• 4 nov 2024
  • Türkiye
  • Communiqué de presse

Turquie. La proposition de loi sur les « agents d’influence » est une attaque contre la société civile et doit être rejetée

Le Parlement turc doit rejeter la proposition de modification de la législation du pays relative à « l’espionnage » qui, si elle était adoptée, menacerait gravement la capacité des organisations de la société civile à mener leurs activités librement en Turquie, ont déclaré plus 80 organisations en amont d’un vote prévu sur ce texte au Parlement. De nombreuses autres organisations ont publié des déclarations similaires appelant les législateurs à rejeter cette proposition. 

Le nouvel article – nommé publiquement « loi sur les agents d’influence » – modifierait le Code pénal et rendrait passibles de poursuites des « actes » non précisés qui seraient « contraires aux intérêts de l’État en matière de sécurité ou de politique intérieure ou étrangère et conformes aux intérêts stratégiques ou aux instructions d’un État étranger ou d’une organisation étrangère ». 

« Si elle était adoptée, cette loi représenterait une menace considérable pour la capacité de la société civile à mener librement ses activités dans le pays », ont déclaré les organisations signataires dans une déclaration conjointe. 

Celles-ci relèvent le fait que la proposition de loi ne satisfait pas aux critères de certitude juridique et de prévisibilité – qui sont un principe fondamental du droit – selon lesquels les personnes doivent être en mesure de comprendre les dispositions législatives pour savoir sur quels actes ou omissions leur responsabilité pénale peut être engagée et quelles sanctions elles encourent si elles commettent ces actes ou omissions. 

Un train de mesures législatives validé par la Commission parlementaire pour la Justice le 23 octobre doit faire l’objet d’un vote des membres du Parlement turc dans les prochains jours.  

Le texte proposé menace de criminaliser des activités légitimes telles que la collecte et la diffusion d’informations sur les violations des droits humains par des acteurs étatiques ou non étatiques, en les rendant passibles de sanctions sévères, y compris de lourdes peines de prison. Si les faits incriminés sont commis « en temps de guerre » ou dans le cadre de la « préparation de l’État à des activités liées à la guerre ou des opérations militaires », la peine peut atteindre huit à 12 ans d’emprisonnement. 

« Nous déplorons également que la proposition de loi ne définisse pas de critères clairs pour déterminer quels actes précis constituent une infraction pénale, sans prévoir des garanties suffisantes ou des voies de recours contre les potentielles utilisations abusives de ces dispositions, ont déclaré les organisations.  

« L’interprétation arbitraire de lois formulées en termes vagues et généraux est déjà utilisée pour viser et poursuivre des défenseur·e·s des droits humains, des journalistes, des avocat·e·s et de nombreuses organisations de la société civile en Turquie. Si les nouvelles dispositions étaient adoptées, les droits relatifs à la liberté d’expression, notamment celui de chercher et de recevoir des informations, risqueraient en outre d’être bafoués. Elles auraient alors un effet paralysant sur le travail des organisations de la société civile en faveur des droits humains, qui pourrait entraver leurs activités. » 

Complément d’information 

Le train de mesures législatives qui va être soumis à un vote comporte l’ajout d’un nouvel article, l’article 339/A portant sur la « commission d’infractions contre les intérêts sécuritaires ou politiques de l’État », à la section 7 du Code pénal turc (Loi n° 5237) intitulée « Crimes contre les secrets d’État et espionnage ». 

La terminologie de l’article proposé se prête à une utilisation abusive. Les termes « intérêts stratégiques », « instructions », « organisation » et « intérêts de l’État en matière de politique intérieure ou étrangère », par exemple, sont excessivement vagues et généraux. Les dispositions mal définies ou trop générales sont susceptibles de faire l’objet d’une application arbitraire et abusive, risquant d’être instrumentalisées pour viser des personnes que les autorités considèrent comme des opposant·e·s ou pour criminaliser les activités légitimes des organisations de la société civile, notamment celles qui recueillent et diffusent des informations sur les violations des droits humains dans le pays. 

L’article proposé est contraire au droit international relatif aux droits humains et aux normes connexes ainsi qu’à la Constitution et au droit national de la Turquie, car il menace la liberté d’expression et ne respecte pas le principe de légalité et de prévisibilité, un concept fondamental du droit pénal. 

