• 11 juin 2025
  • États-Unis
  • Communiqué de presse

À un an de la Coupe du monde, les droits humains de plus en plus attaqués

Le plus grand événement sportif jamais organisé présente des risques majeurs pour les supporters, le personnel et les athlètes

(Amsterdam, le 11 juin 2025) – La Fédération internationale de football association (FIFA) doit prendre des mesures immédiates et concrètes pour garantir les droits humains de toutes les personnes qui participeront à la Coupe du monde masculine 2026 de la FIFA, a déclaré la Sport & Rights Alliance mercredi 11 juin. À un an du coup d’envoi de cet événement monumental qui se déroulera entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, et seulement quelques jours avant la Coupe du monde des clubs qui débute le 14 juin 2025, la multiplication des attaques visant les droits fondamentaux et les libertés publiques risque de mettre à mal les engagements et les responsabilités de la FIFA en matière de droits humains.

« En 2018, les États-Unis, le Mexique et le Canada ont pris des engagements clairs en faveur des droits humains dans leur dossier de candidature à l’organisation de la Coupe du monde masculine 2026 de la FIFA, a déclaré Andrea Florence, directrice exécutive de la Sport & Rights Alliance. Bien que la FIFA assure que “le football unit le monde”, une Coupe du monde organisée dans un contexte de politiques qui discriminent et excluent risque d’accroître les fractures sociales au lieu de les combler. La FIFA doit exercer son pouvoir d’influence et exiger des garanties concrètes et juridiquement contraignantes afin que les droits humains ne soient pas encore sacrifiés au nom du sport. »

Dans ses statuts, sa Politique des droits de l’homme et son Guide de la procédure de candidature de la Coupe du Monde de la FIFA 2026, la FIFA assume sa responsabilité de respecter les droits humains, conformément aux Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Le Guide de la procédure de candidature requiert expressément des associations membres candidates qu’elles apportent la preuve de leur engagement à faire en sorte que l’accueil et l’organisation de cette compétition n’aient pas d’« incidences négatives sur les droits de l’homme internationalement reconnus ». Ce document porte une attention particulière aux droits des travailleurs et travailleuses, aux droits des enfants, à l’égalité des genres, à la liberté d’expression et de réunion pacifique et à la protection de toutes les personnes contre toutes les formes de discrimination.

La Sport & Rights Alliance a identifié plusieurs domaines clés dans lesquels des politiques gouvernementales des pays hôtes de la Coupe du monde 2026, notamment les États-Unis dirigés par le président Donald Trump, présentent des risques élevés et immédiats pour les droits humains des personnes migrantes, la liberté de la presse et la liberté d’expression, les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI), la sécurité des enfants et le droit de ne pas subir de discrimination, qui nécessitent une intervention urgente et transparente.

Politiques d’immigration discriminatoires

La FIFA estime qu’environ 6,5 millions de personnes pourraient assister au tournoi de 2026 dans les trois pays hôtes. Les politiques migratoires portant atteinte aux droits humains que mène actuellement le gouvernement américain, telles que les disparitions forcées en vertu de la Loi sur les ennemis étrangers, les interdictions d’entrée sur le territoire et les restrictions sur les visas, menacent l’inclusivité et la nature internationale de la Coupe du monde.

Malgré certaines dispositions du décret pris par Donald Trump indiquant que les équipes qualifiées pour la Coupe du monde masculine 2026 seront exemptées de l’interdiction d’entrée sur le territoire, les supporters et les membres de la famille étendue des joueurs originaires de pays visés par cette mesure ne seront pas autorisés à venir aux États-Unis dans l’état actuel du texte. Les délais, les refus et le risque réel de détention pour les supporters, les médias et d’autres participant·e·s de plusieurs pays pourraient perturber gravement le tournoi.

« La FIFA doit reconnaître publiquement la menace que représentent la politique migratoire des États-Unis et d’autres mesures portant atteinte aux droits fondamentaux pour l’intégrité du tournoi et utiliser les moyens de pression dont elle dispose auprès du gouvernement américain pour s’assurer que les droits de toutes les équipes qualifiées, du personnel qui les accompagne, des médias et des supporters soient respectés lorsqu’ils voudront se rendre aux États-Unis, quelles que soient leur nationalité, leur identité de genre, leur religion ou leurs opinions, a déclaré Minky Worden, directrice des Initiatives mondiales au sein de Human Rights Watch. Il faut que la FIFA fixe des indicateurs et des délais clairs pour apporter les modifications nécessaires aux politiques des États-Unis afin de garantir les droits des personnes migrantes lors de la Coupe du monde 2026 et au-delà. »

Human Rights Watch a écrit à la FIFA le 5 mai pour l’appeler à faire pression sur le gouvernement de Donald Trump pour qu’il revienne sur les politiques d’immigration discriminatoires aux États-Unis. La FIFA a répondu le 3 juin, en indiquant qu’elle « attend[ait]... des pays hôtes qu’ils prennent des mesures pour que toutes les personnes éligibles qui participent à la Compétition puissent entrer dans les pays respectifs » et qu’elle « travaill[ait] activement sur cette question avec les autorités concernées ». Elle a également affirmé qu’elle dialoguerait avec les autorités concernées si des préoccupations relatives aux droits humains étaient portées à sa connaissance.

