• 10 déc 2023
  • Afghanistan
  • Communiqué de presse

Afghanistan. La justice de la CPI doit répondre aux demandes des victimes

La Cour pénale international (CPI) doit accorder la priorité au processus de justice, et l’accélérer, pour les victimes de crimes commis par les talibans en Afghanistan, ainsi que par d’autres acteurs avant leur prise de pouvoir en 2021, a déclaré Amnistie internationale le 6 décembre 2023, à l’occasion de la conférence annuelle de l’Assemblée des États parties de la CPI, qui se déroule cette année à New York du 4 au 14 décembre.

Amnistie internationale demande que des avancées notables soient accomplies dans l’enquête de la CPI sur l’Afghanistan, enquête qui n’a que trop tardé et qui doit faire l’objet d’un rapport public et transparent afin de permettre une réelle participation des parties prenantes locales, y compris des victimes. En particulier, la CPI doit clarifier ses progrès et, dans la mesure du possible, les paramètres généraux des affaires en cours d’enquête.

« La culture de l’impunité pour les crimes de droit international commis en Afghanistan règne depuis près d’un demi-siècle de conflit. Si la décision de la CPI de reprendre les enquêtes l’année dernière a donné à des milliers de victimes de crimes relevant du droit international un réel espoir d’accéder enfin à la justice, à la vérité et à des réparations, le Bureau du Procureur de la CPI doit se montrer cohérent et mettre en œuvre son engagement en faisant progresser ses enquêtes, a déclaré Smriti Singh, directrice régionale pour l’Asie du Sud à Amnistie internationale.

« Le pays demeure en crise et la CPI est une institution cruciale dans la quête de justice de toutes les victimes en Afghanistan. Pour beaucoup, elle représente le seul moyen concret d’obtenir justice et d’en finir avec l’impunité. »

Lors de l’Assemblée des États parties, Amnistie internationale demande aux États membres du Statut de Rome de veiller à ce que la CPI dispose des ressources nécessaires pour diligenter des enquêtes efficaces sur les crimes de droit international, y compris les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, tels que les persécutions fondées sur le genre. Cela englobe notamment les crimes commis à l’encontre des femmes et des filles, des chiites hazaras et d’autres minorités religieuses, ainsi que les crimes commis dans le cadre des conflits dans le pays, avant et après la prise de pouvoir des talibans en 2021. Surtout, étant donné qu’il est extrêmement difficile d’enquêter en Afghanistan, les États membres doivent s’engager à renforcer leur coopération avec l’enquête de la CPI sur le pays.

En outre, la CPI doit être dotée de ressources financières et techniques adéquates pour permettre aux victimes afghanes de faire valoir réellement et efficacement leurs droits devant la Cour.

La CPI a un rôle essentiel à jouer pour garantir l’obligation de rendre des comptes en Afghanistan, mais des efforts complémentaires, tels que le recueil et la préservation des preuves pour de futures procédures et poursuites au niveau national, sont indispensables. Les États parties au Statut de Rome, en particulier, doivent soutenir de telles initiatives, notamment en exerçant leur compétence universelle et en soutenant la mise en place d’un mécanisme international indépendant d’obligation de rendre des comptes, par exemple au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

La décision prise par le Bureau du procureur de la CPI en 2021 de ne plus accorder la priorité aux enquêtes sur les crimes qu’auraient commis l’armée américaine et la CIA, ainsi que les anciennes Forces de sécurité nationales afghanes (ANSF), avait suscité de vives critiques. Cette décision risque de nourrir l’idée que la justice internationale est un système sélectif, où les intérêts des grandes puissances prennent le pas sur ceux de la justice pour les victimes de crimes relevant du droit international.

« Amnistie internationale demande que soit réexaminée cette décision de 2021, qui classe comme non prioritaires les enquêtes sur les crimes de guerre présumés imputables aux États-Unis et aux anciennes forces nationales afghanes – une décision qui continue de ternir la justice internationale. Rien ne saurait la justifier. Aucune victime n’est moins méritante que d’autres lorsqu’il s’agit de justice, a déclaré Smriti Singh.

« Le peuple afghan a besoin que cesse le règne de l’impunité, pour laisser place à une ère de justice, de vérité et de réparations. »

 

Complément d’information

L’Afghanistan a été soumis à un examen préliminaire public de la CPI de 2007 à 2017.

En 2023, Amnistie internationale a dénoncé les restrictions discriminatoires imposées par les talibans aux droits des femmes et des filles depuis leur prise de pouvoir en 2021. Associées au recours systématique à la violence et aux mauvais traitements, elles pourraient relever du crime contre l’humanité qu’est la persécution fondée sur le genre. En outre, l’organisation a recensé les crimes de guerre et autres violations du droit international humanitaire commis par les talibans dans le cadre du conflit armé avec le Front national de résistance dans la province du Panjshir, y compris le crime de guerre de sanction collective visant les habitants de cette province. Depuis de nombreuses années, elle a aussi relevé plusieurs cas de crimes de droit international imputables aux forces nationales afghanes, à l’armée des États-Unis et aux talibans.