• 7 Juil 2025
  • République dominicaine
  • Communiqué de presse

République dominicaine. Aucune politique migratoire ne peut faire l’impasse sur les droits humains 

Dans le cadre du « Dialogue sur la crise haïtienne et ses implications pour la République dominicaine », mené par le Conseil économique et social (CES), Amnistie internationale demande que toute politique migratoire qui sera adoptée soit fondée sur le respect absolu des droits humains, la non-discrimination, la justice raciale et l’accès effectif aux mécanismes de régularisation pour les migrant·e·s et réfugié·e·s haïtiens.

« À l’heure où la société dominicaine cherche à dégager un consensus sur la manière de relever les défis en matière de mobilité humaine, l’État a la possibilité et la responsabilité d’élaborer une politique migratoire axée sur les personnes, et non sur la persécution ou l’expulsion, dans des contextes où la vie des personnes concernées est menacée, a déclaré Ana Piquer, directrice pour les Amériques à Amnistie internationale.

« La République dominicaine doit veiller à ce que ses politiques migratoires soient conformes aux normes internationales, notamment au principe de “non-refoulement”, aux garanties d’une procédure régulière, à l’intérêt supérieur de l’enfant et au droit à la nationalité. Dans ce contexte, nous demandons instamment au président Luis Abinader de mettre fin immédiatement aux expulsions collectives, au profilage racial et aux pratiques migratoires discriminatoires », a-t-elle ajouté.

Dans le cadre du dialogue organisé par le CES, Amnistie internationale a soumis une contribution à la table ronde thématique sur les migrations, en réponse à la question centrale : 

Quel modèle de politique migratoire globale faut-il construire pour assurer la pérennité, la sécurité et le respect des droits humains au cours des 20 prochaines années ? 

Depuis octobre 2024, plus de 180 000 personnes haïtiennes ont été expulsées dans le cadre d’opérations de masse, sans évaluation individuelle, alors que nombre d’entre elles avaient besoin d’une protection internationale. Parmi les personnes expulsées figurent des femmes enceintes, des enfants, des personnes noires et dominicaines d’origine haïtienne. L’organisation a recensé des cas de torture, de violences physiques et de détention dans des conditions cruelles, inhumaines et dégradantes.

Face à cette situation, l’organisation a déclaré qu’il était essentiel que le président Abinader retire le protocole qui ordonne les expulsions après la réception de soins médicaux, car le droit à la santé ne doit pas dépendre du statut migratoire. L’organisation a qualifié d’inacceptables et de dangereuses pour la vie les pratiques d’expulsion et d’intimidation des personnes qui demandent des soins médicaux, notamment les enfants, les personnes souffrant de maladies graves et les femmes enceintes. 

La politique migratoire actuelle a eu des effets négatifs sur des secteurs économiques clés en raison des pénuries de main-d’œuvre dues aux expulsions massives. Dans ce contexte, Amnistie internationale encourage la poursuite du consensus naissant sur la nécessité d’ouvrir des voies de régularisation, en évitant que ces mécanismes ne répètent les erreurs du passé, comme celles du Plan national de régularisation, qui a échoué : de nombreux bénéficiaires n’ont pas pu renouveler leurs papiers depuis le début de l’administration actuelle, ce qui les expose à la détention arbitraire, à l’extorsion par des agents corrompus et aux réseaux de traite et de trafic d’êtres humains.

« Toute politique migratoire doit garantir des voies légales d’entrée et de séjour sans discrimination, notamment avec la réouverture du système de visa pour les personnes haïtiennes fermé depuis 2023, ainsi que l’accès à la procédure d’asile et à des papiers renouvelables », a déclaré Johanna Cilano Peláez, chercheuse sur les Caraïbes à Amnistie internationale.

Amnistie internationale réaffirme également qu’il est urgent de rendre leur nationalité aux personnes dominicaines d’origine haïtienne concernées par l’arrêt 168-13 de la Cour constitutionnelle. L’absence de mise en œuvre effective de la Loi n° 169-14 a perpétué l’apatridie dans le pays, en violation du droit international, laissant des milliers de personnes dans une situation extrême de vulnérabilité et d’exclusion.

« Les déclarations publiques du Dialogue et du président Abinader ont été marquées par une vision axée sur la souveraineté et la sécurité, qui laisse de côté l’approche centrée sur les droits humains et exclut des questions clés telles que la discrimination raciale et l’apatridie », a ajouté Johanna Cilano Peláez. Cela limite considérablement les possibilités d’élaborer une politique migratoire juste et durable. »

Amnistie internationale demande que le rapport final du Dialogue contienne des engagements concrets en faveur d’une politique migratoire globale, durable et fondée sur les droits humains, qui intègre des mesures efficaces pour prévenir la discrimination, éliminer le profilage racial et supprimer les pratiques qui mettent des vies en danger. 

« Il est temps de rectifier le tir. La République dominicaine a besoin d’une politique migratoire antiraciste, respectant pleinement les droits des femmes et des filles, humaine et durable », a conclu Ana Piquer. 

Pour en savoir plus : 

Amnistie internationale a recueilli des informations sur des expulsions collectives, des cas de recours excessif à la force, de profilage racial et de refus d’accorder à des personnes migrantes ou réfugiées et à des personnes dominicaines d’origine haïtienne des services de base tels que la santé et l’éducation. Ses recommandations sont disponibles dans l’Action urgente (AMR 27/9277/2025), ses soumissions à l’ONU, ses rapports publics et sa campagne #RDAntirracist.