Iran. Les autorités s'en prennent aux défenseur·e·s des droits des femmes à coups d’arrestations arbitraires, de peines de flagellation et de condamnations à mort

Les autorités iraniennes durcissent leur répression contre les défenseur·e·s des droits des femmes, les journalistes, les chanteurs·euses et les autres militant·e·s qui réclament l'égalité ou contestent le port obligatoire du voile, en recourant à la détention arbitraire, à des poursuites judiciaires iniques, à des peines de flagellation, voire à la peine de mort, dans le but d'étouffer le mouvement de défense des droits des femmes en Iran, a déclaré Amnistie internationale le 17 mars 2025.
Depuis la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars, les autorités iraniennes ont arrêté arbitrairement au moins cinq défenseures des droits des femmes. Ces arrestations s'inscrivent dans le cadre d'un durcissement de la répression : des défenseur·e·s et des journalistes sont convoqués pour interrogatoire, des chanteuses sont arrêtées pour s'être produites sans le hijab obligatoire, tandis que leurs comptes sur les réseaux sociaux sont fermés. À l'approche de la Journée internationale des droits des femmes, les autorités ont infligé 74 coups de fouet à un chanteur qui avait interprété une chanson dénonçant les lois discriminatoires de l'Iran sur le port obligatoire du voile et, au mois de février, elles ont condamné à mort une défenseure des droits des femmes.
« Dans le sillage du soulèvement " Femme, vie, liberté " de 2022, les autorités iraniennes considèrent la mobilisation généralisée des femmes et des jeunes filles qui revendiquent leurs droits comme une menace existentielle pour le pouvoir politique et sécuritaire en place. Au lieu de s'attaquer à la discrimination et à la violence systémiques contre les femmes et les filles, elles cherchent à écraser le mouvement de défense des droits des femmes en Iran, a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnistie internationale.
« À la veille d'une session clé du Conseil des droits de l'homme des Nations unies qui se tiendra le 18 mars et sera consacrée aux conclusions sur la situation des droits humains en Iran, et alors que des négociations sont en cours au sein du Conseil pour prolonger les mandats du rapporteur spécial sur l'Iran et de la Mission d'établissement des faits des Nations unies sur l'Iran, la communauté internationale doit se dresser contre l'impunité et défendre les droits des femmes et des filles dans le pays.
« Tous les États doivent user de leur influence pour faire pression sur les autorités iraniennes afin qu'elles cessent de harceler les militant·e·s des droits des femmes et libèrent immédiatement les personnes détenues arbitrairement. Ils doivent également emprunter des voies juridiques afin de demander des comptes aux responsables iraniens raisonnablement soupçonnés d'avoir commis des violations généralisées et systématiques des droits des femmes et des filles, notamment en faisant appliquer le port obligatoire du voile. »
Les mandats de la Mission d'établissement des faits et du Rapporteur spécial doivent être renouvelés lors de la 58e session du Conseil des droits de l'homme des Nations unies (du 24 février au 4 avril 2025). Le 18 mars, le Conseil a prévu un dialogue interactif conjoint avec les deux mandats.
Des défenseures des droits des femmes arrêtées pour avoir participé à des événements de la Journée internationale des droits des femmes
En amont de la Journée internationale des droits des femmes, les autorités iraniennes ont menacé les femmes, leur déconseillant vivement de participer à des rassemblements et de revendiquer leurs droits.
Depuis le 10 mars 2025, des agents du ministère du Renseignement ont arrêté quatre militantes kurdes qui défendent les droits des femmes : Leila Pashaei, Baran Saedi, Sohaila Motaei et Souma Mohammadrezaei. Elles avaient participé à des événements à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes dans la province du Kurdistan. Elles sont détenues arbitrairement dans des cellules à l'isolement, dans un centre de détention à Sanandaj, dans la province du Kurdistan, et ont été interrogées en l’absence de leurs avocats.
Baran Saedi a été arrêtée au domicile familial à Sanandaj le 10 mars. Elle avait déjà été détenue lors du soulèvement « Femme, vie, liberté » en 2022 et libérée sous caution au bout de deux mois.
Souma Mohammadrezaei a été arrêtée sur son lieu de travail à Sanandaj le 10 mars. Les forces de sécurité l'avaient déjà convoquée et menacée à plusieurs reprises en raison de son militantisme en faveur des droits des femmes.
Sohaila Motaei a été interpellée à Dehgolan dans la soirée du 10 mars. Elle avait déjà été arrêtée brièvement en janvier 2025 pour avoir dénoncé les condamnations à mort prononcées à l'encontre de femmes détenues. Elle a également été placée en détention lors du soulèvement « Femme, vie, liberté » et condamnée à cinq ans de prison notamment pour « diffusion de propagande contre le régime ».
