• 19 jan 2024
  • Liban
  • Communiqué de presse

Liban. La suspension du mandat d’arrêt visant un ancien ministre tourne une nouvelle fois en dérision la justice dans l’enquête sur l’explosion à Beyrouth

En réaction aux informations selon lesquelles la Cour de cassation du Liban a suspendu le mandat d’arrêt décerné contre l’ancien ministre des Travaux publics, Youssef Fenianos, inculpé en septembre 2021 d’homicide et de négligence criminelle par l’enquêteur principal dans l’affaire de l’explosion du port de Beyrouth, Aya Majzoub, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnistie internationale, a déclaré : 

« La suspension du mandat d’arrêt visant Youssef Fenianos par la plus haute juridiction du Liban est un nouveau coup dur porté à la justice et témoigne hélas de la très forte obstruction opposée à l’enquête sur l’explosion dévastatrice de 2020, qui a fait 235 morts et plus de 7 000 blessés.

« Près de trois ans et demi après la tragédie, les autorités libanaises font preuve d’une détermination sans faille pour esquiver leurs responsabilités, employant tous les outils à leur disposition pour paralyser l’enquête et se soustraire à l’obligation de rendre des comptes.

« En janvier 2023, le procureur général du Liban a ordonné illégalement la libération de tous les suspects détenus dans le cadre de cette affaire et désormais, au moins l’un de ces mandats d’arrêt, que les forces de sécurité n’ont jamais appliqué, a été annulé. Ces mesures successives soulignent une vérité dérangeante : l’appareil judiciaire libanais est enlisé au service des puissants, négligeant les droits de la population et des familles endeuillées qui ont perdu leurs proches dans l’une des plus puissantes explosions non nucléaires jamais observées.

« Toute confiance dans la perspective d’une enquête nationale ayant été brisée, seule une mission d’enquête internationale, indépendante et impartiale pourra permettre aux victimes et aux familles endeuillées d’obtenir justice, vérité et réparations. Nous exhortons le Conseil des droits de l’homme des Nations unies à prendre des mesures décisives et à mettre sur pied une mission d’établissement des faits sur l’explosion de Beyrouth. »

Complément d’information

Selon les informations parues dans les médias, un ancien avocat général près la Cour de cassation avait également révoqué le mandat d’arrêt visant l’ancien ministre du gouvernement et actuel député Ali Hassan Khalil, qui demeure protégé contre toute poursuite judiciaire par son immunité parlementaire. 

En 2021, le juge Tarek Bitar a décerné des mandats d’arrêt contre Youssef Fenianos et Ali Hassan Khalil, les accusant, ainsi que deux anciens hauts responsables du gouvernement, d’homicide avec intention probable et de négligence ayant débouché sur l’une des plus grandes explosions non nucléaires du monde. En réaction, Youssef Fenianos a demandé la révocation de Tarek Bitar en raison de « soupçons légitimes » sur sa gestion de l’affaire. Youssef Fenianos et Ali Hassan Khalil ont refusé de coopérer avec l’enquête et ne se sont pas rendus à leur convocation pour interrogatoire.

L’enquête menée au niveau national sur l’explosion du port de Beyrouth est suspendue depuis décembre 2021 en raison d’une série de recours juridiques arbitraires déposés à l’encontre du juge Tarek Bitar, et d’autres juges impliqués dans l’affaire.

Lorsque le juge Tarek Bitar a tenté de reprendre l’enquête en janvier 2023, le procureur général du Liban Ghassan Oueidat, qui avait été inculpé par ce juge, a intenté une action en justice contre lui, lui a imposé une interdiction de voyager et a ordonné la libération de toutes les personnes soupçonnées d’être impliquées dans l’explosion qui étaient toujours en détention.