Mexique. Les progrès de l’enquête sur la disparition des 43 étudiants d’Ayotzinapa redonnent espoir
- Il faut retrouver les étudiants qui manquent à l’appel, fournir des réparations complètes et garantir que ce genre de cas ne se reproduise plus.
- Le rapport de la Commission vérité, qui a établi que les persécutions et la disparition forcée dont ces jeunes ont été victimes constituent un crime d’État, doit guider les efforts visant à faire la lumière sur les faits.
Le rapport récemment rendu public par la Commission pour la verité et l’accès à la justice, créée par le gouvernement du président López Obrador il y a trois ans, conclut que la disparition de 43 étudiants de l’École normale d’Ayotzinapa a été un « crime d’État ». Les récents mandats d’arrêt émis par le parquet de la République contre la personne qui était alors procureur général et contre des commandants militaires, ainsi que des membres de la police municipale et de l’État, entre autres, constituent des avancées de taille dans la quête de vérité et de justice en relation avec ce terrible crime, a signalé Amnistie internationale.
Près de huit ans après la disparition forcée de 43 étudiants de l’École normale rurale d’Ayotzinapa, l’assassinat de trois autres personnes, ainsi que les actes de torture et les persécutions dont des étudiants ont été victimes, les autorités mexicaines ont réalisé des progrès dans les enquêtes sur les manœuvres du gouvernement d’Enrique Peña Nieto visant à étouffer ces affaires. Ces tentatives de dissimulation ont favorisé l’émergence d’une « vérité historique », qui s’est appuyée sur une enquête caractérisée par des irrégularités, des violations des droits humains et d’autres crimes, et illustrant une détermination absolue d’occulter les faits au lieu de garantir la vérité, la justice et des réparations pour les victimes et leur famille.
« Après environ huit ans de lutte en faveur de la vérité et de la justice dans le cas des étudiants d’Ayotzinapa, les avancées observées confirment une nouvelle fois que les autorités, sous l’égide du président Enrique Peña Nieto, ont intentionnellement cherché à étouffer l’affaire et à entraver le travail de la justice. Le rapport dévastateur de la Commission vérité, qui estime que les persécutions et disparitions forcées visant ces jeunes relèvent d’un crime d’État, doit orienter le travail visant à faire la lumière sur ces faits, à retrouver les étudiants et à garantir que cela ne reproduira pas, en s’appuyant sur des politiques globales visant à combattre la profonde crise des disparitions forcées au Mexique », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnistie internationale.
Le gouvernement du président López Obrador a créé une commission spéciale chargée de suivre l’affaire, ainsi qu’une unité spéciale au sein du parquet général. Le Mexique a accepté le fait que le Comité des disparitions forcées était compétent pour examiner les cas de disparitions sur son territoire. Le 19 août, à la demande du parquet général, des mandats d’arrêts ont été lancés contre l’ancien procureur Jesus Murillo Karam, chargé des enquêtes initiales, « pour les crimes de disparition forcée, de torture et d’entrave à l’administration de la justice, dans le cas Ayotzinapa » et contre « 20 responsables militaires et les membres des bataillons 27 et 41 dans la ville d’Iguala, ainsi que cinq services administratifs et judiciaires de l’État de Guerrero ; 26 policiers d’Huitzuco ; six d’Iguala et un de Cocula ; et 11 policiers de l’État de Guerrero et 14 membres de la bande criminelle Guerreros Unidos ».
« Ces récentes avancées découlent de la lutte infatigable des mères, pères et familles des jeunes étudiants d’Ayotzinapa, et du travail remarquable et difficile accompli par les organisations de défense des droits humains qui les ont accompagnés. Le gouvernement du président López Obrador a montré sa volonté d’éclaircir les circonstances de la disparition forcée des étudiants, ainsi que de renforcer les instances de l’État censées enquêter sur ce terrible crime, ce qui contribue à rétablir un peu la balance après environ huit ans d’attente. Il est également temps d’adopter des politiques globales contre la grave crise des personnes disparues, dont le nombre dépasse déjà les 100 000, dans un pays traversé par l’injustice et l’impunité », a déclaré Edith Olivares Ferreto, directrice exécutive d’Amnistie internationale Mexique.
Complément d’information
Les 43 étudiants de l’École normale rurale d’Ayotzinapa ont été soumis à une disparition forcée durant la nuit du 26 septembre 2014, après avoir été arrêtés par des policiers municipaux tandis qu’ils se préparaient à participer à une manifestation à Mexico pour la commémoration du massacre d’étudiants survenu le 2 octobre 1968.
Malgré les pressions intenses exercées par la communauté internationale, la population mexicaine et les familles des étudiants disparus, on ignore toujours où ils se trouvent, et les circonstances de ces violations graves des droits humains n’ont toujours pas été élucidées.
Divers rapports d’organisations nationales et internationales, ainsi que du Groupe pluridisciplinaire d’experts indépendants nommé par la Commission interaméricaine des droits de l'homme, ont toujours mis en doute la version officielle à l’époque, et ont formulé des critiques détaillées sur les enquêtes réalisées. Le gouvernement de l’époque s’est obstiné à ne suivre qu’une seule piste dans le cadre de l’enquête (selon laquelle les étudiants avaient été arrêtés par des policiers municipaux puis livrés à une bande criminelle, et leurs corps brûlés dans une décharge locale). Cette théorie a été catégoriquement rejetée par le Groupe d’experts, qui a estimé que les circonstances décrites par les autorités mexicaines étaient improbables et qu’aucun élément de preuve n’étayait leurs dires.
Amnistie internationale a également dénoncé pendant des années les failles de l’enquête, et la décision politique d’occulter la vérité, et par conséquent d’entraver les efforts de la justice dans l’affaire de la disparition forcée des étudiants. Dans divers rapports, Amnistie internationale a confirmé la déficience des enquêtes, qui n’ont pas fourni le moindre éclaircissement sur la responsabilité du commandement. Les lieux du crime n’ont pas été préservés, ni dûment photographiés et filmés. Des éléments balistiques ont été recueillis, mais n’ont pas donné lieu à un relevé de traces de sang ni d’empreintes digitales, et des éléments de preuve essentiels n’ont pas non plus fait l’objet du traitement requis. De même, les actes de torture et autres mauvais traitements constamment dénoncés par des personnes incarcérées, et associés à ces disparitions, à des atteintes aux droits de la défense, à la manipulation frauduleuse des éléments de preuve et à la protection de fonctionnaires soupçonnés de participation sont d’autres violations des droits humains recensées durant les premières années de ces enquêtes.