Myanmar. Il est temps que Meta indemnise les Rohingyas pour son rôle dans le nettoyage ethnique
Meta doit immédiatement accorder des réparations aux Rohingyas pour le rôle que Facebook a joué dans le nettoyage ethnique de cette minorité persécutée, a déclaré Amnistie internationale vendredi 25 août, à l’occasion du sixième anniversaire de l’opération brutale menée par l’armée du Myanmar, au cours de laquelle des soldats ont violé des femmes et des jeunes filles rohingyas, réduit en cendres des villages entiers et tué des milliers de personnes.
Les algorithmes de Facebook et la poursuite impitoyable du profit par Meta ont créé une caisse de résonance qui a contribué à attiser la haine envers les Rohingyas et à créer les conditions qui ont poussé ce groupe ethnique à fuir massivement le Myanmar.
« Six années se sont écoulées depuis que Meta a contribué aux terribles atrocités perpétrées contre les Rohingyas. Pourtant, bien qu’il s’agisse de l’un des exemples les plus flagrants de l’implication d’une entreprise de réseaux sociaux dans une crise des droits humains, les Rohingyas attendent toujours des réparations de la part de Meta », a déclaré Pat de Brún, responsable du programme d’Amnistie internationale consacré à l’obligation de rendre des comptes pour les géants technologiques.
« Nos enquêtes ont clairement montré que les dangereux algorithmes de Facebook, qui sont conçus pour favoriser l’"engagement" et les profits à tout prix, ont activement attisé les flammes de la haine et contribué à la violence de masse ainsi qu’au déplacement forcé de plus de la moitié de la population rohingya du Myanmar vers le Bangladesh voisin.
« Il est grand temps que Meta assume ses responsabilités, en accordant des réparations aux Rohingyas et en modifiant son modèle d’entreprise afin que cela ne se reproduise plus. »
Incidemment, le 25 août marque également une étape importante dans la responsabilisation des grandes entreprises technologiques en matière de droits humains, puisque c’est à cette date que les principales dispositions de la loi sur les services numériques entrent en vigueur pour les grandes plateformes en ligne dans l’Union européenne. La loi sur les services numériques est un texte historique qui vise à renforcer les droits à l’ère numérique et qui pourrait avoir des répercussions bien au-delà de l’Union européenne.
Un appel personnel à Meta et Mark Zuckerberg
À l’occasion de cet anniversaire, Amnistie internationale et Al Jazeera publient le témoignage bouleversant de Maung Sawyeddollah, un réfugié rohingya qui a été contraint de quitter son village au Myanmar alors qu’il n’était qu’un adolescent. Il a traversé des villages incendiés et des champs jonchés de corps sans vie, et se trouve aujourd’hui dans le plus grand camp de réfugié·e·s du monde, Cox’s Bazar, au Bangladesh, avec environ un million des siens.
Lorsqu’il était enfant, avant que la haine ne prenne racine avec l’aide de Facebook, lui et ses amis rohingyas, majoritairement musulmans, s’amusaient avec les enfants rakhines, majoritairement bouddhistes, du village voisin, mais tout cela a changé lorsque les soldats sont arrivés.
« J’aimerais rencontrer Mark Zuckerberg et son équipe. Peut-être qu’ils accepteraient de venir passer une nuit ou deux dans le camp de réfugiés ? », écrit Sawyedollah. « Je leur dirais : "Ne voyez-vous pas le rôle que vous jouez dans nos souffrances ? Nous vous avons demandé, à plusieurs reprises, d’essayer d’améliorer les choses pour nous [...] Pourtant, vous ignorez nos requêtes. Dites-moi, ressentez-vous quelque chose pour nous ? Est-ce qu'il n'y a que les données, que les dollars qui comptent ?" »
Complément d’information
L’année dernière, Amnistie internationale a publié un rapport expliquant en détail le rôle joué par Meta dans les atrocités commises contre les Rohingyas par l’armée du Myanmar en 2017. Ce rapport révélait que même les études internes de Facebook datant de 2012 indiquaient que Meta savait que ses algorithmes pouvaient entraîner de graves préjudices dans le monde réel. En 2016, les propres recherches de Meta l’ont amenée à reconnaître clairement que « [ses] systèmes de recommandation ont accru le problème » de l’extrémisme.
À compter du mois d’août 2017, les forces de sécurité du Myanmar ont mené une campagne brutale de nettoyage ethnique à l’encontre des musulman·e·s rohingyas dans l’État d'Arakan. Elles ont illégalement tué des milliers de Rohingyas, y compris des enfants en bas âge, commis des viols et d’autres violences sexuelles sur des femmes et filles rohingyas, torturé des hommes et des garçons sur des lieux de détention, et brûlé des centaines de villages rohingyas. Ces violences ont poussé plus de 700 000 Rohingyas, soit plus de la moitié de la population rohingya vivant dans le nord de l’État d’Arakan au début de la crise, à fuir au Bangladesh voisin.
Meta a contribué aux graves atteintes aux droits fondamentaux des Rohingyas commises dans le contexte des atrocités perpétrées en 2017 dans l’État d’Arakan, et a donc la responsabilité, en vertu des normes internationales en matière de droits humains, de proposer un recours effectif à cette communauté. Cela inclut d’apporter à son modèle d’entreprise les changements qui s’imposent pour que cela ne se reproduise plus jamais. Toutes les entreprises ont la responsabilité de respecter tous les droits humains, où qu’elles opèrent dans le monde et dans le cadre de l’ensemble de leurs activités. Il s’agit d’une norme de conduite générale largement reconnue et inscrite dans les normes internationales relatives à la responsabilité des entreprises en matière de droits humains, notamment dans les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations unies (Principes directeurs de l’ONU) et dans les Principes directeurs à l'intention des entreprises multinationales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (Principes directeurs de l’OCDE).
Cliquez ici pour lire l’histoire de Maung Sawyeddollah et d’autres contenus connexes sur amnesty.org, notamment une analyse de Pat de Brún, responsable du programme d’Amnistie internationale consacré à l’obligation de rendre des comptes pour les géants technologiques.