• 29 Aoû 2024
  • Canada
  • Communiqué de presse

Le chef Dsta'hyl, premier prisonnier d’opinion au Canada, termine sa période d’assignation à résidence

Le chef Dsta'hyl, de la nation Wet'suwet'en, qui avait été désigné par Amnistie internationale comme le tout premier prisonnier d’opinion au Canada, terminera lundi de purger la peine d’assignation à résidence qui lui avait été imposée par le tribunal.  

Chef héréditaire du clan Likhts'amisyu, le chef Dsta’hyl avait été condamné à 60 jours d’assignation à résidence après qu’un juge de Colombie-Britannique l’eut reconnu coupable d’outrage au tribunal pour avoir défendu pacifiquement le territoire des Wet'suwet'en contre la construction du gazoduc Coastal GasLink (CGL). À la fin du mois de juillet dernier, Amnistie internationale a désigné le chef Dsta'hyl comme étant le premier prisonnier d’opinion en sol canadien, au motif que son arrestation et sa condamnation constituaient une violation de ses droits constitutionnels et de ses droits autochtones.  

Jeudi, le chef Dsta'hyl a remercié les sympathisants du monde entier pour leurs messages de solidarité et les a exhortés à continuer à faire pression sur le Canada et la Colombie-Britannique pour qu'ils cessent de porter atteinte aux droits de la nation Wet’suwet’en. « Le gouvernement fédéral et la province ont le pouvoir de reconnaitre officiellement que nos 22 000 kilomètres de territoire sont bien notre propriété », a-t-il déclaré. « Leur refus de le faire me dépasse. Ils sont allés jusqu'à signer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et à faire d'autres promesses, mais ce ne sont que des écrans de fumée pour apaiser la population. Ils n'ont pas tenu parole. C'est là que les gens peuvent faire pression sur le gouvernement et le forcer à reconnaître enfin nos droits. » 

Le chef Dsta'hyl, également connu sous le nom d'Adam Gagnon, fait appel de sa condamnation au motif que l'injonction du tribunal qui a conduit à son arrestation a violé ses droits autochtones et constitutionnels. Il a déclaré qu'il continuerait à faire entendre sa voix pour défendre les droits de sa nation et pour soutenir d'autres défenseurs de la terre qui ont été criminalisés pour avoir défendu le territoire Wet'suwet'en contre la construction de l'oléoduc CGL. Cependant, tant que l'injonction du tribunal n'est pas levée, les défenseurs des terres Wet'suwet'en se trouvent dans une « situation très précaire », a-t-il souligné.  

« Je ne peux pas sortir et faire respecter la loi. Je ne peux pas protéger les terres. Ils ont été très intelligents dans leur mise en scène, en nous inculpant et en nous menaçant de prison. Ils ont essayé de neutraliser l'ensemble du mouvement au lieu d'adopter une approche noble pour négocier avec nous.  

« Cette injonction devrait être rendue illégale. Elle est faite pour les entreprises au détriment des Premières nations, les personnes qui possèdent et protègent la terre. »   

D’autres défenseurs des terres autochtones pourraient être condamnés à des peines de prison ou à des assignations à résidence pour avoir exercé une défense légitime du territoire de la nation Wet'suwet'en contre la construction du gazoduc CGL. La semaine prochaine, un tribunal de Smithers, en Colombie-Britannique, entendra les plaintes pour abus de procédure déposées par trois défenseurs des terres arrêtés lors de la violente descente effectuée en novembre 2021 sur le territoire de la nation Wet'suwet'en : Sleydo' (également connue sous le nom de Molly Wickham), chef adjointe (maison Cas Yikh) du clan Gidimt'en de la nation Wet'suwet'en; Shaylynn Sampson, une femme gitxsan ayant des liens familiaux avec les Wet'suwet'en; et Corey « Jayohcee » Jocko, un Kanien'kehá:ka (Mohawk) d’Akwesasne. Une délégation de représentants d’Amnistie internationale Canada et Allemagne, ainsi que de l’ONG Front Line Defenders assistera aux audiences de la semaine prochaine, au terme desquelles il pourrait être établi que la GRC a fait un usage excessif de la force et de la violence à l’encontre des défenseurs des droits des terres ancestrales lors de leur arrestation.  

