Russie. Tatiana Kotlyar, qui défend les droits des migrant·e·s, a été déclarée coupable uniquement en raison de son travail en faveur des droits humains
En réaction aux informations selon lesquelles la défenseure des droits des personnes migrantes Tatiana Kotlyar a été déclarée coupable et condamnée à une amende de 650 000 roubles (6 840 euros), Natalia Zviaguina, directrice du bureau de Moscou d’Amnesty International, a déclaré :
« Tatiana Kotlyar est sanctionnée pour avoir aidé des centaines de personnes, dont des personnes migrantes et réfugiées, en les domiciliant généreusement chez elle. Au titre de la législation russe, il faut avoir une adresse officielle pour avoir accès aux services sociaux, inscrire ses enfants à l’école ou obtenir un emploi. Cette exigence légale perpétue la marginalisation des populations les plus à risque, notamment les personnes sans domicile et en mouvement. Au lieu de résoudre ce problème, les autorités préfèrent sanctionner des défenseur·e·s des droits humains comme Tatiana Kotlyar.
« Les poursuites pénales intentées contre elle constituent un nouveau coup porté à la fragile société civile russe. Les autorités doivent annuler cette condamnation, résoudre les problèmes d’enregistrement rencontrés par les personnes marginalisées et mettre fin à la campagne de harcèlement et d’intimidation visant ceux qui défendent les plus vulnérables et les plus fragiles au sein de la société russe. »
Complément d’information
Tatiana Kotlyar, 72 ans, dirige le mouvement Pour les droits humains à Obninsk, en Russie centrale. Le 28 juin, un tribunal de première instance d’Obninsk l’a déclarée coupable d’enregistrement fictif de personnes à son domicile (article 322.2 du Code pénal) et l’a condamnée à une amende de 650 000 roubles (6 840 euros).
Aux termes de la législation russe, chaque personne dispose d’un délai de sept jours pour s’enregistrer auprès des services russes de l’immigration à son adresse provisoire et d’un délai de 90 jours pour s’enregistrer à son lieu de résidence permanent ou à long terme. Les personnes qui ne le font pas commettent une infraction administrative passible d’une amende. En outre, elles n’ont pas accès aux soins de santé, à l’éducation et autres services, et ne peuvent pas être embauchées légalement. Le fait de s’enregistrer implique certaines garanties juridiques, notamment le droit de résider à l’adresse concernée, et engendre certaines obligations financières pour les propriétaires, ce qui a pour effet de décourager l’enregistrement dans les cas de locations non déclarées – une pratique très courante.
Ces dernières années, les actions de Tatiana Kotlyar pour aider les personnes non enregistrées, dont des personnes migrantes et réfugiées, ou ayant perdu leur logement et d’anciens détenus, lui ont valu plusieurs sanctions. En avril 2022, elle a été condamnée à une amende de 340 000 roubles (3 580 euros) pour avoir domicilié à son appartement des ressortissants originaires d’Azerbaïdjan, d’Arménie, du Kazakhstan et d’Ukraine.
La Cour européenne des droits de l’homme a reconnu le caractère inique des poursuites intentées contre elle et lui a accordé une indemnisation de 6 000 euros en juillet 2022. Cependant, les autorités n’ont pas appliqué ce jugement car la Russie, qui n’est plus membre du Conseil de l’Europe, ne reconnaît pas la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme.