Le gouvernement doit révéler où se trouve un étudiant ouïghour arrêté à l’aéroport
Les autorités de Hong Kong doivent révéler quel sort a été réservé à un étudiant ouïghour porté disparu depuis son arrivée dans la ville, en provenance de Corée du Sud, au début du mois. Il est à craindre qu'il n'ait été extradé illégalement vers la Chine continentale, en dehors de toute procédure régulière, et qu'il ne soit soumis à une détention arbitraire et à des actes de torture, a déclaré Amnistie internationale vendredi 26 mai.
Abuduwaili Abudureheman n'a pas donné de nouvelles depuis qu'il a envoyé un SMS à un ami le 10 mai. Dans ce message, Abuduwaili Abudureheman a déclaré qu'il était en train d’être interrogé par la police chinoise après son arrivée à l'aéroport de Hong Kong.
« Le fait que l’on ignore ce qui est arrivé à Abuduwaili Abudureheman est très préoccupant, compte tenu des crimes contre l'humanité commis contre les Ouïghour·e·s par le gouvernement chinois dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, et de la manière dont des Ouïghour·e·s s’étant rendus à l'étranger sont constamment poursuivis », a déclaré Alkan Akad, spécialiste de la Chine à Amnistie internationale.
« Abuduwaili Abudureheman semble avoir été arrêté dès son arrivée et interrogé, ce qui soulève des questions quant à la complicité potentielle du gouvernement de Hong Kong dans les violations des droits humains commises par le gouvernement chinois contre les Ouïghour·e·s.
Abuduwaili Abudureheman est né dans la ville de Karamay, au Xinjiang, dans l'ouest de la Chine. Il a passé les sept dernières années à étudier à Séoul, où il a obtenu un doctorat en industrie et loisirs sportifs en 2022. Son ami l'a décrit comme un étudiant à la voix douce, travailleur et dont le hobby préféré est de jouer au football.
Le 10 mai 2023, Abuduwaili Abudureheman a pris un vol pour Hong Kong afin de rendre visite à un ami, mais il manque à l’appel depuis le message qu'il a envoyé ce soir-là, qui indiquait qu'il était questionné par la police chinoise à l'aéroport. L’ami en question a rendu la disparition d'Abuduwaili publique, car il s’inquiétait de plus en plus pour sa sécurité.
Amnistie internationale croit savoir qu'Abuduwaili Abudureheman figurait sur une « liste de surveillance » du gouvernement chinois composée de Ouïghour·e·s et d'autres musulman·e·s de la région du Xinjiang, parce qu'il se rendait régulièrement à l'étranger. Amnistie internationale a recueilli des informations sur de nombreux cas où le gouvernement chinois a pris pour cible des Ouïghour·e·s, tant dans leur pays qu'à l'étranger, en les plaçant en détention arbitraire au secret, en les emprisonnant longuement et en les torturant, au seul motif qu'ils avaient voyagé en dehors de la Chine.
Les autorités chinoises pourchassent et menacent de plus en plus souvent des victimes en dehors des frontières de la Chine, afin de réduire l’opposition au silence ou même de rapatrier ces personnes de force. Dans certains cas, les autorités chinoises ont demandé à d'autres gouvernements d’arrêter des Ouïghour·e·s, des Kazakh·e·s et d'autres musulman·e·s chinois en vue de les renvoyer en Chine. Une telle extradition est contraire à la Convention des Nations unies contre la torture et au droit international si la personne risque réellement d'être victime de torture ou d'autres violations graves des droits humains.
« Les autorités de Hong Kong doivent révéler de toute urgence où se trouve Abuduwaili Abudureheman, qui n'a pas pris contact avec ses proches depuis plus de deux semaines et qui risque fort d'être torturé en raison de son appartenance ethnique et de sa religion. S'il est détenu, il doit avoir accès à un avocat et à sa famille, et être protégé contre tout mauvais traitement », a déclaré Alkan Akad.
« Abuduwaili Abudureheman doit être immédiatement libéré, à moins que n’existent des preuves suffisantes et concrètes attestant une infraction reconnue par le droit international. »
Depuis 2017, de nombreuses informations ont été recueillies sur la répression qu’exerce la Chine contre les Ouïghour·e·s, les Kazakh·e·s et les autres minorités ethniques à majorité musulmane dans le Xinjiang, sous couvert de lutte contre le terrorisme. En 2021, Amnistie internationale a publié un rapport approfondi montrant que l’emprisonnement, la torture et les persécutions systématiques et de masse organisés par l’État chinois s’apparentaient à des crimes contre l’humanité. Un grand nombre des conclusions d’Amnistie internationale ont été confirmées par un rapport du Haut-Commissariat aux droits humains des Nations unies en août 2022.
La campagne d’Amnistie internationale Libérez les détenus du Xinjiang a, à ce jour, dressé le profil de plus de 126 hommes et femmes qui font partie des personnes se trouvant en détention arbitraire dans des camps d’internement et des prisons dans le Xinjiang, et dont le nombre s’élève peut-être à un million.
La Chine a retrouvé sa souveraineté sur Hong Kong le 1er juillet 1997, mais le modèle « un pays, deux systèmes » reste en place. La Région administrative spéciale de Hong Kong exerce son propre contrôle en matière d’immigration. En 2019, la cheffe de l’exécutif de l’époque avait proposé un projet de modification de la loi qui habiliterait Hong Kong à établir avec la Chine continentale des « accords spéciaux de remise » de personnes recherchées. Cette proposition a été abandonnée après une vague sans précédent de manifestations de masse dans la ville.