« À l’instar du chef Dsta'hyl, Sleydo', Shaylynn Sampson et Corey “Jayohcee” Jocko risquent d’être emprisonnés ou assignés à résidence parce que le Canada refuse de respecter leurs droits et ceux de la nation Wet'suwet'en », a déclaré Ana Piquer, directrice régionale pour les Amériques d’Amnistie internationale. « Si leurs dossiers devaient aboutir à une condamnation, Amnistie internationale n’hésitera pas à les désigner à leur tour comme prisonniers d’opinion et à mettre en lumière les manquements du Canada en matière de droits des peuples autochtones. »  

« Les défenseurs des terres autochtones sont criminalisés au seul motif de vouloir protéger leurs terres et leurs droits contre un projet d’exploitation de combustibles fossiles auquel ils n’ont pas donné leur consentement préalable, libre et éclairé, comme l’exige pourtant le droit international », a déclaré France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone. « Dans le contexte de crise climatique mondiale, il est pour le moins irresponsable, pour ne pas dire scandaleux, que le gouvernement de la Colombie-Britannique continue de porter de telles accusations, au mépris de ses obligations internationales, alors même que la province a adopté une loi sur la mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations unies il y a quelques années. » 

La désignation du chef Dsta'hyl comme prisonnier d’opinion par Amnistie internationale a fait la une des journaux du monde entier. Le chef Dsta'hyl a participé virtuellement à une conférence de presse qui s’est tenue le 31 juillet et qui a été largement relayée par les médias canadiens et étrangers.  

« Nous remercions le chef Dsta'hyl d’avoir partagé son histoire et choisi de faire entendre sa voix à un moment incroyablement difficile », a déclaré David Matsinhe, directeur des politiques, de la mobilisation et de la recherche à la section anglophone d’Amnesty International Canada. « Son plaidoyer courageux, qu’il a continué de porter depuis son assignation à résidence, a mis en alerte les législateurs canadiens et informé des millions de personnes à travers le monde au sujet de la lutte pour la justice menée par la nation Wet'suwet'en. »  

COMPLÉMENT D’INFORMATION 

En décembre 2023, Amnistie internationale a publié un rapport intitulé : « Chassé·e·s de nos terres pour les avoir défendues : criminalisation, intimidation et harcèlement des défenseur·e·s du droit à la terre Wet’suwet’en. » Ce rapport analyse les violations des droits humains infligées aux membres de la nation Wet'suwet'en et à leurs sympathisants par les autorités du Canada et de la Colombie-Britannique, par CGL Pipeline Ltd. et par TC Energy, les sociétés qui construisent un gazoduc de gaz naturel liquéfié (GNL) traversant le territoire Wet'suwet'en, et par Forsythe Security, une société de sécurité privée engagée par CGL Pipeline Ltd.  

Se fondant en partie sur des témoignages concernant quatre opérations policières de grande ampleur menées par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sur le territoire des Wet'suwet'en et marquées par un recours illégal à la force, le rapport conclut que les défenseurs des terres des Wet'suwet'en et leurs sympathisants ont été détenus arbitrairement pour avoir défendu pacifiquement leurs terres contre la construction du gazoduc, et pour avoir exercé leurs droits autochtones et leur droit de se réunir pacifiquement.   

En juin et juillet 2022, le Service des poursuites de la Colombie-Britannique (SPCB) a décidé de porter des accusations d’outrage criminel à l’encontre de 20 défenseurs de la terre pour avoir prétendument désobéi à un ordre d’injonction de rester à l’écart des sites de construction de gazoducs. Sept de ces 20 défenseurs ont plaidé coupable en raison des contraintes liées à la mise en liberté sous caution et des conséquences familiales, psychologiques et financières que la procédure pénale avait sur eux. Cinq autres ont vu les charges retenues contre eux être abandonnées.  

Sleydo', Sampson et Jocko, qui ont été reconnus coupables d’outrage criminel pour avoir violé les termes de l’injonction, ont déposé une plainte pour abus de procédure, soutenant que la GRC avait violé leurs droits au moment de leur arrestation, ce qui pourrait entraîner la suspension de leurs verdicts de culpabilité. Cinq autres défenseurs des terres Wet'suwet'en détenus en mars 2023 et inculpés d’outrage au tribunal pour avoir prétendument violé les termes de l’injonction attendent toujours que la date de leur procès soit fixée.  

Amnistie internationale a demandé au gouvernement de la Colombie-Britannique de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à la criminalisation des Wet'suwet'en et des autres défenseurs des terres autochtones, notamment dans le cadre de la construction du gazoduc CGL. Amnistie internationale s’oppose à l’expansion de tous les pipelines destinés au transport de combustibles fossiles et des infrastructures qui y sont associées.  

La désignation d’un prisonnier d’opinion par Amnistie internationale se fonde sur les informations dont dispose l’organisation concernant les circonstances qui ont conduit à la détention de cette personne. Lorsqu’elle désigne une personne comme prisonnier d’opinion, Amnistie internationale demande toujours que cette personne soit libérée immédiatement et sans condition, sans pour autant cautionner ses opinions ou sa conduite passées ou présentes.