Il faut lever l’interdiction arbitraire de voyager imposée au chercheur Ahmed Samir Santawy
Les autorités égyptiennes ont imposé de manière arbitraire une interdiction de voyager à Ahmed Samir Santawy, ancien prisonnier d’opinion et chercheur, actuellement en maîtrise à l’université à Vienne, a déclaré Amnistie internationale le 3 juin 2023. Ahmed Samir Santawy a tenté de quitter l’aéroport international du Caire ce matin, mais des agents des services de l’immigration l’ont empêché de se rendre en Autriche sans présenter aucune justification ni décision judiciaire.
« Malgré les discours en faveur de réformes avec le lancement tant attendu du Dialogue national au mois de mai, il s’agit là d’un nouvel exemple choquant des agissements répressifs des autorités égyptiennes visant à réduire au silence et contrôler les voix critiques et à punir quiconque défend les droits humains. Les interdictions de quitter le pays arbitraires et sans limitation de durée ont un impact préjudiciable sur la vie personnelle et professionnelle des militant·e·s. Elles ont pour but de contrôler les voix indépendantes et de rompre leurs liens avec le monde extérieur, mais également de susciter la peur et de faire passer un message sinistre selon lequel l’opposition ne sera pas tolérée, a déclaré Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
« Les autorités égyptiennes doivent immédiatement révoquer l’ensemble des interdictions arbitraires de voyager visant des défenseur·e·s des droits humains, des membres de la société civile, des opposant·e·s politiques et les personnes uniquement prises pour cibles pour avoir exercé leurs droits fondamentaux de manière pourtant pacifique. Outre qu’elles portent atteinte au droit de chaque personne de quitter son propre pays, ces interdictions menacent divers autres droits, notamment les droits à l’éducation, à la vie de famille, à la santé, à la liberté d’expression et d’association. La communauté internationale doit faire pression sur les autorités égyptiennes afin de les inciter à mettre un terme à cette pratique punitive et à respecter les droits à la liberté d’expression et de mouvement. »
Ahmed Samir Santawy a déclaré à Amnistie internationale :
« Cela fait 10 mois que j’ai été libéré de prison à la faveur d’une grâce présidentielle, mais je ne me sens toujours pas tout à fait libre. Ma vie est en suspens. Cette interdiction de voyager me prive de mon droit fondamental de me déplacer librement, après que j’ai été injustement incarcéré pendant 18 mois, et perturbe aussi grandement ma vie. Je ne suis pas en mesure de poursuivre ma carrière universitaire et je suis loin de ma compagne qui vit en Belgique. Je ne suis pas autorisé à faire des projets pour mon avenir, parce que j’ignore s’ils me laisseront me rendre à l’étranger pour entamer un doctorat par exemple. »
Complément d’information
Ahmed Samir Santawy est chercheur et étudie l’anthropologie à l’université d’Europe centrale à Vienne, en Autriche. Ses recherches portent principalement sur les droits des femmes, et particulièrement sur les droits en matière de procréation. Arrêté le 1er février 2021, il a par la suite été déclaré coupable de diffusion de « fausses informations », et condamné à quatre ans de prison à l’issue d’un procès inique. Sa déclaration de culpabilité s’appuyait uniquement sur des publications critiquant sur les réseaux sociaux les violations des droits humains en Égypte et la mauvaise gestion par l’État de la pandémie de COVID-19. À la suite d’une mobilisation mondiale, il a été remis en liberté le 30 juillet 2022 à la faveur d’une grâce présidentielle.
Des responsables de l’aéroport international du Caire avaient précédemment interdit de manière arbitraire à Ahmed Samir Santawy de se rendre en Autriche pour y reprendre ses études le 27 août 2022, invoquant des « instructions provenant de services de sécurité ».
Au moins 18 défenseur·e·s et membres du personnel d’ONG sont visés par une interdiction de se rendre à l’étranger, pour certains pendant plus de six ans. Ils incluent des responsables et des membres du personnel d’organisations telles que le Centre al Nadeem pour la réadaptation des victimes de torture, l’Initiative égyptienne pour les droits de la personne, l’Institut du Caire pour les études des droits humains, et le Réseau arabe pour l’information sur les droits humains, qui a depuis lors cessé ses activités. Les forces de sécurité sont dotées de larges pouvoirs discrétionnaires leur permettant d’interdire à des personnes de se déplacer sans avoir à leur présenter d’ordonnance judiciaire ni respecter la moindre garantie prévue par la loi. La plupart des personnes visées par une telle interdiction ne sont même pas informées de la moindre restriction, et n’en prennent connaissance que lorsqu’elles tentent d’embarquer sur un vol international.