Trump : indignation depuis une nation africaine « de merde »
Netsanet Belay
J'ai entendu hier soir que, d'après le président des États-Unis, en tant qu'Africain, je viens d'un pays de merde. Charmant.
Donald Trump a semble-t-il insisté lors d'une réunion à la Maison Blanche, bien qu’il l’ait nié par la suite, sur le fait qu'il ne faut pas encourager ni autoriser les habitants originaires de « pays de merde » – Haïti et l’ensemble du continent africain – à venir aux États-Unis. La Norvège ? Elle lui convient encore, quel soulagement.
(Quoique, pour être sincère, je suis presque navré pour la Norvège. Qui souhaiterait figurer sur la liste des nations préférées de Donald Trump ?)
Une question plus grave se profile : comment réagir face aux déclarations racistes du président des États-Unis d'une manière adaptée à la gravité de ses propos et aux dignités fondamentales qu'il tente de saper ?
Au cours de l'année 2016, l’agressivité du président s’est déclinée à la façon d’un millefeuilles qui ne cesse de grandir – avec des ingrédients comme les mensonges de Donald Trump sur la menace que pose le changement climatique pour l'humanité, l’utilisation du terme « criminels » pour désigner les habitants d'un autre pays et une diplomatie qui consiste à menacer de détruire un autre État tout en se vantant de la taille de son « bouton nucléaire ».
Son dernier éclat piétine les valeurs qu'incarne la Statue de la Liberté elle-même. La dernière fois que j'ai lu le poème inscrit au pied de cette grande dame, il ne disait pas : « Donne-moi tes pauvres, tes exténués, qui en rangs pressés aspirent à vivre libres... sauf s'ils viennent de pays de merde. »
Son rejet désinvolte de pays, voire de continents entiers, témoigne d'un dédain immense et insondable pour les populations d'Afrique et d'ailleurs.
Mais nous perdrons la bataille si nous tentons de répondre à ses affirmations mensongères. Insister sur le fait que « l'Afrique n'est pas un continent de merde » revient à dire que le président vous a déjà déstabilisé.
Donald Trump n’ignore pas qu'aux États-Unis, comme dans de nombreux pays, en appeler au plus petit dénominateur commun peut rapporter des dividendes politiques. Le véritable leadership consiste à faire appel au meilleur de nous-mêmes, il fait sciemment l'inverse.
Alors la véritable question qui se pose est : que faisons-nous, tous ensemble, et comment ? Les gouvernements d'Afrique et du monde entier gardent le silence face à l'attitude de Donald Trump, car ils restent convaincus que les États-Unis ont encore un rôle de leadership à jouer.
Pourtant, il arrive un moment où il convient de se mobiliser contre la haine et la discrimination, notamment lorsqu'elles émanent de la nation la plus puissante du monde.
Si le gouvernement américain n'est pas prêt à monter au créneau pour les droits humains et à dénoncer des propos aussi haineux, nous avons pour le moins besoin de sentir un élan de solidarité des autres gouvernements – de l'Afrique à la Norvège et ailleurs.
Tandis que les leaders du continent préparent le sommet de l'Union africaine fin janvier, en tant qu'Africains, comme tout un chacun, nous méritons et attendons que le monde s’unisse pour exprimer son indignation et rejeter sans équivoque ce mépris à l’égard de notre dignité et de nos droits.
Netsanet Belay est directeur de la recherche et du plaidoyer pour l'Afrique à Amnistie internationale. De nationalité éthiopienne, il réside à Johannesburg, en Afrique du Sud.