Russie. Les autorités doivent remettre le corps d’Alexeï Navalny à ses proches et permettre une enquête indépendante sur les causes de sa mort
En réaction aux informations selon lesquelles la mère d’Alexeï Navalny a appris que le corps de son fils ne lui serait remis que pour organiser un enterrement secret, Agnès Callamard, la secrétaire générale d’Amnistie internationale, a déclaré :
« Il est évident que les autorités russes cherchent ainsi à aggraver la souffrance d’une mère déjà endeuillée en la privant de la possibilité d’inhumer son fils dans la dignité et conformément à ses propres souhaits concernant le caractère public ou privé des funérailles. Elles cachent vraisemblablement ce qu’elles lui ont fait en prétextant devoir procéder à un examen médicolégal de son corps.
« Aucun doute n’est permis. La mort d’Alexeï Navalny a été causée par les autorités russes. Tôt ou tard, nous connaîtrons l’entière vérité, et tous les responsables présumés doivent être traduits en justice. Mais en essayant de dissimuler les preuves de leurs crimes, les autorités russes n’infligent rien de moins qu’un mauvais traitement et une souffrance supplémentaire à la famille et aux proches d’Alexeï Navalny.
« En privant sa mère du droit de récupérer son corps et d’organiser des funérailles selon le choix de la famille, le Kremlin révèle l’ampleur de sa lâcheté. Ce n’est rien de plus qu’un piètre stratagème pour empêcher les sympathisant·e·s d’Alexeï Navalny de lui rendre hommage et d’exercer leur droit de contester pacifiquement un régime qui fait preuve d’un traitement impitoyable à l’égard des voix critiques.
« Nous appelons les autorités russes à remettre immédiatement le corps d’Alexeï Navalny à ses proches et à permettre une enquête indépendante sur les causes de sa mort, avec la participation de sa famille. Nous demandons également que toutes les personnes détenues uniquement pour avoir salué sa mémoire ou manifesté pacifiquement soient libérées sans délai. »
Complément d’information
Alexeï Navalny a été condamné à une peine d’emprisonnement pour des accusations forgées de toutes pièces en janvier 2021 après être revenu d’Allemagne, où il venait de se remettre d’un empoisonnement par un agent neurotoxique de type militaire qui avait failli le tuer en 2020 en Russie. Une fois en prison, il a été poursuivi pour de nouvelles fausses accusations et sa condamnation illégale a été alourdie à 19 années. Il a été envoyé dans une colonie pénitentiaire au régime le plus strict possible qui existe en Russie, proche du Cercle polaire arctique, où il a été systématiquement privé des soins dont il avait besoin et placé en cellule disciplinaire à 27 reprises de façon prolongée, plus de 300 jours au total, pour de prétendues infractions disciplinaires telles qu’un bouton de vêtement ouvert. Ses conditions de détention étaient contraires à l’interdiction absolue de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le 16 février, le Service fédéral d’application des peines (FSIN) a annoncé qu’Alexeï Navalny s’était senti mal en rentrant d’une promenade dans la cour de la prison et avait perdu connaissance peu de temps après. Selon le FSIN, malgré les soins apportés immédiatement par du personnel médical de la colonie pénitentiaire et l’arrivée d’une ambulance, tous les efforts de réanimation ont échoué et son décès a été prononcé. La déclaration du FSIN se conclue en indiquant que les causes de sa mort sont en cours d’établissement.
En vertu du Protocole du Minnesota relatif aux enquêtes sur les décès résultant potentiellement d’actes illégaux (ONU), les États ont l’obligation de mener dans les meilleurs délais une enquête impartiale et efficace sur les circonstances et les causes de toutes les morts en détention. Entre autres aspects essentiels, les autorités russes doivent permettre une autopsie menée par des expert·e·s médicolégaux indépendants et faire preuve de transparence, en autorisant des contrôles par des observateurs internationaux et par les membres de la famille d’Alexeï Navalny.
Par ailleurs, selon les normes internationales relatives aux droits humains concernant le droit à la vie, toute mort en détention crée une présomption de responsabilité de l’État qui ne peut être réfutée qu’au moyen d’une enquête en bonne et due forme.