Soudan. Des civil·e·s sont exposés à un risque imminent de représailles tandis que les combats font rage à Khartoum et dans le Darfour
![Trois hommes en tenue militaire et armés se trouvent dans une rue déserte. L’un porte un lance-roquettes sur l’épaule, un autre a une arme en bandoulière, et le troisième est assis au sol avec une mitrailleuse.](/sites/default/files/styles/article_non_bleed/public/2025-02/GettyImages-2182364287-1468x710.jpg?itok=20UWVypB)
Alors que les forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide (FAR) intensifient leurs combats à Khartoum, Amnistie internationale a reçu des informations alarmantes, notamment concernant des listes de cibles potentielles, indiquant que des militant·e·s, des défenseur·e·s des droits humains, des professionnel·le·s de la santé et des travailleurs et travailleuses humanitaires civils courent un risque imminent de représailles meurtrières.
Les parties au conflit ne doivent pas exercer de représailles contre des civil·e·s ou des prisonniers de guerre. Les deux camps doivent en outre cesser de prendre des civil·e·s et des zones civiles pour cibles dans des frappes aériennes ou des bombardements.
« Comme on le voit encore et encore dans le cadre de la guerre qui fait rage au Soudan, lorsque les lignes de front changent, les civil·e·s sont confrontés à des attaques brutales à titre de représailles. Il s’agit notamment d’exécutions sommaires de collaborateurs présumés, quel que soit le camp qui l’emporte. Dans l’État de Khartoum, les forces armées soudanaises, les forces de sécurité soudanaises et leurs alliés doivent protéger les civil·e·s. Les dirigeants des deux camps doivent immédiatement et publiquement ordonner à leurs troupes et à leurs alliés de ne pas se livrer à des représailles et de fournir un passage sûr aux civil·e·s pour qu’ils puissent quitter les zones visées », a déclaré Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnistie internationale.
« Les partenaires internationaux et régionaux du Soudan, notamment les Nations unies et l’Union africaine, doivent faire pression pour que les deux parties respectent les droits des civil·e·s et des prisonniers de guerre. »
Attaques menées en représailles contre les civil·e·s et les défenseur·e·s des droits humains
Ces derniers jours et semaines, une offensive des forces armées soudanaises a repoussé les FAR hors de certaines parties de Khartoum, Khartoum-Nord et Omdurman, les trois villes adjacentes qui abritent la majeure partie de la population de l’État de Khartoum au Soudan.
Les craintes de représailles sont fortes parmi les habitant·e·s des zones de l’État de Khartoum précédemment contrôlées par les FAR, après les massacres perpétrés à Wad Madani, la capitale de l’État d’Al Djazirah, par les forces armées soudanaises et les forces alliées après qu’elles ont repris la ville aux FAR au début du mois de janvier.
Le 31 janvier, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a signalé qu’au moins 18 personnes, dont une femme, avaient été tuées lors d’attaques attribuées à des combattants et milices affiliés aux forces armées soudanaises, depuis que ces dernières ont repris le contrôle de certaines parties de Khartoum-Nord fin janvier et début février. Des personnes travaillant pour des salles d’intervention d’urgence dans cette zone, qui font partie d’un réseau national de jeunes bénévoles humanitaires, ont déclaré à Amnistie internationale qu’elles étaient inquiètes pour la sécurité de leurs membres, compte tenu de violences commises récemment contre des civil·e·s et de l’inclusion de certains de leurs membres sur des listes ayant circulé.
« Nous avons vu par le passé que les forces armées soudanaises et leurs milices alliées tuaient ou arrêtaient le moindre individu qualifié de collaborateur des Forces d’appui rapide, y compris des propriétaires de petites entreprises ou des bénévoles des salles d’intervention d’urgence, ainsi que d’autres militant·e·s et civil·e·s. Il ne faut pas que ces représailles meurtrières se reproduisent à mesure que les forces armées soudanaises progressent dans l’État de Khartoum », a déclaré Tigere Chagutah.
De même, Amnistie internationale a reçu des informations inquiétantes faisant état de la diffusion de listes de personnes devant être prises pour cibles en tant que « partenaires présumés des Forces d’appui rapide ». Ces listes contiennent les noms de politiciens, de militants, de professionnels de la santé, de procureurs et de membres de groupes contestataires.
Bien qu’Amnestie s’efforce toujours de vérifier l’authenticité de ces listes, compte tenu de l’évolution rapide de la situation et des violations répétées commises par le passé par les forces armées soudanaises et leurs alliés après avoir pris le dessus sur les FAR, l’organisation réaffirme qu’aucune des parties ne doit prendre les civil·e·s pour cible.
« Il est extrêmement dangereux de faire l’amalgame entre les professionnels de la santé, les juristes, les politiciens, les partis politiques, la société civile, les travailleurs humanitaires, et les membres d’un groupe armé. Les forces armées soudanaises et leurs alliés doivent immédiatement ordonner à leurs troupes de ne pas mener d’attaques en représailles contre les civil·e·s, notamment les défenseur·e·s des droits humains, les travailleurs humanitaires et les prisonniers de guerre », a déclaré Tigere Chagutah.
Les dirigeants des FAR doivent quant à eux ordonner immédiatement à leurs forces de ne pas prendre les civil·e·s pour cible, notamment dans le cadre d’attaques en représailles dans les zones qu’ils contrôlent. Il est établi de longue date que les FAR s’en prennent aux civil·e·s, par exemple lorsqu’elles gagnent du terrain, comme lors des massacres de l’État d’Al Djazirah en octobre 2024 et au Darfour occidental en 2023. Les FAR doivent par ailleurs cesser de viser des civil·e·s et des zones civiles. Le 1er février, les FAR ont bombardé un marché à Omdurman, tuant 54 personnes, selon le secrétaire général de Médecins sans frontières, qui se trouvait sur place, et le ministère de la Santé.
Les deux parties doivent également arrêter de prendre pour cible les civil·e·s, les zones civiles et les infrastructures, alors que les combats et les frappes aériennes se multiplient au Darfour, autour des villes d’El Fasher et de Nyala, entre autres.
« Peu importe qui contrôle une zone, ce sont les civil·e·s qui sont visés, et le risque augmente chaque fois qu’un territoire tombe entre les mains de l’autre camp. Alors que les lignes de front se déplacent rapidement dans l’État de Khartoum, les deux parties ont l’obligation légale absolue de protéger les civil·e·s. Les dirigeants des forces armées soudanaises et des FAR sont susceptibles d’être pénalement responsables s’ils ne s’assurent pas que leurs troupes et leurs alliés veillent à ne pas blesser de civil·e·s. », a déclaré Tigere Chagutah.