• 16 oct 2024
  • Pays-Bas
  • Communiqué de presse

Pays-Bas. La surveillance des manifestations par des caméras de la police a un effet dissuasif et discriminatoire

L’utilisation généralisée de technologies de surveillance numérique par la police, associée à un manque de transparence quant à leur déploiement et à la manière dont les éléments recueillis sont analysés, conservés et utilisés, a un effet discriminatoire et dissuasif sur les manifestations aux Pays-Bas, selon un nouveau rapport d’Amnistie internationale.  

Ce document, intitulé Recording dissent: Camera surveillance at peaceful protests in the Netherlands, révèle que la police néerlandaise utilise tout un ensemble de moyens numériques pour filmer des manifestant·e·s pacifiques, qu’il s’agisse de drones, de voitures de vidéosurveillance ou de caméras corporelles, afin de procéder à une surveillance de masse des manifestant·e·s, ce qui a une incidence sur le droit de manifester. 

« La protestation pacifique est un droit, pas un privilège, mais aux Pays-Bas, une démarche de plus en plus axée sur le risque de la part des autorités et le développement d’une culture du contrôle mettent ce droit en péril », a déclaré Dagmar Oudshoorn, directrice d’Amnistie internationale Pays-Bas. 

« Les lois et politiques néerlandaises ne formulent pas avec suffisamment de précision ce que la police peut ou ne peut pas faire lorsqu’elle effectue une surveillance lors de manifestations. Cela crée un risque d’arbitraire ou d’abus et a un effet discriminatoire et dissuasif. » 

Le rapport fait état des expériences de manifestant·e·s issus d’une grande diversité de mouvements, notamment des manifestations au sujet du climat, en faveur de la Palestine, ou encore en relation avec la pandémie de COVID-19. Il s’est appuyé sur l’observation de 24 manifestations entre 2022 et 2024, plusieurs entretiens avec des manifestant·e·s et des membres de la police, ainsi qu’une analyse des règles et pratiques en matière de manifestations. Des manifestant·e·s appartenant à des mouvements très différents ont exprimé leur crainte que leur identité soit enregistrée dans les bases de données de la police et que cela ait des répercussions négatives pour eux. 

Une personne ayant organisé des manifestations en relation avec la pandémie de COVID a déclaré à Amnistie internationale : « J’aimerais travailler un jour dans un ministère. S’ils ont quelque chose sur moi, je risque de ne jamais y entrer, alors je veux éviter cela. Ces craintes sont très vives chez tous les membres de notre groupe.  » 

Le rapport montre que la police omet régulièrement d’expliquer aux organisateurs, aux manifestant·e·s et au public les raisons de la surveillance par caméra. Certaines pratiques opaques empêchent de savoir quelles ressources sont déployées, et quel usage est fait des images des manifestant·e·s. Faute de garanties adéquates, les pratiques de surveillance peuvent donner lieu à des abus généralisés.  
  
Une personne militant pour la cause climatique a déclaré à Amnistie internationale : « C’est imprévisible. J’ai vu des caméras de surveillance sous toutes les formes [...] Des policiers en uniforme qui prennent des photos, et des voitures équipées d’une caméra télescopique sur le toit [...] Pas une seule fois la police ne nous a informés au sujet de cette surveillance. » 

Lors de manifestations contre le COVID, la police a testé pour la première fois l’utilisation de drones pour surveiller le cortège.

Certains groupes sont plus affectés que d’autres par la surveillance policière, par exemple des groupes tout particulièrement pris pour cible par la police, qui ont des raisons de craindre des interventions policières discriminatoires ou illégales. 

Leur situation les rend plus craintifs face à l’utilisation de leurs données par le gouvernement, et ils sont particulièrement touchés. C’est singulièrement vrai pour les migrant·e·s, qui sont enregistrés dans une base de données de reconnaissance faciale lorsqu’ils font une demande de permis de séjour. La police peut utiliser la technologie de reconnaissance faciale pour identifier des personnes.  

« Il est inacceptable que des images soient stockées dans les banques de données de la police sans que l’on sache exactement quel usage en est fait. Cela peut conduire à des abus - ou à la crainte d’abus - qui peuvent vraiment avoir des répercussions considérables sur la vie personnelle des gens », a déclaré Dagmar Oudshoorn. 

« La surveillance par caméra est déployée parce que les manifestations sont perçues comme un risque pour la sécurité plutôt que comme un droit fondamental et un élément essentiel d’une société saine. Toute technologie de reconnaissance faciale à des fins d’identification doit être interdite et des règles claires doivent être établies pour la surveillance policière des manifestations. »  

Complément d’information 

Ce rapport s’inscrit dans la campagne mondiale d’Amnistie internationale intitulée Protégeons les manifs, qui dénonce les attaques contre la contestation pacifique, se montre solidaire des personnes visées et soutient les causes de mouvements sociaux en faveur de changements sur le terrain des droits humains.   

Un rapport de juillet 2024 sur l’état de la protestation en Europe a révélé que le droit de manifester est systématiquement battu en brèche dans toute l’Europe. Voir : https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/07/europe-sweeping-pattern-of-systematic-attacks-and-restrictions-undermine-peaceful-protest/