« Les supporters se rendent à la Coupe du monde pour célébrer et exprimer leur passion, et toute tentative de restriction de nos droits fondamentaux, notamment du droit à la liberté d’expression, trahit l’esprit du football, a déclaré Ronan Evain, directeur exécutif de Football Supporters Europe. Nous sommes particulièrement inquiets du risque d’application sélective et de discrimination contre des supporters en fonction de nos opinions politiques ou de notre origine nationale supposées. La FIFA doit obtenir les garanties nécessaires pour que les supporters du monde entier puissent voyager et assister aux matchs en toute sécurité. »

Droit de manifester et liberté d’expression

Étant donné que la Coupe du monde masculine 2026 sera potentiellement l’objet de critiques et de controverses publiques, l’escalade de la répression de la liberté d’expression et de réunion pacifique, en particulier envers les personnes s’exprimant et manifestant en faveur des droits du peuple palestinien, est extrêmement inquiétante. Des étudiant·e·s et des militant·e·s ont été arrêtés et leurs visas ont été annulés parce qu’ils avaient exprimé leur point de vue. Le gouvernement de Donald Trump a en outre déployé des soldats de la Garde nationale à Los Angeles à la suite des manifestations contre les arrestations menées par les services de l’immigration, en affirmant qu’elles constituaient un acte de « rébellion » contre le gouvernement.

Les engagements affichés par la FIFA en faveur de la liberté d’expression ont par ailleurs été contredits lorsqu’elle a imposé des règles interdisant les déclarations politiques ou religieuses aux joueurs et aux supporters. Lors de la Coupe du monde masculine 2022 au Qatar, par exemple des supporters iraniens arborant des banderoles et des tee-shirts « Femme. Vie. Liberté » ont été expulsés de stades, et des drapeaux arc-en-ciel ont été confisqués lors de plusieurs matchs.

« La possibilité de manifester pacifiquement sans crainte de représailles est l’une des pierres angulaires d’une société libre, mais elle est de plus en plus menacée aux États-Unis, a déclaré Daniel Noroña, directeur des actions de plaidoyer pour les Amériques à Amnistie internationale États-Unis. Le football international a une longue histoire de manifestations pacifiques. La FIFA et les États-Unis doivent veiller à ce que la Coupe du monde ne devienne pas un prétexte pour museler la dissidence ou étendre la surveillance de masse, et que tous les joueurs, supporters, journalistes et habitant·e·s puissent participer et manifester sans crainte de subir des sanctions, une détention arbitraire ou un traitement discriminatoire. »

Discrimination et violence contre les personnes LGBTI

La multiplication des attaques contre les droits des personnes LGBTI, notamment des personnes transgenres, dans la législation et dans les discours aux États-Unis montre que le gouvernement actuel a l’intention d’effacer les personnes transgenres de la vie publique et de démanteler des protections essentielles pour les droits humains. Les textes de loi discriminatoires et le climat politique hostile envers les droits des personnes LGBTI aux États-Unis pourraient menacer directement la sécurité, l’autonomie corporelle, la dignité et l’inclusion des supporters, joueurs et employé·e·s LGBTI lors de la Coupe du monde masculine 2026.

Au Mexique, les personnes LGBTI, en particulier les personnes transgenres ou ne se conformant pas aux normes de genre, font face à des violences qui ont des incidences sur leur vie quotidienne et leur participation à des événements publics partout dans le pays. Les autorités fédérales et celles des États doivent prendre des mesures urgentes pour prévenir et sanctionner la violence à l’encontre des personnes LGBTI, en accordant une attention soutenue aux risques spécifiques touchant les personnes transgenres ou ne se conformant pas aux normes de genre.

« La discrimination et la violence alarmantes visant les personnes LGBTI aux États-Unis et au Mexique jettent une ombre glaçante sur la promesse d’une Coupe du monde inclusive, a déclaré Gurchaten Sandhu, directeur des programmes d’ILGA World. En tant qu’organisateur de l’événement, la FIFA doit exiger que tous les États et villes hôtes respectent les droits humains universels, en veillant à ce qu’aucun supporter, employé ou athlète ne subisse de discrimination en raison de son orientation sexuelle, de son expression de genre, de son identité de genre ou de ses caractéristiques sexuelles, et que toute loi discriminatoire soit activement contestée et annulée. »

Liberté de la presse

Les journalistes couvrant la Coupe du monde masculine 2026 sont confrontés à des risques distincts et préoccupants au Mexique et aux États-Unis. Le Mexique continue de figurer parmi les pays les plus dangereux et meurtriers pour les professionnel·le·s des médias, qui subissent des menaces, du harcèlement et des violences de la part d’organisations criminelles et de représentants des autorités. L’impunité généralisée pour ces crimes crée un effet paralysant et des zones de silence dans lesquelles des informations essentielles sont empêchées de circuler. Aux États-Unis, les journalistes pourraient faire l’objet de contrôles intrusifs et d’une surveillance des réseaux sociaux et même se voir refuser l’entrée sur le territoire en raison de leurs opinions politiques supposées, ce qui nuirait à leur capacité de faire leur métier en toute indépendance.

