Thaïlande. Il faut abandonner les poursuites sans fondement engagées contre de jeunes militantes
Deux jeunes militantes thaïlandaises ont été inculpées lundi 29 avril de diffamation à l’égard de la monarchie et d’infractions à la législation sur la cybercriminalité, charges « sans fondement », a déclaré Amnistie internationale.
Niraphorn « Bie » Onnkhaow, ambassadrice des droits numériques d’Amnistie internationale, qui s’est récemment engagée auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, et Panusaya « Rung » Sithijirawattanakul, figure de proue de la contestation, mise en avant dans la campagne 2021 d’Amnistie internationale Écrire, ça libère, ont été accusées de lèse-majesté et d’atteinte à la loi thaïlandaise relative à la cybercriminalité.
« Ces inculpations montrent que les autorités thaïlandaises continuent de porter des accusations fallacieuses dans le but de réduire au silence les voix critiques des jeunes souhaitant parler de leurs droits fondamentaux », a déclaré Chanatip Tatiyakaroonwong, spécialiste de la Thaïlande à Amnistie internationale.
« La décision d’inculper Bie un mois seulement après qu’elle s’est rendue à Genève pour partager son expérience de jeune militante et de défenseure des droits humains en Thaïlande envoie un message lourd de menaces : la dénonciation des violations des droits humains ne sera pas tolérée. »
Le 12 mars 2024 à Genève, Bie s’est exprimée lors du dialogue interactif avec la rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains. Elle a fait part de son inquiétude face au recours abusif au système de justice pénale par les autorités thaïlandaises dans le but d’étouffer la liberté d'expression, et à propos de l'utilisation de la surveillance numérique contre les enfants et les jeunes défendant les droits humains en Thaïlande.
Elle a également pris la parole lors d’un événement en marge du dialogue interactif le 13 mars, aux côtés d’autres enfants et jeunes défenseurs, pour marquer la publication d’un rapport de la rapporteuse spéciale, qui a reconnu le rôle des jeunes militant·e·s des droits humains en Thaïlande dans les manifestations pacifiques en faveur des réformes depuis 2020.
Des accusations ont été portées contre Bie et Rung en novembre 2021, mais c’est seulement récemment que le procureur a décidé de procéder à leur inculpation.
Elles font toutes deux partie du Front uni de Thammasat et Manifestation, groupe de contestation dirigé par des étudiant·e·s, et s’expriment sur la liberté d’expression, les droits numériques et l’égalité entre les hommes et les femmes.
Les autorités affirment que les deux jeunes militantes sont les administratrices de la page Facebook du Front uni. Elles sont accusées d’avoir publié sur cette page trois messages considérés comme diffamatoires à l’égard de la monarchie.
Amnistie internationale a par ailleurs constaté que ces deux défenseuses des droits humains ont fait l’objet d'une surveillance numérique.
Selon des analyses techniques menées par la société civile, Bie et Rung faisaient partie d’un groupe de 35 défenseur·e·s des droits humains, militant·e·s, universitaires et artistes visés par Pegasus, un logiciel espion très invasif développé par la société israélienne de cyberespionnage NSO Group.
Le téléphone portable de Bie a été infiltré 14 fois en 2021, soit le plus grand nombre d’infections recensées parmi toutes les personnes visées. L’appareil de Rung a quant à lui été infecté quatre fois durant la même année.
Au début de l'année 2024, Bie a été sélectionnée comme ambassadrice des droits numériques d’Amnistie internationale, les ambassadeurs et ambassadrices étant un groupe d'enfants et de jeunes leaders du monde entier ayant un intérêt particulier ou une expertise dans ce domaine.
« La décision de les inculper risque d’intensifier les craintes dissuadant les défenseur·e·s des droits humains et les militant·e·s thaïlandais de s’exprimer sur les questions relatives aux droits humains », a déclaré Chanatip Tatiyakaroonwong.
« Ceci est un rappel que la Thaïlande doit redoubler d’efforts pour respecter ses obligations internationales en matière de droits humains, notamment les droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion. Nous demandons aux autorités thaïlandaises d’abandonner immédiatement les poursuites engagées contre ces militantes. »
La Thaïlande cherche actuellement à devenir membre du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, dont les membres ont la responsabilité de « respecter les normes les plus élevées en matière de promotion et de protection des droits de l’homme ».