation liée à celui-ci est si extrême que les femmes qui font une fausse-couche sont immédiatement suspectées.
Maria Teresa a été condamnée à 40 ans de prison. Elle a finalement été libérée et vit désormais en Suède, où elle a obtenu l’asile pour échapper aux persécutions découlant de la législation draconienne relative à l’avortement. Elle milite contre la criminalisation de l’avortement et a adressé un émouvant message de solidarité aux femmes d’Irlande, en appelant la population à voter « oui » à la modification de la Constitution.
Teodora, qui a été libérée au début de l’année, s’est juré de lutter en faveur des femmes injustement emprisonnées comme elle et Maria Teresa. « C’est le moment de parler. Face à la situation dans laquelle nous sommes, dans quelques années ce sera un crime d’être une femme au Salvador. »
Chaque femme qui s’exprime et demande justice libère la parole d’autres femmes. Elles ont capté l’imagination du public et nous ont rappelé les circonstances intenables et dangereuses entourant l’avortement, auxquelles beaucoup de femmes et de jeunes filles sont confrontées inutilement et qu’il faut stopper.
Comme le montrent les résultats très largement positifs du référendum en Irlande, la situation ne sera plus jamais la même grâce à ces femmes. C’est grâce à leur courage que la honte entourant l’avortement a changé de camp et pèse désormais sur l’État, pour avoir empêché l’accès à des services d’avortement sûrs.