• 27 jan 2025
  • Égypte
  • Communiqué de presse

Égypte. La répression s’intensifie en Égypte à l’approche de l’examen de son bilan en matière de droits humains

Alors qu’elles s’apprêtent à défendre le bilan du pays en matière de droits humains lors de son Examen périodique universel devant les Nations unies, le 28 janvier, les autorités égyptiennes ont lancé de nouvelles actions de répression contre l’opposition pacifique, par le biais de détentions arbitraires et d’enquêtes judiciaires motivées par des considérations politiques, a déclaré Amnistie internationale lundi 27 janvier. 

Au cours du seul mois de janvier, les autorités ont intensifié leur action contre plusieurs critiques. Une enquête pénale a été ouverte contre Hossam Bahgat, défenseur des droits humains de premier plan, tandis qu’Hisham Kassem, homme politique de l’opposition et éditeur de renom, a appris qu’une enquête pénale avait été ouverte contre lui l’année précédente. Par ailleurs, Nada Mogheeth, épouse du dessinateur satirique Ashraf Omar, a été arrêtée en raison d’une interview qu’elle avait accordée au journaliste Ahmed Serag, lui-même arrêté la veille pour ce même entretien. Le TikTokeur Mohamed Allam, connu sous le nom de Rivaldo, a également été arrêté pour des vidéos critiquant le président Abdel Fattah al Sisi devenues virales. 

« Il est tout à fait ironique que le gouvernement égyptien ait lancé cette campagne répressive juste avant son passage devant le Conseil des droits de l’homme. Le gouvernement envoie un message d’une grande clarté : il n’a pas l’intention de tolérer la moindre forme d’opposition, ni d’améliorer son bilan catastrophique sur le terrain des droits humains », a déclaré Mahmoud Shalaby, spécialiste de l’Égypte à Amnistie internationale. 

« Cette répression coïncide également avec la période précédant l’anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011, moment marqué, année après année, par le ciblage incessant des opposant·e·s réels ou présumés, dans une tentative du gouvernement du président Abdel Fattah al Sisi d’empêcher toute protestation ou commémoration. » 

Enquêtes judiciaires à motivation politique 

Le 15 janvier, le service du procureur général de la sûreté de l’État (SSSP) a convoqué Hossam Bahgat, directeur général de l’Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR), pour un interrogatoire fixé au 19 janvier. Le parquet a ouvert une enquête contre lui pour « diffusion de fausses nouvelles » et « aide et financement en faveur d’un groupe terroriste ». Cette dernière infraction est passible d’une peine de réclusion à perpétuité ou de la peine de mort. 

Hossam Bahgat a expliqué à Amnistie internationale que des procureurs l’avaient interrogé pendant quatre heures au sujet de la création de l’EIPR, de ses activités et de son financement. Ils l’ont également questionné à propos d’une déclaration de l’EIPR - à la suite de laquelle le ministère de l’Intérieur avait fait planer la menace d’une action en justice - concernant la détérioration des conditions de détention à la prison du Dixième jour de ramadan. Il a été libéré moyennant une caution de 20 000 livres égyptiennes (environ 398 dollars américains), mais l’enquête judiciaire contre lui reste ouverte. 

Le parquet a indiqué à Hossam Bahgat que les accusations découlaient de plusieurs plaintes déposées par des citoyens ordinaires, ainsi que par l’Agence nationale de sécurité. Hossam Bahgat a expliqué à Amnistie internationale que le parquet avait refusé que lui ou ses avocats examinent ces plaintes. Les procureurs ne lui ont lu qu’une ligne du rapport de l’enquête menée par l’Agence nationale de sécurité, qui accusait Hossam Bahgat de « recevoir des instructions d’organisations étrangères et des éléments proactifs, dans une optique de propagation de rumeurs et de fausses informations afin de saper les institutions de l’État, de troubler l’ordre public et de répandre la peur parmi les citoyens ». 

