Népal. Il faut supprimer le délai de prescription trop restrictif pour le viol et les autres violences sexuelles
Le Népal doit supprimer de toute urgence, en modifiant la loi, le délai de prescription restrictif qui s’applique aux affaires de viol et aux autres violences sexuelles, car il constitue toujours un obstacle à l’accès des victimes à la justice, a déclaré Amnistie internationale le 26 mai 2022, en exprimant également sa solidarité avec les manifestations qui ont lieu actuellement pour demander que les victimes de violences sexuelles obtiennent justice rapidement et que la législation nationale sur le viol soit révisée.
Au Népal, des militants et des militantes sont descendus dans la rue après qu’une victime a rendu publiques, le 18 mai, par le biais des réseaux sociaux, des allégations de viol dont elle a été l’objet huit ans plus tôt lorsqu’elle avait 16 ans. Selon le Code pénal népalais de 2017, les plaintes pour viol doivent être déposées dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle les faits se sont produits. Il s’agit d’une disposition extrêmement restrictive, car elle empêche de nombreuses victimes d’avoir accès à un recours en justice effectif, en particulier dans le cas de viol sur mineur. Face à la pression exercée par les manifestations et compte tenu de la prescription d’un an, la police a arrêté l’auteur présumé le 21 mai en vertu de la loi sur (le contrôle) de la traite et du transport des êtres humains de 2007.
« À maintes reprises, nous avons vu des victimes courageuses qui ont été privées de justice en raison de la limite préjudiciable et obsolète d’un an qui est prévue pour le dépôt d’une plainte pour viol. La disposition actuelle est extrêmement restrictive, injuste et ne tient pas compte de l’état dans lequel peut se trouver la victime. Dans sa forme actuelle, cela permet à de nombreux responsables de viols d’échapper à la justice », a déclaré Yamini Mishra, directrice régionale pour l’Asie du Sud à Amnistie internationale.
Ce délai extrêmement restrictif et inadéquat ne prend pas en compte la stigmatisation à laquelle les femmes et les filles sont confrontées lorsqu’elles signalent des cas de violence sexuelle et liée au genre et les empêche d’accéder à un recours juridique, ce qui favorise l’impunité pour de tels actes.
« La disposition sous sa forme actuelle doit être abrogée immédiatement afin de garantir un délai suffisant pour assurer un accès effectif à un recours conforme aux obligations internationales. Le gouvernement népalais doit envisager de modifier cette disposition afin de permettre une prescription d’un délai suffisant et proportionnel à la gravité de l’infraction en question. Cette révision doit se faire en concertation avec la société civile et les victimes, afin de tenir compte de la stigmatisation à laquelle les femmes et les filles sont confrontées lorsqu’elles signalent des cas de violence sexuelle et liée au genre », a déclaré Yamini Mishra.
Le délai de prescription au Népal est en outre réduit à trois mois lorsque l’infraction est commise à l’encontre d’une personne détenue, placée sous contrôle, enlevée ou prise en otage. La loi stipule qu’aucune plainte ne peut être déposée après l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la date de libération de la personne détenue, placée sous contrôle, enlevée ou prise en otage.
En 2008, la Cour suprême du Népal avait émis une directive demandant au gouvernement de modifier la législation afin de prolonger de manière suffisante le délai de prescription, qui était alors de 35 jours, compte tenu de l’état psychologique de la victime, du temps nécessaire à l’enquête et des obstacles existants à l’accès à la justice. La disposition relative au délai de prescription d’un an dans le nouveau Code pénal de 2017 reste insuffisante et continue de priver de recours juridique les victimes qui ont porté plainte un an après les faits. En 2008, le représentant du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) avait déclaré que « la limite légale est souvent utilisée comme une excuse par la police pour ne pas enregistrer une plainte dans les cas de viol ».
Plusieurs autres dispositions de la loi concernant le viol et les autres violences sexuelles ne sont pas non plus conformes aux normes internationales en matière de droits humains. Ainsi, le Code pénal donne une définition étroite du viol en ne reconnaissant que le viol commis par un homme sur une femme ou une fille, mais pas sur une personne d’un autre genre. Cela empêche les hommes et les garçons, ainsi que les victimes d’autres identités de genre, d’accéder à la justice. Lors du troisième cycle de l’Examen périodique universel du Népal, en janvier 2021, au moins quatre États membres ont formulé des recommandations au Népal concernant l’abrogation des dispositions imposant un délai de prescription à l’enregistrement des plaintes pour viols et autres violences sexuelles, ce que le Népal n’a pas accepté. Toutefois, le Népal a accepté les recommandations d’une douzaine d’États membres sur la lutte contre la violence sexuelle et liée au genre, notamment en mettant la législation sur le viol en conformité avec les normes internationales.
« Le gouvernement doit prendre des mesures dans les plus brefs délais pour revoir la législation afin de la rendre conforme aux normes internationales, notamment en veillant à utiliser dans la loi des termes neutres pour se référer au genre des auteurs et des victimes. Les autorités doivent également faire en sorte que les allégations de viol et d’autres violences sexuelles fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites menées dans les meilleurs délais et que les victimes aient un accès adéquat à la justice et à des réparations, tout en assurant leur protection pendant l’enquête et le procès. Les autorités népalaises doivent prendre en compte les demandes des militant·e·s des droits des femmes concernant ce changement important afin de renforcer les droits des victimes dans le pays », a déclaré Yamini Mishra.