• 26 nov 2025
  • Viêt-Nam
  • Communiqué de presse

Thaïlande. L’extradition vers le Viêt-Nam d’un militant appartenant à la minorité des Montagnards l’expose à un risque élevé de torture

En réponse à l’extradition de la Thaïlande vers le Viêt-Nam d’Y Quynh Bdap, militant autochtone montagnard issu de l’ethnie ede et défenseur des droits humains, Chanatip Tatiyakaroonwong, spécialiste de la Thaïlande à Amnistie internationale, a déclaré : 

 « Cette extradition est un manquement grave aux obligations de la Thaïlande en matière de droits humains. Renvoyer un militant autochtone vers un pays où la torture et les discriminations contre les Montagnards constituent des pratiques systématiques met Y Quynh Bdap gravement en danger. 

 « Il est établi de longue date que les tribunaux vietnamiens condamnent des militant·e·s à l’issue de procédures loin d’être conformes aux normes d’équité des procès. En remettant Y Quynh Bdap aux autorités qu’il avait fuies, en raison d’une condamnation prononcée au terme d’un procès inique, la Thaïlande a bafoué l’une des principales protections fondamentales accordées par le droit international. 

 « Après le retour forcé de Ouïghours vers la Chine, c’est la deuxième fois cette année que la Thaïlande a renvoyé de manière flagrante des personnes vers leur pays d’origine en dépit du risque qu’elles subissent de graves violations des droits humains, et ce malgré l’entrée en vigueur en 2023 d’une loi nationale interdisant la torture et le "non-refoulement". 

 « Les autorités thaïlandaises doivent garantir la sécurité et la protection de toutes les personnes fuyant la persécution - notamment les minorités autochtones et religieuses du Viêt-Nam - au lieu de les exposer au danger. » 

 Complément d’information 

Le 26 novembre 2025, la Cour d’appel de Thaïlande a rendu une décision autorisant l’extradition de Y Quynh Bdap, dont les Nations unies ont reconnu le statut de réfugié et qui vit en Thaïlande depuis 2018. Selon ses avocats, l’audience de prononcé du jugement a seulement été programmée la veille de sa tenue. 

 Y Quynh Bdap a été renvoyé au Viêt-Nam malgré des préoccupations de longue date concernant la sécurité des militant·e·s autochtones revenus sur place. Il avait été arrêté en juin 2024 pour être resté au-delà de l’expiration de son visa en Thaïlande après que les autorités vietnamiennes eurent demandé son extradition, affirmant qu'il avait été condamné par contumace à 10 ans d’emprisonnement pour des charges liées au terrorisme plus tôt cette année-là. Amnistie internationale avait précédemment demandé aux autorités thaïlandaises de ne pas extrader Y Quynh Bdap, compte tenu du risque élevé de torture

 Y Quynh Bdap, membre de la minorité ethnique ede, a cofondé Montagnards Stand for Justice, une organisation qui recense les abus commis contre les communautés autochtones des régions montagneuses du centre du pays, et qui défend leurs droits religieux et culturels. Les autorités vietnamiennes l’ont accusé, ainsi que cinq autres Montagnards, d’avoir pris part à une attaque contre un bâtiment gouvernemental de la province de Dak Lak en juin 2023. Y Quynh Bdap a toujours nié ces allégations. 

 Amnistie internationale a fait état à de nombreuses reprises de la persécution de grande ampleur dont font l’objet les communautés de Montagnards, victimes de détention arbitraire et de torture, et dont les pratiques religieuses et les déplacements sont fortement restreints. Après l’attaque de 2023 à Dak Lak, des Montagnards ont signalé des arrestations de masse, des placements à l’isolement et des interrogatoires violents. Plusieurs personnes ont dit avoir reçu des coups, des décharges électriques ou des injections de substances inconnues durant des interrogatoires. 

 Y Quynh Bdap dit avoir été torturé durant une arrestation en 2010, décrivant des passages à tabac et d’autres mauvais traitements dans un poste de police. Son témoignage fait écho à des pratiques bien établies qu’Amnesty Internation dénonce depuis plus de 10 ans, notamment des cas dans lesquels des prisonniers ont été enfermés dans de minuscules cellules pendant des mois, enchaînés durant de longues périodes, ou ont dû consommer de la nourriture et de l’eau contaminées. 

 Bien qu’il ait ratifié la Convention des Nations unies contre la torture en 2015, le Viêt-Nam continue à user de pratiques carcérales abusives. Les personnes incarcérées pour des raisons d’opinion ou politiques, et les membres de minorités ethniques et religieuses sont tout particulièrement pris pour cible. 

 La décision de la Thaïlande d’extrader Y Quynh Bdap bafoue aussi ses obligations en vertu du droit international et du droit thaïlandais. Le principe de « non-refoulement » - inscrit dans la Convention contre la torture et reflété par la loi thaïlandaise relative à la prévention et la lutte contre la torture et les disparitions forcées - interdit strictement le renvoi d’une personne vers un pays où elle risque la torture. En dépit de ces obligations, la Thaïlande a récemment expulsé 40 hommes ouïghours vers la Chine, les exposant à un risque élevé de violations des droits humains.