Les autorités doivent libérer les militants du mouvement Ras-le-bol et mettre un terme au harcèlement des acteurs de la société civile
23 activistes détenus depuis une semaine
· Le général Mokoko opposant politique et ancien candidat à la présidentielle condamné à 20 ans de prison
· L’espace civique se rétrécit depuis trois ans
Les autorités congolaises doivent immédiatement libérer sans condition 23 activistes arbitrairement arrêtés depuis une semaine jour pour jour à Brazzaville et Pointe-Noire, et mettre un terme au harcèlement des acteurs de la société civile, ont déclaré aujourd’hui la campagne ‘Tournons la page’, et les organisations de défense des droits humains Front Line Defenders et Amnesty International.
Au moins 20 militants du mouvement citoyen Ras-le-bol ont été arrêtés par des agents de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) le 7 mai dernier alors qu’ils manifestaient pacifiquement devant le Palais de justice de Pointe-Noire pour demander la libération de tous les prisonniers politiques. Ils sont détenus au Commissariat central de Pointe-Noire. Deux jours plus tard, trois membres du même mouvement, dont le coordonnateur national, Franck Nzila, seront interpelés à Brazzaville, alors qu'ils menaient des activités pacifiques de sensibilisation et d'affichage dans le cadre de la campagne pour la libération des prisonniers politiques. Ces trois activistes ont été transférés à la maison d'arrêt de Brazzaville. Les autorités accusent toutes les personnes en détention d’avoir organisé et participé à des manifestations non-autorisées.
« Les militants de Ras-le-bol doivent être libérés immédiatement et sans condition. En attendant leur libération, ils doivent avoir accès à leurs familles et à leurs avocats, et les autorités doivent s’assurer qu’ils ne seront soumis à aucune violence physique ou psychologique dans les locaux de détention,» a déclaré Andrea Rocca, Directeur exécutif adjoint à Front Line Defenders.
Par ailleurs, plusieurs autres membres de Ras-le-bol sont pris pour cible par les forces de sécurité et contraints de vivre dans la clandestinité par crainte de menaces pour leur sécurité et de représailles, y compris le harcèlement judiciaire.
Des dizaines d’activistes et opposants politiques croupissent dans les prisons de Brazzaville et Pointe-Noire, certains depuis bientôt trois ans, pour le simple fait d’avoir exercé leur droit à la liberté d’expression en République du Congo.
« Le droit à la liberté d’expression et de manifestation publique pacifique est garanti par les textes juridiques congolais et les engagements internationaux du pays en matière de droits humains, » a déclaré Balkissa Ide Siddo, chercheur sur l'Afrique centrale à Amnesty International.
« Le prétexte de manifestation non autorisée brandit presque systématiquement par les autorités congolaises pour justifier les arrestations arbitraires de défenseurs des droits humains et d'activistes politiques est fallacieux. Il n'a pour réelle motivation que d’étouffer toute contestation et décourager la dissidence. »
Ces arrestations interviennent dans le cadre de l'ouverture du procès de l'opposant politique Jean-Marie Michel Mokoko et de négociations financières entre le Fonds monétaire international (FMI) et l'Etat congolais, conditionnées à un processus d'ouverture de l'espace civique et politique.
Le général Mokoko, ancien chef d’état-major de l’armée et ancien candidat à l’élection présidentielle, a été arrêté en juin 2016 et inculpé ‘pour atteinte à la sureté intérieure de l’Etat’. Les autorités l’accusent d’avoir figuré dans une vidéo datant de 2007 dans laquelle il aurait discuté d’un plan visant à démettre le président Denis Sassou-Nguesso du pouvoir. Il a été condamné vendredi 11 mai à 20 ans de prison ferme par la cour criminelle de Brazzaville.
« L’arrestation et la détention de membres du mouvement Ras-le-bol montrent que les autorités congolaises ne tolèrent aucune voix discordante et que la répression contre les acteurs politiques ou de la société civile n'a jamais cessé depuis l'élection présidentielle, » a déclaré Laurent Duarte, coordinateur de la campagne ‘Tournons la page’.
« La communauté internationale n'a, à ce propos, jamais pris position de manière univoque sur les violations systématiques des droits humains dans le pays. »
Complément d’informations
Depuis le référendum constitutionnel d’octobre 2015 et l’élection présidentielle de mars 2016 fortement contestée tant par l’opposition que la communauté internationale, les autorités congolaises ont mené une vague d’arrestations de membres de partis politiques d’opposition et interdit des manifestations pacifiques.
Au moins 40 activistes politiques ont été arrêtés entre octobre 2015 et décembre 2016 et plusieurs parmi eux sont toujours en détention. La grande majorité est inculpée pour “ incitation aux troubles à l’ordre public” et “atteinte à la sûreté intérieure” pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et de manifestation pacifique.
Par ailleurs, les autorités ont arrêté et inculpé au moins 10 leaders et membres de partis d’opposition pour “incitation aux troubles à l’ordre public”, sur la base des dispositions de la loi sur les partis politiques qui sont en contradiction avec les textes internationaux et régionaux en matière de droits humains signés par le Congo.
Quatre d’entre eux ont obtenu une liberté provisoire. Dans cette vague figurent des membres de partis politiques comme la Convention pour l’action, la démocratie, et le développement (CADD), y compris le leader André Okombi Salissa. Ce dernier avait été obligé de se cacher après avoir fait une déclaration publique en avril 2016 indiquant qu'il ne reconnaissait pas les résultats de la présidentielle. Il a été arrêté en janvier 2017 et inculpé pour “atteinte à la sûreté intérieure” et “détention illégale d’armes de guerre”. Il est toujours en détention.
Le 11 mai 2018, le général Jean-Marie Michel Mokoko, en détention depuis juin 2016 a été condamné à 20 ans de prison pour « atteinte à la sureté de l’Etat » par la cour criminelle de Brazzaville.