• 4 avr 2023
  • Canada
  • Communiqué de presse

L’élargissement de l’ETPS viole le droit à l’asile

Les organismes communautaires en deuil pour les droits des réfugiés au Canada

Montréal, le 4 avril 2023. À l’occasion de la Journée des droits des réfugiés, des groupes communautaires travaillant avec les demandeu·rs·ses d’asile et des organismes de défense des droits de la personne unissent leurs voix pour dénoncer l’élargissement de l’Entente sur les tiers pays sûrs (l’ETPS). Aujourd’hui à midi, nous nous rassemblerons devant les bureaux de circonscription du Premier ministre Justin Trudeau (1100, Crémazie Est, Montréal) pour faire le deuil des droits et des vies des réfugié·e·s. Les organismes expérimentés et multidisciplinaires de notre coalition témoignent de l’impact catastrophique de cette politique sur les vies humaines et sur le bilan du Canada en matière de droits de la personne.

Les frontières fermées sont des frontières mortelles. Nous déplorons les décès récents de huit personnes migrantes cherchant à traverser la frontière à Akwesasne, dont deux enfants canadiens. Même si les motivations de ces familles sont inconnues, nous savons qu’un climat de peur et de criminalisation autour des frontières pousse les personnes en quête de sécurité à emprunter des routes dangereuses. « Certaines personnes tenteront de traverser par leurs propres moyens ou s’en remettront à des passeurs qui ne demandent qu’à exploiter la situation. Certains mourront d’hypothermie, se noieront ou perdront des doigts à cause des engelures », déplore le collectif Créons des ponts.

La légalité de l’ETPS en droit canadien est contestée. Nous décrions que le gouvernement du Canada ait élargi l’ETPS avant même que la Cour suprême n’ait rendu sa décision sur la constitutionnalité de cette entente. À deux reprises, la Cour fédérale a déclaré que l’ETPS violait les droits garantis aux demandeu·rs·ses d’asile en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ; à deux reprises, la Cour d’appel fédérale a annulé la décision pour des raisons techniques. La Cour suprême a entendu la cause menée par le Conseil canadien pour les réfugiés, Amnistie internationale et le Conseil canadien des églises l’automne dernier et sa décision est attendue dans les prochains mois.

Le Canada a des obligations internationales envers les personnes en quête de protection. En tant que signataire de la Convention relative au statut des réfugiés de l’ONU, le Canada a l’obligation d’offrir une protection aux demandeur·es·ses d’asile qui en font la demande à la frontière, que leur entrée se fasse par des voies régulières ou non. L’ETPS repose sur le principe que les États-Unis sont un pays sûr pour les réfugié·e·s ; cependant, des expert·e·s juridiques et des organismes de droits de la personne constatent que les États-Unis ne sont pas un pays sûr pour les demandeu·rs·ses d’asile, qui sont exposé·e·s à une forte probabilité de refoulement (renvoi de force) vers leur pays d’origine et de détention arbitraires dans de mauvaises conditions.

« Repousser les personnes demandeuses d’asile en quête de protection vers les États-Unis représente un refus du Canada d'assumer ses obligations internationales en matière du droit d'asile et contraire à sa propre Charte des droits de la personne », selon France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone.

Cette politique a été annoncée moins de 24 heures avant sa mise en œuvre, sans lignes directrices. Aucun·e expert·e ou travailleu·r·se de première ligne n’a été consulté·e, et aucune explication des implications juridiques et procédurales de cette politique n’a été fournie. « C’est aberrant qu’une politique qui aura un impact aussi désastreux sur la vie des personnes migrantes ne soit pas communiquée publiquement à l’avance, sans aucune considération pour les personnes déjà en route vers le Canada », explique Eva Gracia-Turgeon de Foyer du Monde.

Notre capacité d’accueil est un choix. Cette coalition applaudit la réinstallation efficace de plus de 170 000 personnes ukrainiennes et à la réinstallation prochaine de 600 000 autres. Pourquoi la capacité d’accueil est-elle soudainement devenue un obstacle pour les 40 000 demandeurs d’asile que nous avons reçus au chemin Roxham l’année dernière, sachant que, selon les statistiques, la majorité obtiendra le statut de réfugié ? « On a la capacité d’accueil qu’on veut bien se donner », rappelle Stephan Reichhold, directeur de la TCRI.

Les signataires ci-dessous demandent au gouvernement fédéral de se retirer de l’ETPS et de permettre aux demandeu·rs·ses d’asile de chercher une protection à nos frontières, de manière sûre, ordonnée et digne.

 

Signé par : Action Réfugiés Montréal, Amnistie Internationale Canada francophone, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration (AQAADI), Centre communautaire LGBTQ+ de Montréal, Créons des ponts // Bridges Not Borders, Clinique pour la justice migrante, Collectif Bienvenue // Welcome Collective, Foyer du Monde, Le Pont, Ligue des droits et libertés, Mission communautaire de Montréal, Mouvement contre le viol et l’inceste, The Refugee Centre, Service jésuite des réfugiés Canada, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI).

À propos des signataires : Nous sommes un groupe diversifié d’organisations communautaires et de droits humains, et d’experts juridiques qui travaillent directement avec les demandeu·rs·ses d’asile qui arrivent au Québec ou qui œuvrent à défendre les droits de cette population. Cette coalition s’est formée en réponse à l’annonce inattendue et abrupte du 24 mars, élargissant l’ETPS et éliminant la possibilité pour la grande majorité de personnes de demander une protection aux frontières terrestres et maritimes du Canada.