Amériques. Les États doivent s’engager à mettre fin à la violence contre les défenseur·e·s de l’environnement
À quelques jours du début de la troisième réunion de la Conférence des parties (COP3) à l’Accord régional sur l’accès à l’information, la participation publique et l’accès à la justice à propos des questions environnementales en Amérique latine et dans les Caraïbes - plus connu sous le nom d’Accord d’Escazú -, qui se tiendra à Santiago du Chili du 22 au 24 avril, Amnistie internationale est préoccupée par l’absence flagrante de protection dont continuent à souffrir les personnes, les groupes et les organisations qui défendent les droits humains dans le domaine de l’environnement dans la région. Amnistie internationale exhorte les États d’Amérique latine et des Caraïbes qui n’ont pas encore adhéré au traité à le faire dans les plus brefs délais. Elle demande également aux États qui sont partie au traité de mettre à profit la réunion à venir pour renforcer leur engagement à remédier à la grave situation à laquelle sont confrontés les défenseur·e·s des droits humains.
« Les agressions contre les défenseur·e·s de l’environnement dans les Amériques sont incessantes et souvent meurtrières. Le fait que certains des pays les plus dangereux pour les défenseur·e·s de l’environnement n’adhèrent toujours pas à l’accord d’Escazú témoigne de la réticence de leurs gouvernements à combattre ces menaces. Il est urgent que les États d’Amérique latine et des Caraïbes s’engagent en faveur de ce traité régional », a déclaré Ana Piquer, directrice pour les Amériques à Amnistie internationale.
L’Accord d’Escazú est le premier traité contraignant en Amérique latine et dans les Caraïbes à inclure des dispositions spécifiques sur la protection des défenseur·e·s des droits humains dans le domaine de l’environnement. Bien que ce traité, soutenu par la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), soit entré en vigueur il y a trois ans, moins de la moitié des pays de la région l’ont ratifié. Parmi les États n’y adhérant pas encore figurent certains des plus meurtriers au monde pour les défenseur·e·s de l’environnement : le Brésil, la Colombie, le Guatemala, le Honduras et le Pérou. Les derniers pays à avoir adhéré à l’accord l’ont fait en juin 2023.
La Colombie, par exemple, se classe au premier rang mondial pour le nombre d’homicides de défenseur·e·s de la terre et de l’environnement. Des membres d’organisations telles que la Fédération des pêcheurs artisanaux, écologistes et touristiques du département de Santander (FEDEPESAN) ont été victimes d’agressions et de menaces de mort, dont la plus récente cette année. Le gouvernement colombien a reconnu que la défense des droits humains était une activité à haut risque et a adopté des mesures pour l’atténuer, notamment en adhérant à l’accord d’Escazú, mais ces mesures n’ont pas eu l’effet escompté. Le Brésil est le deuxième pays le plus meurtrier au monde pour les défenseur·e·s de l’environnement. En 2022, Bruno Pereira et Dom Philips ont disparu et ont été sauvagement tués dans l’État de l’Amazonas ; plus récemment, en 2023, Yalorixá Maria Bernadete Pacífico, dirigeante de la communauté Quilombola, a été assassinée dans sa communauté. Le gouvernement brésilien a mis en place un plan national pour la protection des défenseur·e·s des droits humains en 2007. Le Honduras est pour sa part le pays qui compte le plus grand nombre par habitant de défenseur·e·s de l’environnement et des droits à la terre ayant été assassinés. Par exemple, trois membres de la communauté de Guapinol ont été tués en 2023. Plusieurs organisations de défense des droits humains ont déclaré que le mécanisme national de protection des défenseur·e·s n’était pas efficace.
Les États parties à l’accord d’Escazú eux-mêmes continuent à éprouver des difficultés à protéger les défenseur·e·s de l’environnement. Cinq dirigeant·e·s de la communauté résidentielle Colonia Maya dans l’État du Chiapas, au Mexique, (Elizabeth del Carmen Suárez Díaz, Eustacio Hernández Vázquez, Lucero Aguilar Pérez, Martín López López et Miguel Ángel López Martínez) sont poursuivis pour avoir protesté pacifiquement contre un projet de développement résidentiel dans une zone montagneuse voisine en 2017. Amnistie internationale a recensé plusieurs cas dans lesquels des poursuites pénales ont été engagées contre des défenseur·e·s de l’environnement dans le but d’entraver le droit de manifester, et sans respecter les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité. Au Chili, le gouvernement de Gabriel Boric est arrivé au pouvoir avec un programme solide en matière de droits humains, notamment concernant la protection de l’environnement et de celles et ceux qui le défendent. S’il aurait été souhaitable que ce pays adopte un cadre juridique, l’annonce récente d’un protocole de protection pour les défenseur·e·s des droits humains est la bienvenue. Nous espérons que cet instrument sera efficace et conforme aux principes et normes de l’Accord d’Escazú.
Durant la COP3, les États parties à l’Accord d’Escazu prévoient d’adopter un plan d’action sur les défenseur·e·s des droits humains dans le domaine de l’environnement en Amérique latine et dans les Caraïbes.
« Le plan d’action peut constituer une étape importante dans la lutte contre les risques auxquels sont exposés les personnes, les groupes et les organisations qui défendent l’environnement dans la région. Il est essentiel que les États parties et la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes prennent toutes les mesures qui s’imposent pour réduire les graves menaces qui pèsent sur eux. Cela inclut notamment de mettre l’accent sur la nature collective de leur travail, et sur le fait que sa protection exige de prêter attention à cette dimension collective, en plus de la dimension individuelle. D’autres caractéristiques, parfois croisées, telles que le genre ou l’appartenance ethnique, ainsi que les causes profondes de la violence qui les touche, notamment de vastes intérêts économiques, doivent également être prises en compte. Enfin, il est impératif de prendre des mesures pour éliminer l’impunité généralisée, qui est une constante regrettable concernant les attaques visant les défenseur·e·s des droits humains », a déclaré Ana Piquer.