Tunisie. L’adoption de la nouvelle Constitution représente un revers pour les droits humains
Réagissant aux informations indiquant qu’à la suite du référendum constitutionnel du 25 juillet, la Tunisie a adopté une nouvelle Constitution qui démantèle ou menace des garanties institutionnelles essentielles pour les droits humains, Heba Morayef, directrice régionale pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnistie internationale, a déclaré :
« Il est extrêmement préoccupant de constater que la Tunisie a adopté une nouvelle Constitution qui sape les droits humains et met en péril les avancées réalisées depuis la révolution de 2011. La nouvelle Constitution démantèle un grand nombre des garanties relatives à l’indépendance du pouvoir judiciaire, supprime les protections empêchant que des personnes civiles ne soient jugées par des tribunaux militaires, et accorde aux autorités le pouvoir de restreindre les droits humains ou de revenir sur des engagements internationaux relatifs aux droits humains au nom de la religion.
« Cette nouvelle Constitution, qui remplace celle de 2014, a été rédigée à huis clos dans le cadre d’un processus entièrement contrôlé par le président Kaïs Saïed. Le peuple tunisien a été confronté à un manque total de transparence quant aux raisons qui ont motivé le choix d’un tel processus et la décision de remplacer la Constitution de 2014.
« Cela intervient un an exactement après le coup de force du président Kaïs Saïed, lors duquel les autorités ont ciblé des voix dissidentes et des opposants politiques de premier plan avec des enquêtes pénales et des poursuites judiciaires, érodant à un rythme très inquiétant la protection des droits humains. La nouvelle Constitution ne doit en aucun cas être utilisée comme prétexte pour revenir sur les engagements de la Tunisie au titre du droit international relatif aux droits humains. Les dispositions de toute constitution doivent être pleinement conformes aux obligations souscrites par la Tunisie au titre du droit international relatif aux droits humains. »
Complément d’information
Le 25 juillet 2021, le président Kaïs Saïed a annoncé des mesures exceptionnelles, invoquant l’article 80 de la Constitution de 2014, et il a suspendu le Parlement et limogé le gouvernement. Il s’est ensuite arrogé le droit de légiférer par décret, il a suspendu la majeure partie des dispositions de la Constitution tunisienne de 2014, et a dissous le Parlement avant de s’octroyer le pouvoir de modifier la Constitution.
Un référendum sur le projet de nouvelle constitution a eu lieu en Tunisie le 25 juillet 2022. La nouvelle Constitution a été acceptée, avec un faible taux de participation s’établissant à 30,5 %, et elle doit entrer en vigueur le 27 août 2022 ; elle remplacera celle qui a été adoptée par l’Assemblée nationale constituante tunisienne en janvier 2014 à l’issue d’un processus inclusif et transparent mené sur deux ans, et qui contenait de solides garanties pour la protection des droits humains.