Tunisie. Il faut annuler la condamnation prononcée par un tribunal militaire à l’encontre de la militante Chaima Issa
En réaction à la décision du tribunal militaire de première instance de Tunis le 13 décembre 2023 de déclarer coupable la figure de proue de l’opposition Chaima Issa des accusations d’incitation faite aux militaires de désobéir aux ordres, de propagation de rumeur et d’offense au chef de l’État et de la condamner à 12 mois de prison avec sursis, en rapport avec des propos qu’elle a tenu sur le rôle de l’armée dans les élections législatives de décembre 2022, Fida Hammami, chargée de recherche et de plaidoyer à Amnistie Internationale Tunisie, a déclaré :
« Chaima Issa est une écrivaine célèbre et une figure de l’opposition qui n’aurait pas dû être inculpée dès le départ, car elle n’a fait qu’exercer pacifiquement son droit à la liberté d’expression. Les autorités tunisiennes doivent annuler immédiatement cette condamnation odieuse prononcée par un tribunal militaire. Cette affaire a été portée par un gouvernement de plus en plus répressif qui ne recule devant rien pour faire taire les voix dissidentes.
« Chaima Issa, comme des dizaines de détracteurs qui sont harcelés judiciairement ou détenus arbitrairement depuis des mois, n’est coupable que d’une seule chose : avoir remis en cause les décisions d’un gouvernement qui, depuis le départ, se montre déterminé à ne pas tolérer la moindre forme de dissidence.
« Le fait que Chaima Issa ait été jugée par un tribunal militaire ne fait qu’ajouter aux graves injustices qu’elle subit, car les civil·e·s ne devraient jamais comparaître devant des juridictions militaires en vertu du droit international relatif aux droits humains. Depuis quelques années, sous la présidence de Kaïs Saïed, on note une forte hausse du nombre de procès militaires engagés contre des détracteurs et des opposant·e·s. »
COMPLÉMENT D’INFORMATION
Dans le cadre de sa campagne annuelle Écrire, ça libère 2023, Amnistie Internationale se mobilise pour que les autorités tunisiennes mettent fin à l’enquête infondée et aux restrictions visant Chaima Issa au motif qu’elle a exercé ses droits fondamentaux.
Chaima Issa a été reconnue coupable de diffusion de « fausses informations » au titre de l’article 24 du décret-loi 54, ainsi que d’« incitation [de militaires] à refuser d’obéir aux ordres » au titre de l’article 81 du Code de justice militaire et d’« offense contre le chef de l’État » au titre de l’article 67 du Code pénal.
En Tunisie, on note une hausse du nombre de civil·e·s poursuivis par les tribunaux militaires depuis l’arrivée au pouvoir du président Kaïs Saïed le 25 juillet 2021, alors que la situation des droits humains se détériore. Aux termes du droit international relatif aux droits humains, la compétence des tribunaux militaires est limitée uniquement aux procès de militaires poursuivis pour des infractions disciplinaires.
En parallèle du procès militaire, Chaima Issa et des dizaines de militant·e·s politiques et de leaders de l’opposition, dont certains se trouvent en détention provisoire depuis février 2022, sont inculpés d’accusations forgées de toutes pièces devant des juridictions civiles en représailles de leurs activités politiques et de l’expression d’opinions dissidentes. Chaima Issa a été arrêtée le 22 février 2023 puis libérée provisoirement le 13 juillet 2023 après quatre mois de détention arbitraire, mais elle demeure inculpée et est toujours sous le coup d’une interdiction de voyager et « d’apparaître en public ».