• 28 fév 2024
  • Israël et territoires palestiniens occupés
  • Communiqué de presse

Israël/TPO. En ne permettant pas l’entrée d’une aide humanitaire suffisante dans Gaza, Israël ne respecte pas l’ordonnance de la CIJ visant à prévenir le génocide

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Un mois après la décision de la Cour internationale de justice (CIJ) qui ordonnait de prendre « des mesures immédiates et effectives » afin de protéger les Palestinien·ne·s dans la bande de Gaza occupée contre le risque de génocide, en permettant la fourniture d’une aide humanitaire suffisante et de services élémentaires, Israël n’a pas pris les mesures minimales pour s’y conformer, a déclaré Amnistie internationale le 26 février 2024. 

Le 26 janvier, la CIJ avait en effet indiqué six mesures conservatoires, dont celle concernant l’acheminement de l’aide, et Israël disposait d’un délai d’un mois pour soumettre un rapport sur l’ensemble des mesures prises pour exécuter l’ordonnance. Au cours de cette période, Israël a continué de faire fi de son obligation en tant que puissance occupante de répondre aux besoins fondamentaux de la population palestinienne à Gaza. 

Les autorités israéliennes n’ont pas veillé à ce que des biens et des services élémentaires parviennent en quantité suffisante à une population menacée de génocide et au bord de la famine du fait des bombardements incessants d’Israël et du durcissement du blocus illégal en place depuis 16 ans. Elles n’ont pas non plus levé les restrictions d’entrée des produits vitaux, ouvert de nouveaux points d’accès et de passage pour l’aide, ni mis en place une protection efficace des personnels humanitaires contre les attaques.

« Israël a favorisé une très grave crise humanitaire et fait preuve d’une froide indifférence à l’égard du sort de la population de Gaza en créant des conditions qui, selon la CIJ, l’exposent à un risque imminent de génocide. À maintes reprises, Israël s’est abstenu de prendre les mesures minimales que les organisations humanitaires réclament et qui sont manifestement en son pouvoir pour alléger les souffrances des civils palestiniens à Gaza, a déclaré Heba Morayef, directrice régionale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnistie internationale. 

« En tant que puissance occupante, Israël a l’obligation explicite, aux termes du droit international, de veiller à ce que les besoins fondamentaux de la population civile de Gaza soient satisfaits. Or, il échoue totalement à répondre aux besoins élémentaires des Gazaouis, et bloque et entrave le passage d’une aide suffisante vers la bande de Gaza, en particulier vers le nord, quasiment inaccessible, ne respectant ni l’ordonnance de la CIJ ni son obligation de prévenir le génocide.

« L’ampleur et la gravité de la catastrophe humanitaire causée par les bombardements incessants, les destructions et le siège étouffant mis en place par Israël, exposent plus de deux millions de Palestinien·ne·s de Gaza à des préjudices irréparables. » 

Les approvisionnements parvenus à Gaza avant l’ordonnance de la CIJ sont une goutte d’eau dans l’océan par rapport aux besoins des 16 dernières années. Or, au cours des trois semaines qui ont suivi cette ordonnance, le nombre de camions entrant dans Gaza a baissé d’un tiers environ, passant de 146 par jour en moyenne pendant les trois semaines précédentes, à 105 par jour en moyenne au cours des trois semaines suivantes. Avant le 7 octobre, environ 500 camions en moyenne entraient dans Gaza chaque jour, acheminant de l’aide et des marchandises, notamment de la nourriture, de l’eau, du fourrage destiné au bétail, des fournitures médicales et du carburant – ce qui était loin de satisfaire les besoins de la population. Au cours des trois semaines qui ont suivi l’ordonnance de la CIJ, de petites quantités de carburant, qu’Israël contrôle étroitement, ont pu entrer dans Gaza. Les seuls points de passage autorisés à ouvrir l’ont été pendant moins longtemps, illustrant le non-respect par Israël des mesures conservatoires. Les travailleurs·euses humanitaires ont signalé de multiples difficultés et affirmé qu’Israël refusait de prendre des mesures évidentes pour améliorer la situation.

Dans la requête qu’elle a soumise à la CIJ, l’Afrique du Sud a fait valoir que le fait qu’Israël refuse délibérément la fourniture d’aide humanitaire aux Palestinien·ne·s pouvait constituer l’un des actes prohibés au titre de la Convention sur le crime de génocide, à savoir la « [s]oumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». 

