Lesotho. Les autorités doivent lutter contre les brutalités policières, la torture et les homicides illégaux avant et après les élections
Les autorités du Lesotho et le nouveau gouvernement doivent s'occuper des cas non résolus de brutalités policières, de torture et d'homicides illégaux, et veiller à ce que les responsables de ces atteintes aux droits humains soient tenus de rendre des comptes au-delà de la période de campagne électorale en vue du scrutin du 7 octobre, a déclaré Amnistie internationale le 28 septembre 2022.
« Les cinq dernières années, sous le gouvernement de coalition actuel, ont été marquées par la généralisation d’une politique qui se traduit par des violations des droits humains, notamment des actes de torture, des homicides illégaux et un recours excessif à la force par les membres des forces de sécurité au Lesotho, a déclaré Muleya Mwananyanda, directeur pour l'Afrique de l’Est et l'Afrique australe à Amnistie internationale.
« Les candidats politiques en lice pour accéder à de hautes fonctions lors des prochaines élections générales, y compris des sièges parlementaires, doivent s'engager à placer au cœur de leur campagne le respect des droits humains et l'obligation de rendre des comptes pour les violations commises par le passé. S'ils sont élus, ils devront garantir l'accès à la justice et à des voies de recours efficaces pour les victimes. »
Depuis 2017, le Lesotho est en proie à tout un éventail de violations des droits humains, notamment au recours excessif et disproportionné à la force par les forces de l’ordre. Des informations font état d'homicides illégaux, d'actes de torture et de mauvais traitements infligés à des auteurs présumés d'infractions par des membres des forces de sécurité, notamment du Service de police montée du Lesotho (LMPS) et des Forces de défense du Lesotho (LDF).
Homicides illégaux
Au Lesotho, le recours illégal à la force par la police a donné lieu à des homicides illégaux. Le 16 juin 2022, la police a ouvert le feu sur des étudiant·e·s de l'Université nationale du Lesotho qui protestaient contre la baisse de leurs allocations, alors qu'ils ne représentaient pas de menace imminente. Un étudiant, Kopano Francis Mokutoane, a été tué et plusieurs blessés. Des policiers ont été suspendus pour avoir fait un usage excessif et illégal de la force lors des manifestations.
Le 2 septembre 2021, des agents du poste de police de Thetsane, à Maseru, ont arrêté Tseliso Sekonyela, soupçonné d'avoir volé de l'alcool. Il est mort en garde à vue. Les policiers ont amené son corps à la morgue le 4 septembre, sans préciser la cause de son décès.
Tseliso Sekonyela avait déclaré à sa mère, lorsqu'elle était allée le voir dans la cellule de détention provisoire du poste, que des policiers l'avaient battu. Sa mère a affirmé qu'un policier avait menacé de casser les côtes de son fils en sa présence. Trois policiers ont ensuite été suspendus dans l'attente d'une enquête sur sa mort.
Si certains policiers ont été suspendus en raison de leurs actes, notamment l’homicide de Kopano Francis Mokutoane, d'autres membres des forces de sécurité restent à leur poste malgré des preuves accablantes, notamment des recherches menées par des ONG de défense des droits humains, dévoilant de graves violations.
Torture et autres mauvais traitements
En outre, Amnistie internationale a recensé des cas de torture et de mauvais traitements imputables aux forces de sécurité.
Dans l’un de ces cas, le 13 janvier 2022, l’avocat spécialiste des droits humains Napo Mafaesa, 34 ans, a été arrêté par des agents du Service de police montée du Lesotho, au motif qu’il cachait un fusil appartenant à son client. Selon les informations dont dispose Amnistie internationale, il a été emmené au poste de Ha Mabote et torturé afin de lui extorquer des « aveux », alors qu'il a assuré ne rien savoir au sujet de cette arme.
Les policiers lui ont enchaîné les jambes et lié les mains avant de lui enfoncer un pneu dégonflé sur le visage, ce qui l'empêchait de respirer par le nez et la bouche. Ils lui ont versé de l'eau froide sur le visage à plusieurs reprises tout en l'agressant. Napo Mafaesa a été libéré à l'aube du 14 janvier dans un état de grande souffrance. Il a intenté une action en justice contre la police et réclame un montant d'environ 29 000 euros pour les tortures qu'il affirme avoir subies.
Dans une autre affaire, Mateboho Matekane, de Ha Pita à Maseru, a été arrêtée le 30 novembre 2021, accusée d’avoir dérobé des fonds d’épargne collective.
Selon son témoignage, elle a été emmenée au poste de Lithoteng, où elle a été frappée à coups de pelle, notamment sur les fesses, jusqu'à ce qu'elle s'urine dessus et perde connaissance. Elle a ensuite perdu son emploi car les tortures subies la faisaient souffrir au point qu'elle ne pouvait pas travailler. Elle poursuit également la police pour torture.
Le 19 mai, 35 personnes ont été torturées par des policiers et des membres des Forces de défense du Lesotho pour avoir manifesté contre des coupures d'électricité à Liseleng, dans le district de Thaba-Tseka. Les victimes, 19 hommes et 16 femmes, ont été battues et contraintes de rouler sur plusieurs mètres le long d'une route boueuse menant au fleuve Matsoku tout proche, puis de revenir. Elles sont accusées de trouble à l'ordre public.
Actions en justice intentées contre la police
Au Lesotho, les autorités policières font l’objet de plusieurs poursuites judiciaires pour des crimes allant du meurtre, de la dissimulation et de l’entrave à la justice, aux agressions, à la torture et à la mort en garde à vue. Un cabinet d'avocats de Maseru suit 58 cas de brutalités policières enregistrés depuis 2018.
Les autorités policières, notamment le commissaire Holomo Molibeli, ont reconnu devant Amnistie internationale, lors d'une réunion au commissariat de Maseru en juillet, que des cas de torture et de violations des droits humains avaient été constatés dans leurs rangs, rejetant la faute sur des « éléments de police voyous ».
« Il est du devoir de la police de protéger la population. Pourtant, le bilan du Lesotho en matière de brutalités policières montre que les citoyennes et les citoyens ont beaucoup à craindre de leurs forces de l'ordre. Il est temps d’adopter une attitude de tolérance zéro à l'égard des homicides illégaux, des actes de torture et des mauvais traitements commis par les forces de sécurité, et de veiller à ce que les auteurs présumés de ces actes rendent des comptes. Enfin, les victimes doivent avoir accès à la justice et à des voies de recours efficaces », a déclaré Muleya Mwananyanda.