• 5 Mar 2023
  • Géorgie
  • Communiqué de presse

Géorgie. Les autorités doivent réexaminer la demande de libération pour raisons médicales de Mikheil Saakachvili

Les autorités géorgiennes privent l’ancien président Mikheil Saakachvili de soins médicaux adaptés, ce qui l’expose à un risque élevé de décès, d’incapacité permanente ou d’autres dommages irréversibles pour sa santé, ont déclaré Amnistie Internationale et Human Rights Watch jeudi 2 mars. Elles n’ont pas encore répondu aux préoccupations exprimées par les deux organisations dans une lettre commune adressée au ministère de la Justice de la Géorgie le 10 février 2023.

« Le fait de refuser des soins médicaux adaptés à Mikheil Saakachvili peut s’apparenter à une forme de torture ou d’autre traitement cruel, inhumain ou dégradant et met sa vie en grand danger, a déclaré Denis Krivosheev, directeur adjoint pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale à Amnistie Internationale.

« Les morts en détention résultant d’un refus délibéré de prodiguer des soins de santé constituent une privation arbitraire de la vie, qui est une violation grave du droit international relatif aux droits humains. Les autorités géorgiennes doivent agir de toute urgence pour protéger la santé de Mikheil Saakachvili, y compris en envisageant sa libération pour raisons médicales. »

Deux équipes médicales indépendantes ont conclu que Mikheil Saakachvili avait développé un certain nombre de graves affections au cours de sa détention ces 16 derniers mois. D’une part, selon un groupe d’experts médicolégaux, il souffre de problèmes psychologiques, neurologiques, orthopédiques et gastrointestinaux mettant sa vie en danger et nécessitant des soins médicaux qui ne sont pas disponibles en Géorgie. D’autre part, les experts médicaux indépendants envoyés par le médiateur public qui ont rendu visite à Mikheil Saakachvili le 19 février ont constaté que son état de santé s’était encore aggravé depuis leur précédent passage, en décembre 2022, et que certains de ses organes allaient bientôt subir des dommages irréversibles.

Le droit géorgien prévoit que les tribunaux accordent une libération aux personnes détenues gravement malades, mais ces demandes sont souvent rejetées. Le 6 février, un tribunal de Tbilissi a refusé d’accéder à la requête déposée en décembre en vue de différer ou de suspendre la peine de Mikheil Saakachvili pour raisons médicales. Ses avocats ont fait appel de ce jugement.

Les décisions relatives au besoin d’assurer des soins médicaux continus ou une observation permanente en dehors de la prison ou de libérer des personnes pour des raisons de nécessité médicale doivent être prises par les professionnel·le·s de santé concernés et ne peuvent pas être rejetées ou ignorées par les autorités non médicales. La législation géorgienne devrait autoriser les professionnel·le·s de la santé à évaluer les besoins de leurs patient·e·s en prison et permettre à ces derniers d’être transférés vers des structures adaptées ou libérées pour raisons médicales lorsque cela est nécessaire.

« Une peine d’emprisonnement ne doit pas devenir une condamnation à mort, lorsque des pathologies pouvant être soignées deviennent fatales, a déclaré Hugh Williamson, directeur de Human Rights Watch pour l’Europe et l’Asie centrale.

« Les autorités géorgiennes doivent humaniser cet aspect de la justice pénale du pays et la mettre en conformité avec les normes internationales. Elles doivent commencer par apporter des solutions qui garantissent une prise en charge rapide et qui, en cas de nécessité, prévoient la remise en liberté de toute personne dont l’état de santé est jugé incompatible avec la détention. »

Complément d’information

Mikheil Saakachvili, qui a été président de la Géorgie entre 2004 et 2013, purge une peine de six ans d’emprisonnement dans deux affaires d’abus de pouvoir liées à l’agression de Valeri Guelachvili, un responsable politique de l’opposition, par des membres des forces spéciales de police en 2005.

Il a été jugé et condamné par contumace en 2018. Les jugements par contumace bafouent les normes internationales en matière d’équité. Il a été arrêté à son retour en Géorgie le 1er octobre 2021 et fait encore l’objet d’accusations supplémentaires d’abus de pouvoir. Ses sympathisant·e·s estiment que les charges retenues contre lui sont motivées par des considérations politiques.

L’état de santé de Mikheil Saakachvili s’est rapidement dégradé en détention. Il a perdu plus de 50 kilos et a développé de graves problèmes psychologiques, orthopédiques et gastrointestinaux. Selon le compte-rendu médicolégal publié le 1er décembre, il a besoin de soins urgents qu’il ne peut pas recevoir en Géorgie. Le 6 décembre, un autre rapport rendu par un groupe d’experts médicaux désignés par le médiateur public de la Géorgie a confirmé que ses problèmes de santé étaient « graves » et nécessitaient une modification urgente de sa « prise en charge inefficace ».

Les autorités géorgiennes prétendent que l’état de santé de Mikheil Saakachvili s’est détérioré du fait des « atteintes à sa propre intégrité corporelle » causées par plusieurs grèves de la faim. Elles affirment qu’il reçoit des soins médicaux adaptés à la clinique privée Vivamedi de Tbilissi.