Égypte. Il faut libérer les internautes détenus pour avoir soutenu sur les réseaux sociaux les appels à mettre fin au régime du président Abdel Fattah al Sissi
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Les autorités égyptiennes doivent libérer sur-le-champ les dizaines de personnes détenues arbitrairement et poursuivies pour des accusations liées au terrorisme, uniquement parce qu’elles ont publié en ligne des contenus soutenant des appels à renverser le régime du président Abdel Fattah al Sissi, a déclaré Amnistie internationale le 19 février 2025. Cette répression s’est déroulée à l’approche de l’anniversaire de la Révolution du 25 janvier 2011, période où les autorités ont coutume de durcir la répression pour empêcher toute manifestation pacifique.
Depuis fin décembre 2024, les forces de sécurité ont arrêté arbitrairement au moins 59 personnes, dont au moins quatre femmes, pour avoir partagé des contenus de la page Facebook « Révolution of Joints » ou avoir interagi sur la chaîne Telegram du même nom. Ces deux plateformes critiquent le gouvernement du président Abdel Fattah al Sissi et réclament un changement politique. Les forces de sécurité n’ont déféré les détenu·e·s devant des procureurs que du 8 au 12 février, après des semaines de disparition forcée ou de détention au secret, au cours desquelles certains ont été passés à tabac.
« Au lieu d’arrêter de manière obsessionnelle des dizaines de personnes dans tout le pays chaque année à cette époque, les autorités égyptiennes devraient s’attaquer aux causes profondes du mécontentement populaire, notamment les difficultés économiques. Comment le gouvernement a-t-il l’audace d’enfermer ceux qui se plaignent de son incapacité à garantir les droits économiques, sociaux et culturels de la population alors que le niveau de vie se dégrade ?, a déclaré Mahmoud Shalaby, chercheur sur l’Égypte à Amnistie internationale.
« Chacun doit pouvoir exprimer librement ses opinions sur le gouvernement sans risquer d’être arrêté ou détenu arbitrairement. »
Amnistie internationale a recueilli des informations sur les cas de sept hommes arrêtés arbitrairement entre le 23 décembre 2024 et le 16 janvier 2025 en raison de contenus qu’ils avaient publiés sur les réseaux sociaux. Selon leurs avocats, cinq d’entre eux ont été interpellés chez eux et les deux autres dans la rue, dans les gouvernorats d’El Mansoura, de Suez, du Caire, de Qualyubiya, de Damanhur et d’Alexandrie.
Selon leurs avocats, après leur arrestation, ces sept hommes ont été escortés jusqu’aux locaux de l’Agence de sécurité nationale dans leurs gouvernorats respectifs. Ils ont été détenus au secret pendant des périodes allant de quatre à six semaines avant d’être présentés au service du procureur général de la sûreté de l’État entre le 8 et le 12 février. Deux d’entre eux ont été soumis à une disparition forcée pendant 28 et 41 jours ; leurs proches s’étaient enquis de leur sort auprès des postes de police locaux, mais les autorités avaient nié leur présence et refusé de révéler la moindre information sur leur sort.
Les détenus ont été interrogés sur leur vie sociale, leurs affiliations politiques et les raisons de la publication de contenus appelant au changement de gouvernement. Ils ont expliqué que la principale raison était la crise économique actuelle et la lutte qu’ils menaient pour subvenir à leurs besoins élémentaires dans un contexte de hausse des prix.
Les procureurs du service du procureur général de la sûreté de l’État ont enquêté sur les sept hommes pour des accusations liées au terrorisme, notamment « adhésion à un groupe terroriste », « diffusion de fausses nouvelles », « incitation à commettre un crime terroriste » et pour avoir « commis un crime de financement du terrorisme ». Ils ont ordonné leur placement en détention provisoire pendant 15 jours dans l’attente des conclusions de l’enquête.
Au cours de leur interrogatoire par le service du procureur général de la sûreté de l’État, les hommes ont déclaré qu’à l’Agence de sécurité nationale, ils avaient été interrogés alors qu’ils avaient les yeux bandés ou étaient menottés, et sans la présence d’un avocat. Quatre d’entre eux ont ajouté avoir été insultés et battus au moins une fois, tandis que deux ont affirmé avoir reçu des décharges électriques. Toutefois, aucune enquête n’a été ouverte sur ces allégations.
« Les violations flagrantes imputables aux forces de sécurité égyptiennes, telles que les disparitions forcées et les actes de torture ou autres mauvais traitements, ne cesseront pas tant que les procureurs du service du procureur général de la sûreté de l’État resteront complices en couvrant ces abus au lieu d’ouvrir des enquêtes », a déclaré Mahmoud Shalaby.
Complément d’information
C’est la deuxième fois au cours des six derniers mois que les autorités égyptiennes arrêtent arbitrairement des personnes pour avoir exprimé leur soutien à un changement de gouvernement. En juillet 2024, les forces de sécurité égyptiennes ont arrêté arbitrairement 119 personnes, dont au moins sept femmes et un mineur, dans au moins six gouvernorats, en raison d’appels à une « Révolution de la dignité » publiés en ligne le 12 juillet. Ces personnes avaient publié sur leurs comptes de réseaux sociaux des appels aux manifestations et au changement politique en raison de la flambée des prix et des coupures d’électricité.