Outre les signataires de cette déclaration conjointe, de nombreuses autres organisations ont publié leur propre déclaration, parmi lesquelles l’Association du Centre pour le développement de la société civile (voir ici), la Plateforme des femmes pour l’égalité (voir ici), la Fondation du tiers secteur de Turquie (voir ici), l’Institut international de la presse (voir ici), le Comité pour la protection des journalistes (voir ici), Human Rights Watch (voir ici), des organisations de journalisme, des syndicats et d’autres organisations (voir ici). 

Le nombre de signataires de la déclaration conjointe augmente de jour en jour. Une copie de la déclaration est actuellement envoyée à tous les membres du Parlement turc. 

SIGNATAIRES : 

1. About Life Foundation (YADA) 
2. AG-DA Gender Equality Solidarity Network 
3. Ali İsmail Korkmaz Foundation 
4. Altyazı Cinema Association 
5. Amnistie internationale Turquie 
6. Ankara Initiative for Freedom of Thought 
7. Ankara Solidarity Academy 
8. Another School is Possible Association 
9. Association for Monitoring Equal Rights 
10. Batman Bar Association 
11. Bodrum Women’s Solidarity Association 
12. Center for Spatial Justice 
13. Citizen’s Initiative 
14. Citizens’ Assembly 
15. DEMOS Research Association 
16. Dersim Bar Association 
17. Diyarbakır Bar Association 
18. Families of LGBTs in İstanbul 
19. Free Colors Association 
20. GALADER-Ankara Rainbow Families Association 
21. Green Thought Association 
22. Hakkari Bar Association 
23. Human Rights Agenda Association 
24. Human Rights Association 
25. Human Rights Association Ankara Branch LGBTI+ Commission 
26. Human Rights Association Istanbul Branch 
27. Human Rights Foundation of Türkiye 
28. Izmir Women’s Solidarity Association 
29. Kaos GL Association 
30. Katre Women's Counceling and Solidarity Association 
31. Kirkayak Culture - Migration and Cultural Studies Center
32. Kuşadası Caferli Beautification and Solidarity Association
33. Lambdaistanbul LGBT Solidarity Association
34. Lawyers for Freedom Association 
35. Leader Women Association 
36. Life Memory Freedom Association 
37. Mardin Bar Association 
38. Marmaris Public Assembly 
39. May 17 Association 
40. Media and Law Studies Association 
41. Merdiven Social Initiative and Development Association 
42. Migration Monitoring Association 
43. Muamma LGBTI+ Education Research and Solidarity Association 
44. Muğla Environment Platform 
45. Murat Çekiç Association 
46. Muş Bar Association 
47. Natural Life Association 
48. Nonviolence Education and Research Center 
49. P24 Independent Journalism Platform 
50. Press, Publishing, Communication, and Postal Workers' Union 
51. Pride Istanbul 
52. Progressive Journalists Association 
53. Red Umbrella Sexual Health and Human Rights Association 
54. Rights Initiative Association 
55. Romani Godi - Association for Roma Memory Studies 
56. Rosa Women's Association 
57. SES Equality and Solidarity Association 
58. Siirt Bar Association 
59. Social Policy, Gender Identity and Sexual Orientation Studies Association 
60. Support for Improvement in Social and Economic Living Association 
61. Şanlıurfa Bar Association 
62. Şırnak Bar Association 
63. Tarlabaşı Community Support Association 
64. The Civil Society in the Penal System Association 
65. The Confederation of Public Employees' Trade Unions 
66. Trans Pride Istanbul 
67. Truth Justice Memory Center 
68. Turkish Handicap Association 
69. Türkiye Human Rights Litigation Support Project 
70. Türkiye Journalists' Union 
71. Türkiye Press, Publishing, and Printing Employees' Union 
72. University Queer Studies and LGBTI+ Solidarity Association 
73. Van Bar Association 
74. Velvele 
75. Women for Women’s Human Rights Association 
76. Women’s Culture, Arts, and Literature Association 
77. Women’s Solidarity Foundation 
78. Women's Time Association 
79. Young Thought Institute 
80. Youth Organizations Forum 
81. Yuva Association