Chine. Les procès iniques de deux militants bien connus sont une attaque à la liberté d’association
Deux militants chinois des droits humains vont subir des procès manifestement iniques à huis clos cette semaine, après avoir été pris pour cibles et torturés en raison de leur travail pacifique, a déclaré Amnistie internationale le 21 juin 2022.
L’éminent juriste Xu Zhiyong et l’avocat défenseur des droits humains Ding Jiaxi comparaîtront devant le tribunal les mercredi 22 et jeudi 23 juin respectivement, pour des accusations fallacieuses de « subversion de l'État ».
« Les autorités chinoises s’en prennent à Xu Zhiyong et Ding Jiaxi non pas parce qu’ils ont commis un crime reconnu par le droit international, mais simplement parce que le gouvernement n’apprécie pas leurs opinions. Ces procès iniques sont une attaque flagrante contre leurs droits fondamentaux, a déclaré Gwen Lee, chargée de campagne sur la Chine à Amnistie internationale.
« Après avoir subi actes de torture et mauvais traitements durant leur détention arbitraire, Xu Zhiyong et Ding Jiaxi risquent désormais d’être condamnés à passer des années derrière les barreaux à l’issue de procès secrets qui sont biaisés depuis le départ. »
Xu Zhiyong et Ding Jiaxi sont des membres reconnus du « Mouvement des nouveaux citoyens », réseau informel de militant·e·s fondé par Xu Zhiyong en 2012 pour réclamer plus de transparence au sein du gouvernement et dénoncer la corruption.
Ils comptent parmi des dizaines d’avocat·e·s et de militant·e·s pris pour cibles après avoir assisté à une réunion informelle qui s’est déroulée à Xiamen, ville côtière du sud-est de la Chine, en décembre 2019, au cours de laquelle ils ont débattu de la situation de la société civile et de l’actualité dans le pays.
Au cours du mois de décembre 2019, dans diverses régions du pays, la police a convoqué ou placé en détention des personnes ayant participé à cette réunion.
Torturés sur une « chaise du tigre »
Ding Jiaxi a été détenu au secret « en résidence surveillée dans un lieu désigné » pendant plus d’un an après son arrestation le 26 décembre 2019.
D’après ses amis, Xu Zhiyong est entré en clandestinité après la réunion de décembre 2019. Début février 2020, il avait réclamé la démission du président Xi Jinping, critiquant sa gestion de la crise du coronavirus et des manifestations prodémocratie à Hong Kong.
Arrêté le 15 février 2020 alors qu’il se trouvait au domicile d’un autre militant, il a été placé par la suite « en résidence surveillée dans un lieu désigné », une forme de détention au secret, jusqu’au 21 janvier 2021.
Les deux hommes ont été soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements durant leur détention, notamment pendant de longues heures d’interrogatoire : ils ont été attachés les membres contorsionnés à une chaise métallique appelée « chaise du tigre », pendant plus de 10 heures par jour, durant de nombreux jours.
Un tel traitement est contraire à l’interdiction absolue de la torture et des autres mauvais traitements consacrée par le droit international relatif aux droits humains.
Les autorités ont enquêté conjointement sur les cas de Xu Zhiyong et Ding Jiaxi jusqu’au 20 janvier 2021, puis ils ont été inculpés de « subversion de l’État » et leurs avocats ont été informés que leurs dossiers seraient traités séparément.
« Le courage de ces hommes pour défendre les droits fondamentaux d’autrui devrait être salué, et non sanctionné. Xu Zhiyong a continué de défendre haut et fort les groupes défavorisés, alors que cela lui a valu d’être incarcéré, et s’est exprimé au sujet de la gestion de la crise du COVID-19 par le pouvoir lorsque d’autres ont gardé le silence, a déclaré Gwen Lee.
« Le gouvernement chinois invoque systématiquement des accusations ayant trait à la sécurité nationale dont les dispositions sont formulées en termes vagues, tels que " subversion de l’État ", pour engager des poursuites iniques contre des avocat·e·s, des universitaires, des journalistes, des militant·e·s des droits humains et des employé·e·s d’ONG.
L’avocat de Xu Zhiyong n’a pas pu le rencontrer pendant les trois mois qui ont précédé son audience préliminaire la semaine dernière, et il n’a pas non plus été autorisé à obtenir des informations et des documents liés à l’affaire – dont certains sont susceptibles d’inclure des « preuves » obtenues sous la torture.
Quant à l’avocat de Ding Jiaxi, il n’a pas eu de contact avec lui pendant quatre mois.
« Xu Zhiyong et Ding Jiaxi sont pris pour cibles uniquement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’opinion et d’association. Ils doivent être libérés immédiatement, a déclaré Gwen Lee.
« Dans l’attente de leur libération, les autorités doivent veiller à ce qu’ils ne soient pas soumis à la torture ni à d’autres mauvais traitements en prison et leur permettre de voir leur famille et de consulter les avocats de leur choix. »
Ce ne serait pas la première fois que Xu Zhiyong et Ding Jiaxi se retrouvent derrière les barreaux en raison de leur militantisme pacifique.
Xu Zhiyong a passé quatre ans en prison, de 2013 à 2017, pour des accusations forgées de toutes pièces de trouble à l’ordre public.
Ding Jiaxi, qui a notamment milité pour les droits des enfants des travailleuses et travailleurs migrants et pour une gouvernance transparente, a été condamné à trois ans et demi d'emprisonnement en 2014 pour avoir « rassemblé une foule dans un lieu public dans le but de troubler l'ordre public ».
Par ailleurs, aucune date n’a encore été confirmée pour le procès de Li Qiaochu, défenseure des droits du travail et militante féministe, qui est la compagne de Xu Zhiyong. Elle a été maintenue en détention secrète de février à juin 2020. Li Qiaochu a de nouveau été arrêtée le 6 février 2021 et incarcérée dans le même centre de détention que Xu Zhiyong et Ding Jiaxi, pour « incitation à la subversion de l’État ».
Li Qiaochu n’a pas été autorisée à rencontrer son avocat avant août 2021. Dans son acte d’inculpation, daté du 28 février 2022, il est écrit que Xu Zhiyong lui a donné comme instruction de publier des articles « subversifs » en ligne en septembre 2019.