« Les journalistes couvrant la Coupe du monde doivent pouvoir travailler sans entrave, à l’abri de toute restriction arbitraire, de toute détention ou de toute violence, a déclaré Antoine Bernard, directeur du plaidoyer et de l’assistance chez Reporters sans frontières (RSF). La FIFA et les autorités locales ont la responsabilité de mettre en place des mesures exceptionnelles pour protéger l’ensemble des professionnels des médias. Cela implique non seulement de faciliter l’entrée des journalistes étrangers, mais aussi d’assurer la sécurité de tous ceux qui couvriront les foules, les manifestations éventuelles ou l’effervescence populaire. Il est urgent de mettre fin à l’impunité systémique qui alimente la violence contre la presse. Les forces de l’ordre doivent renforcer leurs protocoles pour distinguer clairement les journalistes des manifestants, des spectateurs ou des passants, et communiquer de manière transparente les règles qu’elles appliqueront, dans le plein respect de la liberté et de l’indépendance des journalistes. »

Droits des travailleurs et travailleuses

L’ampleur phénoménale de la Coupe du monde masculine de 2026 nécessitera une main-d’œuvre massive dans les villes hôtes pour pourvoir les besoins de personnel dans les stades, l’hôtellerie, les transports et d’autres secteurs. Le gouvernement de Donald Trump démantèle des programmes fédéraux et favorise l’hostilité à l’égard des syndicats, ce qui augmente le risque d’exploitation, de recours au travail des enfants, de vol de salaire et de conditions de travail dangereuses pour ces travailleurs et travailleuses essentiels.

« Le vaste réseau de contrats pour la construction des stades, l’hôtellerie et l’événementiel dans les villes hôtes doit être établi sur une base de respect des droits des travailleurs et travailleuses, a déclaré Luc Triangle, secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI). Nous craignons fortement que, en l’absence de protections fortes et applicables du travail, ce tournoi n’alimente involontairement les emplois précaires et le travail des enfants, n’occasionne des suppressions de salaires et ne prive des travailleurs et travailleuses de leur droit fondamental de s’organiser et de négocier collectivement. La FIFA doit exiger un dialogue social actif et des accords juridiquement contraignants pour protéger toutes les personnes qui contribueront à cette Coupe du monde par leur travail. »

Transparence et lutte contre la corruption

La Sport & Rights Alliance est également très inquiète du manque de transparence gouvernementale et de réglementation contre la corruption en ce qui concerne la Coupe du monde masculine de 2026, d’autant plus au vu des récents changements de politique aux États-Unis et au Mexique. À l’approche du tournoi, des mécanismes de surveillance robustes et un engagement sans faille en faveur des principes éthiques sont nécessaires pour éviter l’exploitation de cet événement mondial à des fins privées, au détriment des droits humains et de la confiance du public.

« La Coupe du monde de la FIFA 2026 se déroulera dans un contexte international où les initiatives anti-corruption sont de plus en plus mises à mal, a déclaré Tor Dølvik, conseiller spécial au sein de Transparency International. Tous les pays hôtes et la FIFA doivent assumer leurs responsabilités dans la lutte contre la corruption en mettant en place des mécanismes de gestion globale des risques qui comblent les failles potentielles face à la corruption, ainsi que des systèmes fiables de détection et de signalement des irrégularités. Une transparence totale sur toutes les dépenses liées à la Coupe du monde – avant, pendant et après les événements – sera essentielle pour bâtir la confiance et garantir l’intégrité tout au long du processus. »

Responsabilité de la FIFA

La FIFA, en tant que principal acteur responsable d’un événement qui laissera une empreinte énorme, doit procéder à une évaluation permanente de la diligence requise quant aux droits humains et utiliser son influence sans équivoque pour veiller à ce que le respect et la promotion des droits règnent lors de la Coupe du monde masculine 2026.

Dans le cadre d’une nouvelle évaluation de la diligence requise en la matière, il conviendra d’envisager la nécessité d’obtenir des engagements concrets à annuler les politiques discriminatoires, à renforcer les protections pour les catégories de population historiquement marginalisées, à garantir le plein respect de l’obligation de rendre des comptes pour les atteintes aux droits humains et à établir des mécanismes de plainte efficaces, transparents et indépendants pour que les personnes puissent demander du soutien et des réparations. Si la FIFA n’agit pas avec fermeté, la Coupe du monde masculine 2026 risque de laisser un héritage irrémédiablement terni et de créer un dangereux précédent pour les futurs grands événements sportifs.