Leila Pashaei a été arrêtée chez elle, à Sanandaj, le 10 mars 2025, après s'être exprimée contre le port obligatoire du voile, le mariage des enfants, la violence faite aux femmes et l’exécution de femmes en Iran, lors d'un événement organisé à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Elle a déclaré dans son discours : « Les femmes en Iran sont retenues captives par des autorités qui ont peur de leur pouvoir... Le mouvement des femmes a dépassé le point de non-retour… Les femmes du monde entier, et en particulier au Moyen-Orient, ne se laisseront plus jamais réduire au silence. »
Une politique de répression et d’intimidation
Ces récentes arrestations s’inscrivent dans le cadre d'une campagne plus vaste visant à éradiquer le militantisme en faveur des droits des femmes et toute dénonciation du port obligatoire du voile par le biais d'une série de mesures coercitives. Des militant·e·s, des journalistes, des chanteurs·euses et des personnalités publiques sont notamment soumis à des détentions arbitraires, des peines de flagellation, des interrogatoires coercitifs et des menaces, et voient leurs comptes de réseaux sociaux fermés.
Le 11 mars, Nina Golestani, écrivaine et défenseure des droits des femmes, a été arrêtée arbitrairement au domicile de ses parents dans la province du Gilan par l’unité de renseignement du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI). Selon une déclaration de son mari, Javad Sajadi Rad, sur Instagram, des agents du CGRI ont fait irruption au domicile de ses parents, l'ont perquisitionné et ont saisi ses effets personnels. Ils l'ont ensuite emmenée pour l'interroger, puis l'ont transférée à la prison de Lakan à Rasht, dans la province du Gilan. Elle a été libérée sous caution le 16 mars.
Le 7 mars, le lendemain d’un événement médiatique à Téhéran auquel plusieurs femmes journalistes ont participé sans porter de foulard, l’agence de presse Mizan, aile médiatique du pouvoir judiciaire, a publié une déclaration qualifiant leurs actions d’« atteinte aux bonnes mœurs ». Les journalistes ont été interrogées au bureau du procureur de la prison d'Evin à Téhéran, qui a ouvert des procédures judiciaires à leur encontre.
Le 5 mars, les autorités ont exécuté la condamnation à 74 coups de fouet visant le chanteur Mehdi Yarrahi pour sa chanson intitulée « Ton foulard » (Roosarito), qui commémorait le 1er anniversaire du soulèvement « Femme. Vie. Liberté ».
Le 27 février 2025, la chanteuse Hiwa Seyfizade a été arrêtée lors d'un concert live à Téhéran. Un représentant de l’État a annoncé qu'elle avait « chanté en solo », ce qui est interdit aux femmes en Iran. Elle a été libérée sous caution le 1er mars. Son compte Instagram a depuis été fermé, deux messages de la police de la sécurité publique sur sa page indiquant : « Cette page est bloquée [sur ordre des autorités judiciaires] en raison de la production de contenus répréhensibles. »
En février 2025, Sharifeh Mohammadi, militante des droits des femmes incarcérée, a été condamnée à mort pour la deuxième fois pour « rébellion armée contre l'État » (baghi), uniquement en raison de ses activités en faveur des droits humains, notamment des droits des femmes. La Cour suprême avait annulé une précédente condamnation à mort prononcée par un tribunal révolutionnaire en octobre 2024, renvoyant l'affaire devant une juridiction inférieure.
Le 14 décembre 2024, la chanteuse Parastoo Ahmadi a été arrêtée alors qu’elle diffusait en direct un concert au cours duquel elle est apparue sans voile en public, vêtue d’une robe aux épaules dénudées. La vidéo est devenue virale, totalisant 2,5 millions de vues. Parastoo Ahmadi a été libérée sous caution quelques heures plus tard.
Le 13 décembre 2024, Reza Khandan, défenseur des droits humains, a été arrêté pour purger une peine de prison inique liée à son travail de campagne contre le port obligatoire du voile. Reza Khandan, qui est l’époux de l'avocate Nasrin Sotoudeh, a été condamné à six ans de prison par un tribunal révolutionnaire en janvier 2019.
Complément d’information
La législation iranienne sur le port obligatoire du voile, qui s'applique aux filles dès l'âge de sept ans, est contraire à une multitude de droits, notamment aux droits à la liberté d'expression, de religion et de croyance, à la vie privée, à l'égalité et à la non-discrimination, ainsi qu'à l'autonomie personnelle et corporelle. Elle inflige des douleurs et des souffrances intenses qui s'apparentent à de la torture ou à d'autres formes de mauvais traitements.
Dans son rapport de mars 2024, la Mission d'établissement des faits a constaté que les autorités iraniennes n’ont « eu de cesse de commettre toute une série d’actes, qui constituent séparément des violations des droits humains dirigées contre des femmes [et] des filles [...], et forment ensemble ce que la mission considère être une persécution fondée sur le genre ».