Crise en Équateur. Les États-Unis doivent renforcer leur rôle en vue de mettre fin aux violations des droits humains
Une délégation de militant·e·s des droits humains et de dirigeant·e·s communautaires équatoriens s’est jointe à Amnistie internationale à Washington D.C. la semaine dernière pour présenter des témoignages directs sur les graves atteintes aux droits humains et les répercussions des économies illégales sur les communautés autochtones et paysannes à travers l’Équateur, et inciter le gouvernement américain à contribuer à mettre un terme à ces violations.
Cette délégation – composée d’Amazon Watch, de la Commission œcuménique pour les droits humains CEDHU, de CDH Guayaquil, de la Fundación Regional de Asesoría en Derechos Humanos INREDH, de FOIN et de communautés touchées par la militarisation – a pu rencontrer des représentants du gouvernement américain, dont des membres de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, de la Commission des affaires étrangères du Sénat et du Département d’État américain, en particulier de son Bureau chargé de la démocratie, des droits humains et du travail, du Bureau des affaires de l’hémisphère occidental et du Bureau des affaires politico-militaires. La délégation a également rencontré des représentants du Conseil de sécurité nationale de la présidence des États-Unis.
Les organisations ont également rencontré le Secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA), le Département de la lutte contre la criminalité transnationale organisée (DDOT) et plusieurs mandats de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, en vue de mettre en évidence la gravité des violations des droits humains en Équateur. Les discussions ont porté sur les violations commises par les forces de sécurité, la situation des détenu·e·s, la liberté d’expression, la situation des défenseur·e·s des droits humains, notamment la criminalisation des militant·e·s défendant leurs terres et territoires, et les droits des communautés autochtones et paysannes.
« Les États-Unis peuvent s’impliquer davantage pour aider l’Équateur dans sa crise sécuritaire et mettre fin à ces violations des droits humains, a déclaré Daniel Noroña, directeur du plaidoyer pour les Amériques à Amnistie internationale États-Unis. Bien que l’Équateur ait reçu plus de 180 millions d’euros d’aide des États-Unis pour l’assistance en matière de sécurité, de graves préoccupations subsistent quant à la protection des droits humains, alors que la violence flambe et que le pays se militarise. Quid de l’obligation de rendre des comptes ? Le Congrès, le Sénat et le pouvoir exécutif doivent exiger activement de leurs homologues équatoriens que l’aide financée par les contribuables américains soit utilisée dans le respect du droit international relatif aux droits humains et du droit fédéral américain. La communauté internationale ne peut pas laisser l’Équateur sombrer dans l’oubli. »
D’après les organisations, les violations des droits humains se déroulent dans le contexte des mesures de sécurité mises en œuvre par le gouvernement équatorien, dont certaines sont financées par les États-Unis, de l’expansion du crime organisé et des menaces croissantes visant les défenseur·e·s des droits. En outre, des préoccupations ont été exprimées au sujet du rétrécissement de l’espace civique pour la société civile et les journalistes, et des violations des droits fondamentaux dans les prisons équatoriennes.
Depuis le 9 janvier 2024, à la suite d’une flambée de violence qui a choqué la société équatorienne, le gouvernement du président Daniel Noboa a décrété l’état d’urgence en raison de graves troubles internes et a déclaré l’état de « conflit armé non international », en vue de lutter contre l’insécurité, la crise du système carcéral et la criminalité organisée. Cependant, plusieurs mois après la mise en œuvre de ces mesures, leur efficacité pose question.
Malgré les efforts, aucune mesure structurelle n’a été prise pour démanteler les réseaux de la criminalité organisée implantés de longue date, ni réduire la violence. Les politiques se concentrent sur la militarisation des pénitenciers, des zones côtières et des zones frontalières, sans s’attaquer à la prolifération des économies illégales. Dans ce contexte, un nombre croissant de violations des droits humains sont signalées, en lien avec les opérations policières et militaires menées dans les rues et dans les prisons, sans grande transparence. Au cours des trois derniers mois, Amnistie internationale a dénoncé des allégations de violations des droits humains, notamment des actes de torture, des exécutions extrajudiciaires et des menaces et attaques contre des défenseur·e·s des droits humains, dans de récentes communications soumises aux organes de suivi des traités des Nations unies, notamment le Comité contre la torture et le Comité des droits de l’homme