RDC. Les autorités doivent cesser d’utiliser la prolongation de l’état de siège comme prétexte pour réprimer les manifestations
Les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) doivent garantir les droits à la liberté de réunion pacifique, d’association et d’expression, a déclaré le 27 septembre Amnistie internationale, lors du deuxième jour de la nouvelle vague de manifestations dans l’est de la RDC contre la mission de maintien de la paix de l’ONU, le maintien de l’état de siège et la résurgence du groupe armé Mouvement du 23 mars (M23).
Les autorités ont menacé de réprimer la dernière manifestation en date organisée dans la province du Nord-Kivu, qui a débuté le 26 septembre 2022 et qui dénonce l’occupation persistante de Bunagana, dans l’est de la RDC, par le groupe armé M23. Les manifestant·e·s demandent également aux autorités de lever l’état de siège et appellent au retrait de la mission de maintien de la paix présente dans le pays. Le maire de Goma, un militaire qui fait l’objet de trois plaintes au pénal liées à la répression de manifestations pacifiques, a qualifié les organisateurs de « fauteurs de troubles » et les a menacés d’arrestation et de poursuites.
« Depuis l’instauration de l’état de siège en mai 2021, il est particulièrement dangereux de demander des comptes aux autorités dans les deux provinces concernées. Des dizaines de personnes ayant critiqué l’état de siège ont été arrêtées de façon arbitraire, et parfois poursuivies devant des juridictions militaires. Les autorités militaires doivent cesser d’utiliser l’état de siège comme prétexte pour réprimer les voix dissidentes, a déclaré Muleya Mwananyanda, directrice régionale pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnistie internationale.
« Le président Félix Tshisekedi doit traduire dans les faits ses engagements répétés en faveur de la protection des droits humains. Afin de protéger l’espace civique, il doit ordonner la levée des interdictions générales de manifester décrétées par des gouverneurs et des maires à travers le pays, notamment dans les provinces soumises à l’état de siège.
« À l’approche des élections de 2023, il est essentiel que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour respecter, protéger et mettre en œuvre les droits humains, notamment la liberté d’association et de réunion pacifique, conformément aux normes régionales et internationales », a souligné Muleya Mwananyanda.
Amnistie internationale demande au gouvernement de la RDC de veiller à ce que toutes les personnes responsables d’agissements illégaux commis dans le cadre de la répression des manifestations soient amenées à rendre des comptes, et à ce que justice soit faite pour les victimes.
Informations complémentaires
Le président Félix Tshisekedi a déclaré l’état de siège (similaire à l’état d'urgence) dans les provinces orientales du Nord-Kivu et de l’Ituri en mai 2021. Il a remplacé les autorités civiles par des autorités militaires et de la police, qui se sont vu octroyer des pouvoirs extraordinaires, notamment le pouvoir de restreindre les libertés et de poursuivre des civil·e·s devant des tribunaux militaires, en violation du droit international et des normes internationales. Cette mesure, qui devait être de courte durée, a depuis été reconduite une trentaine de fois et elle risque de devenir permanente, alors même qu’elle ne permet pas d’améliorer la situation en ce qui concerne la sécurité. Bien au contraire, les groupes armés ont intensifié leur activité dans la région et le nombre de victimes civiles a plus que doublé depuis un an et demi, comme le montrent les données du Baromètre sécuritaire du Kivu. Parallèlement à cela, l’état de siège est utilisé par les autorités militaires et de la police nommées par le président, et responsables devant lui, pour étouffer les critiques, notamment avec l’arrestation et l’emprisonnement de militant·e·s de la société civile et de l’opposition, comme l’a montré Amnistie internationale.
La semaine dernière, des groupes de la société civile dans le Nord-Kivu ont appelé la population de Goma et d’autres villes de la province à mener pendant deux jours, les 26 et 27 septembre, une opération « ville-morte » pour protester contre l’occupation de Bunagana par le M23 depuis le mois de juin, selon elle avec le soutien du Rwanda – une affirmation confirmée par un rapport datant de juin du groupe d'experts des Nations unies –, et pour réclamer la levée de l’état de siège et le retrait de la MONUSCO, la mission de maintien de la paix de l’ONU en RDC.
Les autorités de la RDC prennent de façon croissante des mesures pour étouffer la dissidence et arrêter de façon arbitraire des militant·e·s de la société civile et de l’opposition sur la base d’accusations sans fondement, anéantissant ainsi tout espoir de voir la situation des droits humains s’améliorer dans le pays après le départ de l’ancien président Joseph Kabila, en janvier 2019. Il y a deux mois, des violences ont eu lieu lors d’importants mouvements de protestation dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, qui ont entraîné la mort de 32 manifestant·e·s et passant·e·s, et de quatre membres de la mission de maintien de la paix de l’ONU. Les enquêtes sur ces événements promises par les autorités et par l’ONU ne sont toujours pas terminées.
Le droit de manifester est menacé dans toutes les régions du monde. La nouvelle campagne mondiale d’Amnistie internationale intitulée Protégeons les manifs a pour objectif de dénoncer les attaques contre les manifestations pacifiques, de défendre les personnes visées et de soutenir les causes portées par les mouvements sociaux en faveur de changements dans le domaine des droits humains.
Lors des opérations de maintien de l’ordre en cas de rassemblements, les forces de sécurité ont l’obligation de ne causer que le minimum de dommages et d’atteintes à l’intégrité physique, de préserver la vie humaine et de faire preuve de retenue dans leur usage de la force. Les agents chargés de l’application des lois ne doivent employer la force que si aucun autre moyen ne leur permet d’atteindre leurs buts légitimes, et que si le recours à la force est nécessaire et proportionné à la situation. Cette fonction doit toujours être exercée de façon à garantir le plein respect des droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de toutes les personnes, y compris de celles qui sont soupçonnées d’une infraction.