Afrique. Les pays riches doivent s’engager à payer lors de la COP29 alors que le changement climatique déplace des millions de personnes à travers l’Afrique
Alors que des millions de personnes ont déjà été déplacées par les catastrophes en Afrique liées au changement climatique, les pays riches qui portent la plus grande part de responsabilité pour le réchauffement de la planète doivent accepter, lors de la COP29, la conférence sur le climat qui se tiendra à Bakou, en Azerbaïdjan, de payer intégralement la note pour les pertes catastrophiques de logements et les dommages causés aux moyens de subsistance qui se produisent sur tout le continent, a déclaré Amnistie internationale. Ils doivent également financer totalement les mesures d’adaptation des gouvernements africains visant à empêcher de nouveaux déplacements forcés et à stopper les violations des droits humains, et aider ces gouvernements à abandonner graduellement, de façon équitable et rapide, la production et l’utilisation des combustibles fossiles.
Ces mêmes pays doivent ensuite pleinement respecter leurs engagements avec un plan de financement d’urgence du Fonds pour les pertes et préjudices qui constitue le principal fonds international affecté à la réparation des dommages inévitables liés au changement climatique. Jusqu’à présent, ces pays se sont engagés pour un montant inférieur à 700 millions de dollars des États-Unis sur les 400 milliards de dollars que les pays à faible revenu estiment nécessaires pour faire face aux pertes et dommages d’ici 2030. Or, les mesures d’adaptation pourraient coûter entre 30 et 50 milliards de dollars des États-Unis annuellement ne serait-ce que pour l’Afrique subsaharienne. Les institutions financières internationales doivent garantir une répartition équitable des fonds entre les pays africains en fonction de leurs besoins.
« Les Africaines et Africains sont ceux qui ont le moins contribué au changement climatique, mais en Somalie comme au Sénégal, au Tchad comme à Madagascar, nous supportons les terribles effets de cette urgence mondiale qui a chassé de chez elles des millions de personnes. Il est grand temps que les pays qui ont causé ce désastre payent afin que les gens en Afrique puissent s’adapter aux catastrophes dues au changement climatique », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnistie internationale.
Une crise mondiale, mais une catastrophe africaine
Les recherches menées par Amnistie internationale montrent que partout sur le continent africain, la sécheresse, les inondations, les tempêtes ou encore la chaleur déplacent des populations à l’intérieur des pays et par-delà les frontières, et provoquent des violations des droits humains, notamment en raison de la perte de logements, d’un accès perturbé à la nourriture, aux soins de santé et à l’éducation, et aussi des risques de violences fondées sur le genre et de décès.
Si les gouvernements africains sont responsables de la protection des droits humains dans cette crise, ils ne peuvent cependant pas correctement s’acquitter de cette tâche à moins que les pays riches ne leur procurent les fonds nécessaires.
En Somalie, plus d’un million de personnes ont été déplacées en raison d’une sécheresse persistante et d’inondations récurrentes qui ont anéanti des fermes, tué du bétail et détruit des habitations, et des populations déjà fragilisées par des décennies de guerre civile ont ainsi été contraintes de fuir et de s’installer dans des camps pour personnes déplacées ou de partir au Kenya ou en Éthiopie.
Dans des régions côtières du Sénégal, la montée du niveau de l’océan a détruit des villages entiers, ce qui a forcé des milliers de personnes à gagner l'intérieur des terres, où elles sont confrontées au chômage et au manque de logements, faute d’une aide adéquate.
Au Tchad, la montée des températures a poussé les populations pastorales à se déplacer vers les régions agricoles du sud du pays pour trouver des pâturages et de l’eau, ce qui a conduit à des affrontements meurtriers avec des cultivateurs en raison de l’absence de gestion efficace des conflits et de soutien pour ces deux groupes.
De nombreuses régions du continent souffrent de graves sécheresses, probablement exacerbées par le changement climatique. La sécheresse qui touche le sud de Madagascar depuis six ans a contraint plus de 56 000 Antandroy à quitter leurs terres ancestrales pour s’installer ailleurs, et ces personnes ont alors été confrontées à une multitude de violations des droits humains dans d’autres régions du pays. Les personnes qui restent sur place luttent pour avoir accès à la nourriture, à l’eau et à des soins de santé.
En Afrique australe, les graves sécheresses qui se sont succédé ont poussé des populations au bord du gouffre. En Angola, la faim a forcé des femmes et des enfants, majoritairement, à émigrer en Namibie pour pouvoir se nourrir, ce qui a accru les risques d’exploitation, de traite, de violence fondée sur le genre et de perturbation de la scolarité.
Or, en Namibie, la moitié de la population est elle-même en situation d’insécurité alimentaire et le gouvernement du pays a déclaré l’état d’urgence dû à la sécheresse, tout comme les gouvernements du Lesotho, du Malawi, de la Zambie et du Zimbabwe. Aucun de ces pays ne dispose des fonds nécessaires pour faire face à la sécheresse.
« Partout en Afrique, les pires effets du changement climatique se font déjà sentir. La sécheresse extrême, les inondations, les tempêtes et la chaleur détruisent des moyens de subsistance et des économies locales, et contraignent un nombre croissant de personnes à s’enfuir de chez elles. Dans tous les cas qu’Amnistie internationale a examinés de près, les gouvernements nationaux ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire face de manière adéquate à cette situation. Les pays qui ont causé ces catastrophes non naturelles qui se multiplient rapidement doivent régler l’addition afin d’y apporter une solution », a déclaré Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnistie internationale.
Un financement intégral et équitable
La mobilisation et l’apport des fonds nécessaires ne représentent que le premier pas dans la lutte contre les pires effets du changement climatique en Afrique. Le Fonds pour les pertes et dommages doit distribuer équitablement l’argent afin qu’il parvienne aux pays qui en ont le plus besoin, y compris avec un accès direct pour les populations africaines concernées.
De même, les institutions financières internationales et les pays prêteurs doivent accorder un allégement de la dette aux pays africains qui le demandent, afin de les aider à investir dans des mesures d’adaptation au climat permettant de protéger les droits humains. Ces dernières années, par exemple, le gouvernement éthiopien a dépensé trois fois plus d’argent pour rembourser la dette que pour s’adapter au changement climatique, et des pays comme le Congo et le Mozambique dépensent régulièrement beaucoup plus pour le service de la dette que pour faire face au changement climatique.
« Compte tenu de l’ampleur, en Afrique, des déplacements de populations et des violations des droits humains dus au climat, les demi-mesures et les belles paroles des pays riches qui ont provoqué cette crise ne suffisent pas. Mais les engagements qui devront être pris lors de la COP29 de payer la note intégralement et équitablement pour les pertes et les dommages ainsi que pour les mesures d’adaptation en Afrique ne représentent qu’un début. Les pays responsables du changement climatique, ainsi que les institutions financières internationales, devront concrétiser ces engagements et fournir les ressources nécessaires. L’Afrique ne peut plus attendre davantage », a souligné Tigere Chagutah.