Le 2 janvier, Hisham Kassem a appris par le biais de sites Internet qu’une audience était prévue le 9 février dans le cadre d’une nouvelle affaire pénale pour « diffamation » et « perturbation intentionnelle ». Ces accusations sont liées à une seule et même publication sur les réseaux sociaux, pour laquelle il a été injustement condamné et emprisonné en 2024. Dans cette publication du 29 juillet 2023, Hisham Kassem faisait référence à la corruption présumée de deux anciens ministres du gouvernement. Son avocat, Nasser Amin, a déclaré à Amnistie internationale qu’Hisham Kassem n’a jamais été informé de ces nouvelles poursuites, qui avaient été ouvertes à la suite d’une plainte déposée par l’un de ces anciens ministres le 16 septembre 2023. Une audience pour cette nouvelle affaire s’est tenue le 11 décembre 2023 devant le tribunal, sans qu’Hisham Kassem n’en ait été informé. 

Arrestation de personnes ayant critiqué le gouvernement 

Le 16 janvier, deux hommes en civil ont arrêté Nada Mogheeth à son domicile sans présenter de mandat d’arrêt. Selon un avocat qui a assisté à ses interrogatoires, les procureurs du SSSP ont ouvert une enquête contre elle pour « adhésion à un groupe terroriste » et « diffusion de fausses nouvelles ». Ces accusations sont liées à une interview qu’elle a accordée en décembre 2024 à Ahmed Serag, un journaliste du site Internet indépendant Zat Masr, dans laquelle elle a évoqué le cas de son mari, Ashraf Omar, qui a été arrêté en raison de son travail dans les médias. Les procureurs l’ont libérée contre une caution de 5 000 livres égyptiennes. 

La veille, les forces de sécurité avaient arrêté Ahmed Serag sur son lieu de travail au Caire. Selon son avocat, le SSSP a ouvert une enquête contre lui pour « adhésion à un groupe terroriste », « utilisation du site Internet Zat Masr pour promouvoir les idées du groupe », « diffusion de fausses nouvelles » et « commission d’un crime lié au financement du terrorisme ». Amnistie internationale a appris que l’Agence de sécurité nationale accusait Ahmed Serag d’avoir « reçu des instructions de dirigeants provocateurs à l’extérieur du pays pour mettre en œuvre un plan hostile contre l’État ». Il est toujours détenu à la prison du Dixième jour de ramadan. 

Le 11 janvier, les forces de sécurité ont arrêté Mohamed Allam, 24 ans, au domicile d’un parent, dans le gouvernorat de Guizeh. Au cours des semaines précédentes, Mohamed Allam avait publié sur TikTok plusieurs vidéos critiquant le président Abdel Fattah al Sisi. Dans l’une de ces vidéos, visionnée par Amnistie internationale, il a déclaré qu’ « al Sisi et son gouvernement ont peur d’un soulèvement » et a énuméré plusieurs problèmes causés, selon lui, par le gouvernement, notamment la « ruine de l’éducation et de l’économie », ainsi que l’incarcération de personnes ayant simplement exprimé leur opinion. 

Les forces de sécurité ont traduit Mohamed Allam devant le SSSP le 20 janvier, après l’avoir soumis à une disparition forcée pendant plus d’une semaine dans un centre de l’Agence de sécurité nationale à Guizeh. Les procureurs du SSSP ont enquêté sur lui, le soupçonnant d’avoir « rejoint un groupe terroriste », « incité à commettre des crimes terroristes » et « diffusé de fausses nouvelles ». Mohamed Allam a déclaré aux procureurs que des fonctionnaires de l’Agence de sécurité nationale l’avaient soumis à des chocs électriques et des coups, et qu’ils lui avaient bandé les yeux, selon son avocat Nabeh Elganadi. Sur la base de ces déclarations, le parquet a demandé qu’il subisse un examen médico-légal. Il est toujours détenu à la prison du Dixième jour de ramadan.