« Aujourd’hui, même le fourrage se fait rare »

Dans la bande de Gaza, la catastrophe humanitaire provoquée s’aggrave de jour en jour. Le 19 février, des organismes humanitaires ont déclaré que la malnutrition aiguë a fortement augmenté et menace la vie des enfants. Parmi ceux qui ont moins de deux ans, 15,6 % souffrent de malnutrition aiguë dans le nord de Gaza et 5 % à Rafah, dans le sud. La rapidité et la gravité du déclin de l’état nutritionnel de la population en tout juste trois mois est « sans précédent au niveau mondial ».

Hamza, un habitant du nord de Gaza dont l’épouse Kawthar a donné naissance à leur quatrième enfant le 17 février, a déclaré à Amnistie internationale le 20 février que sa famille de six personnes parvenait à peine à s’assurer un-demi repas par jour dans un contexte de graves pénuries de nourriture et d’eau. Une fois les réserves de farine et de maïs épuisées, ils se sont mis à moudre de l’orge et des aliments pour animaux pour faire du pain. « Aujourd’hui, même le fourrage [destiné au bétail] se fait rare », a-t-il expliqué. 

Sa femme a accouché à l’hôpital Kamal Adwan, à Beit Lahia, qui n’était déjà plus opérationnel. Elle n’a pas eu de lait maternel après l’accouchement et a bien du mal à nourrir son nouveau-né.

« Après avoir cherché anxieusement dans l’hôpital, une femme nous a donné une petite quantité de lait que nous avons fait boire au bébé à l’aide d’une seringue. Ma tante a réussi à nous trouver du lait aujourd’hui, je ne sais pas comment, et elle n’a pas dit combien cela lui avait coûté. Il n’y a pas de riz, pas de viande. Je suis allé au marché hier en quête de nourriture, et je suis revenu les mains vides : pas de viande, pas de pois chiches, rien. »

La menace imminente d’une offensive terrestre de grande envergure contre Rafah, dans le sud de Gaza, où plus de 1,2 million de civils sont actuellement réfugiés, ne ferait qu’aggraver la situation humanitaire. 

Les denrées qui arrivent au compte-gouttes à Gaza passent par deux points de passage situés sur le périmètre avec Israël et à la frontière avec l’Égypte. Ces deux poste-frontières – Rafah, à la frontière avec l’Égypte, et Karem Abu Salem, sur le périmètre avec Israël – se trouvent dans le sud de Gaza. Une opération terrestre dans la zone proche de ces poste-frontières, qui permettent l’entrée de camions dans le sud de Gaza, risque de couper totalement l’approvisionnement et de détruire les derniers vestiges du système d’aide.

Complément d’information

La catastrophe humanitaire qui frappe aujourd’hui la bande de Gaza occupée découle du blocus imposé par Israël depuis 16 ans et de son intensification, ainsi que des opérations militaires dévastatrices récurrentes. Depuis 2007, Israël contrôle l’espace aérien, les frontières terrestres et les eaux territoriales de Gaza, limitant fortement l’entrée et la sortie des biens de première nécessité et des personnes, ce qui favorise cette terrible situation. Les conditions de vie à Gaza sont devenues de plus en plus difficiles et, depuis octobre 2023, elles se sont détériorées avec une telle rapidité et gravité que l’ensemble de la population est aujourd’hui confrontée à une famine provoquée.

Le blocus imposé par Israël est une forme de punition collective et constitue un crime de guerre. C’est l’un des outils clés qui lui permet de maintenir son système d’apartheid contre la population palestinienne, ce qui constitue un crime contre l’humanité. 

Le 7 octobre 2023, le Hamas et d’autres groupes armés ont lancé des tirs de roquettes sans discrimination et déployé des combattants dans le sud d’Israël, et se sont livrés à des crimes de guerre. Selon les autorités israéliennes, au moins 1 139 personnes ont été tuées et plus de 200 personnes, principalement des civil·e·s, dont 33 enfants, ont été prises en otage par le Hamas et d’autres groupes armés à Gaza. Au 1er décembre, 113 otages détenus par le Hamas et d’autres groupes armés à Gaza avaient été libérés.