• 10 Sep 2025
  • Israël et territoire palestinien occupé
  • Communiqué de presse

Israël/TPO. L’ordre émis par Israël d’évacuer l’ensemble de la population de la ville de Gaza est ilégal et inhumain

Israël doit annuler immédiatement l'ordre d’évacuation générale donné par l'armée aux habitant·e·s de la ville de Gaza le 9 septembre, alors que le pays intensifie ses attaques contre la ville, exacerbant la souffrance des civil·e·s dans le contexte du génocide actuel, a déclaré Amnistie internationale le 10 septembre 2025.

« L'ordre donné ce matin par l'armée israélienne concernant le déplacement massif des habitant·e·s de la ville de Gaza est cruel et illégal, et aggrave encore les conditions de vie génocidaires qu'Israël inflige aux Palestinien·ne·s, a déclaré Heba Morayef, directrice régionale pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnistie internationale.

« Pour les centaines de milliers de Palestinien·ne·s qui vivent dans la ville de Gaza et qui, depuis près de deux ans, subissent des bombardements incessants tout en souffrant de la faim, entassés dans des camps de fortune ou réfugiés dans des bâtiments très surpeuplés, il s'agit d'une répétition inhumaine de l'ordre de déplacement massif émis pour tout le nord de la bande de Gaza le 13 octobre 2023. »

Amnistie internationale a déclaré à plusieurs reprises et sans équivoque que le déplacement forcé des Palestiniens à l'intérieur de la bande de Gaza ou leur expulsion constitue une violation du droit international humanitaire, ainsi que des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Elle a recueilli des témoignages terribles auprès d’habitant·e·s et de professionnel·le·s de santé après l’annonce de cet ordre d’évacuation. Certains avaient déjà tenté de fuir vers le sud lorsqu'Israël a commencé à frapper de hauts immeubles le 5 septembre, mais n'ont pas pu le faire faute de moyens pour payer les frais de transport ou parce que la petite zone désignée par Israël pour les accueillir n’est pas habitable.

Un professionnel de santé qui soigne des enfants souffrant de malnutrition a déclaré à Amnistie internationale : « Je ne veux pas abandonner mes patients, ces petits enfants dont le corps est trop fragile pour supporter un nouveau déplacement, mais je ne sais pas quoi faire. Cela revient à choisir entre deux morts : mourir sous les bombardements ou mourir lentement à cause du déplacement, sans savoir où aller. J'ai déjà été déplacé 15 fois. Je n'ai pas fermé l'œil depuis plusieurs nuits à cause des bombardements intensifs non loin ; nous nous efforçons d'aller travailler pour soigner les enfants, mais nous sommes à bout. »

Une femme âgée en situation de handicap vivant dans un camp de fortune pour personnes déplacées à Tal al Hawa, dans le sud de la ville de Gaza, a déclaré : « Nous avons été déplacés de Sheikh Radwan il y a trois semaines ; mon fils m’a porté sur ses épaules car je n'ai pas de fauteuil roulant et aucun moyen de transport ne pouvait venir jusqu’à notre quartier. Aujourd'hui, on nous ordonne encore d'évacuer. Pour aller où ? Un moyen de transport vers le sud coûte près de 4 000 shekels [1 025 euros] et une tente, au moins 3 000 shekels [800 euros] ; sans compter que nous ne savons pas si nous trouverons un endroit où l’installer. Nous avons déjà dépensé toutes nos économies pour survivre à cette guerre, pour de la nourriture et des produits de première nécessité. Chaque jour, on a l’impression que la guerre recommence, mais en pire, et nous sommes épuisés, nous n'avons plus ni la volonté ni la force de continuer. »

Une grand-mère qui s'occupe de sa petite-fille de huit ans blessée, dont les parents ont été tués lors d'une frappe aérienne en mai dernier, a déclaré : « Elle est tout ce qui me reste, et je fais tout ce que je peux pour la protéger. Nous avons été déplacées deux fois rien que la semaine dernière. Nous n'avons pas les moyens d'aller vers le sud, nous n’en pouvons plus de revivre cette épreuve sans fin. »

Cet ordre d'évacuation, combiné à l’expansion des opérations militaires à Gaza, notamment la destruction de grands immeubles où des milliers de familles s’étaient réfugiées, illustre la volonté délibérée d'Israël d'imposer des conditions de vie destinées à entraîner la destruction physique d'une population déjà dévastée. Israël ne tient pas compte des avertissements des organisations humanitaires et de défense des droits humains quant aux conséquences catastrophiques de cette opération, pas plus que des ordonnances de la Cour internationale de justice visant à garantir que les Palestiniens à Gaza soient dûment aidés et protégés - une indication indéniable de son intention de poursuivre le génocide.

« La ville de Gaza, dont le patrimoine ancien remonte à plusieurs millénaires et qui a déjà subi des destructions et des dégâts majeurs, est menacée d'anéantissement total. Israël se montre déterminé à parvenir à son objectif, à savoir détruire physiquement la population palestinienne dans la bande de Gaza. Il est inadmissible que les États ayant une influence sur Israël continuent de lui fournir des armes et un appui diplomatique servant à détruire la vie des Palestinien·ne·s, a déclaré Heba Morayef.

« Il est déplorable que des entreprises et des investisseurs continuent de tirer profit du génocide perpétré par Israël. Les États et les entreprises qui continuent d'armer Israël risquent de s’en rendre complices. Tous ceux qui ont une influence sur Israël doivent faire pression afin qu’il mette un terme à sa campagne génocidaire et que les civil·e·s de Gaza aient pleinement accès à l'aide humanitaire. »