• 24 juin 2023
  • Autorité palestinienne
  • Communiqué de presse

Deux ans après le meurtre de Nizar Banat, justice n’a toujours pas été rendue

Deux ans après la mort du dissident palestinien Nizar Banat alors qu’il se trouvait aux mains des forces de sécurité palestiniennes, les autorités palestiniennes n’ont pas enquêté dûment sur sa mort ni amené les responsables présumés à rendre des comptes, a déclaré Amnistie internationale le 24 juin 2023. Le procès en cours de 14 agents des forces de sécurité inculpés en lien avec son arrestation tourne en dérision l’impartialité et l’équité, la prochaine audience devant se dérouler le 26 juin devant un tribunal militaire de Ramallah.

Nizar Banat était un militant de premier plan qui dénonçait haut et fort, entre autres, la corruption des autorités palestiniennes en Cisjordanie occupée. Le 24 juin 2021, une unité conjointe composée de forces des services de sécurité préventive et des services des renseignements généraux palestiniens a fait irruption dans la maison où il se trouvait, l’a frappé à coups de matraque et emmené à bord d’un véhicule militaire. Nizar Banat est mort environ une heure plus tard pendant son transfert à l’hôpital.

« Il y a deux ans, Nizar Banat a été arrêté et frappé à mort pendant sa détention aux mains des forces de sécurité palestiniennes. Depuis, les responsables de son arrestation et de son agression n’ont pas été amenés à rendre des comptes, a déclaré Heba Morayef, directrice du programme régional Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnistie internationale.

« Les reports répétés et injustifiés, l’absence d’investigations sur les officiers et la campagne d’intimidation et de harcèlement visant actuellement les membres de sa famille : tous ces éléments suggèrent un complot orchestré par les autorités palestiniennes pour dissimuler ce crime et éviter d’avoir à rendre des comptes. »

Les autorités palestiniennes ont inculpé 14 agents de rang subalterne pour sa mort mais n’ont pas interrogé leur hiérarchie ni mené d’investigations sur aucun officier. Le procès de ces agents se tient devant des tribunaux militaires, dont on sait qu’ils manquent par nature d’impartialité et d’indépendance. Aux termes des normes internationales relatives aux droits humains, le champ de compétence de ces tribunaux doit se limiter aux infractions militaires perpétrées par les personnels militaires. Afin de garantir transparence et impartialité de la procédure, il convient de renvoyer d’urgence le dossier de Nizar Banat devant un tribunal civil.

La famille de Nizar Banat est harcelée parce qu’elle réclame justice

La famille de Nizar Banat est en butte au harcèlement, à titre de représailles parce qu’elle continue de réclamer justice. Plusieurs d’entre eux, qui s’expriment ouvertement, ont été détenus arbitrairement à plusieurs reprises pour des motifs fallacieux ou ont été licenciés arbitrairement de leur emploi au sein du gouvernement.

D’autres ont déclaré à Amnistie internationale que les demandes de documents habituels auprès de bureaux du gouvernement sont retardées sans raison pendant des mois. Depuis qu’il a témoigné devant le tribunal, l’un des cousins de Nizar Banat a été arrêté à six reprises pour de fausses accusations ; il a passé à chaque fois entre quatre et 28 jours en détention.

« Les autorités palestiniennes sont légalement tenues de garantir la pleine protection de tous les témoins et victimes, y compris de la famille de Nizar Banat. En s’abstenant d’enquêter efficacement sur les plaintes pour torture, elles démontrent que leurs promesses de faire respecter les droits humains et l’état de droit restent vides de sens », a déclaré Heba Morayef.

En tant qu’État partie à des traités internationaux majeurs relatifs aux droits humains, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et son Protocole facultatif, l’État de Palestine est juridiquement tenu de mener dans les meilleurs délais une enquête impartiale et indépendante sur l’arrestation et l’homicide de Nizar Banat.

« Toutes les personnes raisonnablement soupçonnées d’être responsables de cet homicide illégal doivent faire l’objet d’investigations impartiales et indépendantes, y compris celles qui ont ordonné son arrestation. Elles doivent être jugées dans le cadre de procès équitables, devant des tribunaux civils, en excluant le recours à la peine de mort. Il est temps de mettre un terme à l’impunité », a déclaré Heba Morayef.

Complément d’information

Il y a deux ans, la mort en détention de Nizar Banat a déclenché des manifestations dans toute la Cisjordanie, auxquelles les forces de sécurité palestiniennes ont répondu par une force excessive. Ces manifestations dénonçaient également les violations plus générales et systémiques des droits humains commises par les autorités palestiniennes, telles que les arrestations et détentions arbitraires, la torture généralisée dans les centres de détention en Cisjordanie, l’absence d’enquête sur les plaintes pour torture, le harcèlement des détenu·e·s pour les empêcher de signaler actes de torture et mauvais traitements. L’impunité dont jouissent les membres des services de sécurité et de renseignement, ainsi que la passivité de la communauté internationale, favorisent ces violations.

Les récentes arrestations de militant·e·s étudiants et de dissident·e·s, ainsi que les récits de torture qu’ils ont transmis à Amnistie internationale, démontrent que le cas de Nizar Banat ne peut être considéré comme un cas isolé, mais s’inscrit dans une politique plus générale de violations des droits humains mise en place par les autorités palestiniennes pour faire taire les opinions dissidentes et les critiques.