La résolution du Conseil de l'Europe est un appel à l’action contre l’islamophobie en Europe
Alors que l’islamophobie gagne du terrain en Europe, amplifiée par le discours hostile aux musulman·e·s de certains politicien·ne·s, les député·e·s de 46 pays voteront lors d’une session plénière de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) sur une résolution accusant les autorités de plusieurs pays européens de banaliser la discrimination contre les musulman·e·s et réclamant des actions gouvernementales afin de combattre l’islamophobie comme une forme de racisme.
Les recherches et recommandations d’Amnistie internationale font partie des éléments ayant alimenté le rapport de l’APCE sur lequel s’appuie la résolution.
Avant les débats et le vote du 11 octobre 2022, Nils Muižnieks, directeur régional d’Amnistie internationale pour l’Europe, a déclaré :
« Cette résolution doit provoquer un sursaut. Les lois, politiques et pratiques racistes n’ont pas leur place en Europe. Les crimes motivés par la haine contre les musulman·e·s et les personnes perçues comme musulmanes font trop rarement l’objet d’un enregistrement officiel ou d’enquêtes efficaces. La surveillance visant des hommes, des femmes et mêmes des enfants musulmans est volontiers acceptée comme une pratique normale, et tout un ensemble de mesures antiterroristes sont appliquées en dehors du système pénal, sans garantie de protection adéquate.
« L’intolérance, les préjugés et la discrimination dont de nombreux musulman·e·s font l’expérience chaque jour sont une forme de racisme. Les femmes musulmanes sont affectées de manière disproportionnée, car elles sont victimes de discriminations à caractère multiple. Très souvent, leur accès à des lieux publics est restreint au moyen de politiques et de pratiques s’appuyant sur des stéréotypes de genre nocifs. Diverses lois à travers l’Europe empêchent les musulmanes de porter des symboles et vêtements religieux sur leur lieu de travail, dans les écoles et plus généralement en public. Il faut que les responsables politiques cessent d’employer un discours raciste et discriminatoire contre les musulman·e·s, et adoptent immédiatement des mesures afin que ces personnes puissent bénéficier de leurs droits fondamentaux à l’égalité et la dignité, et vivre leur vie sans discrimination.
« Lorsque des politicien·ne·s alarmistes diabolisent les musulman·e·s pour gagner des voix, il est plus important que jamais que les communautés musulmanes puissent s’exprimer sur la question. Or nous voyons des situations où les organisations demandant simplement la protection des droits fondamentaux des musulman·e·s sont traitées avec méfiance et empêchées de participer à la vie publique, voire dissoutes, souvent pour des raisons infondées relatives à la sécurité. La protection de la sécurité nationale ne justifie pas de restrictions disproportionnées et injustifiées des droits humains. »
Complément d’information
Il est fort probable qu’une majorité s’exprime en faveur de la résolution lors de la session plénière de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), après l’adoption unanime du rapport associé au sein de la Commission sur l'égalité et la non-discrimination de l’Assemblée.
Le 1er juin 2022, Amnistie internationale a soumis à la Commission sur l'égalité et la non-discrimination de l’APCE un récapitulatif régional sur l’islamophobie en Europe, montrant qu’un certain nombre de pays ont « racialisé » les musulman·e·s et les personnes perçues comme musulmanes et les soumettent à tout un ensemble de lois, politiques et pratiques discriminatoires et racistes.
Comme le décrit le nouveau rapport du Conseil de l'Europe, ce processus de « racialisation » amène à percevoir les musulman·e·s s comme un groupe ethnique distinct, sur la base de « divers marqueurs, parmi lesquels l’origine ethnique ou nationale, l’apparence et les caractéristiques culturelles, et peut s’entremêler à des sentiments d’hostilité envers les immigré·e·s, de xénophobie et à des préjugés liés au milieu social. »
Le rapport et la résolution de l’APCE mettent l’accent sur le fait que toute reconnaissance des problèmes rencontrés par les musulman·e·s doit être suivie d’actes, sous forme de plans d’action nationaux de lutte contre l’islamophobie. Le rapport inclut des recommandations concrètes pour les États membres du Conseil de l'Europe.